Les aventures d'un tableau
L'Homme à la toque de fourrure, tableau attribué jadis à Rembrandt, qui faisait partie, pendant de longues décennies, des collections de la Galerie nationale de Prague, vient d'être restitué à la France.
C'est le ministre tchèque de la Culture, Pavel Dostal, venu à Paris à l'occasion de l'ouverture du grand festival, la Saison tchèque en France, qui a remis, ce mardi, le tableau à son homologue français, Jean-Jacques Aillagon. Ainsi, selon Pavel Dostal, on a réparé un tort commis, il y des années. Quant au ministre français, il s'est félicité du fait que la Saison tchèque commençait par cet événement symbolique. Mais les choses n'ont pas été toujours aussi simples que maintenant et le tableau a fait l'objet, pendant trois ans, de négociations franco-tchèques assez délicates. La Galerie nationale de Prague refusait d'admettre que le tableau provenait d'une collection du commerçant français d'origine juive, Alfred Schloss. Elle a été obligé d'accepter, cependant, le verdict d'une commission d'experts français et tchèques ayant identifié le tableau comme ayant fait partie de la collection Schloss et a approuvé, finalement, sa restitution. La collection parisienne d'Alfred Schloss comptait 333 tableaux. Après l'occupation de la France, au cours de la Seconde Guerre mondiale, les nazis, guidés par le marchand de tableaux Jean-François Lefranc, l'ont découvert, confisqué et partiellement dispersé. 49 toiles sont restées au Louvre. Lefranc a obtenu 22 tableaux, dont L'homme à la toque de fourrure, et les a vendu, en 1943, à un marchand allemand ou hollandais dont l'identité reste un mystère. Le tableau n'a reparu, qu'en 1945, à Prague, et il a été acquis, en tant que bien confisqué, par la Galerie nationale. Le tableau appelé jadis "Un Juif à la toque de fourrure" sera restitué donc, dans un court délais, aux héritiers d'Alfred Schloss. Il est toujours désagréable pour une galerie de perdre une oeuvre de qualité. Heureusement pour la partie tchèque, les experts ont déboulonné certains mythes concernant ce tableau et ont rendu cette perte moins douloureuse. D'abord il ne s'agit pas d'une oeuvre de Rembrandt, car la toile n'est qu'une des 15 variantes du même sujet créées par des peintres dans l'entourage du grand maître hollandais. Cela réduit considérablement sa valeur, qui représente, d'après les compagnies d'assurance, 1,5 millions de couronnes, donc près de 50 000 euros. La Galerie nationale ne le considère donc pas comme irremplaçable dans ses collections. La commission n'a pas réussi à identifier l'homme sur le tableau et n'a trouvé aucune preuve que ce soit un Juif. Les galeries publiques tchèques souffrent, ces derniers temps, d'une véritable hémorragie, car elles sont obligées de restituer de nombreuses oeuvres d'art à leurs anciens propriétaires. On peut dire, dans cette situation, que par rapport à ces pertes considérables, le vide laissé par l'Homme à la toque de fourrure, ne sera pas difficile à combler.