Les championnats d'Europe d'athlétisme pour handicapés mentaux à Prague
Les championnats d'Europe en salle d'athlétisme pour sportifs souffrant d'un handicap mental se sont tenus à Prague le week-end dernier. 113 athlètes de treize pays, parmi lesquels treize Français, ont pris part à cette compétition. Lors de la première journée, vendredi, nous avons rencontré Marc Truffaut, vice-président de la Fédération française de sport dit adapté et responsable de l'équipe de France présente en République tchèque. Il nous a donné quelques explications sur ces championnats d'Europe mais aussi sur la pratique d'activités sportives de personnes atteintes d'insuffisances intellectuelles ou de troubles de l'adaptation.
« C'est une jeune équipe de France de la Fédération française de sport adapté, c'est-à-dire des jeunes qui sont atteints de déficiences intellectuelles. En France, ils sont soit dans des instituts médicaux spécialisés, soit en CAT (centre d'aide par le travail). »
-Ces championnats d'Europe se tiennent-ils régulièrement ?
« Ce sont les deuxièmes championnats d'Europe indoor. A côté de cela, il y a encore les championnats d'Europe et du monde en plein air, ainsi que l'équivalent des Jeux paralympiques, à savoir les Global Games. Quant à ce déplacement à Prague, notre délégation est composée de treize sportifs et de quatre accompagnateurs. »
-Nous venons d'assister au concours de saut en hauteur et nous avons pu constater qu'il y avait des différences importantes dans les performances des différents concurrents. On sait que dans les sports paralympiques, il existe différentes catégories selon le handicap physique, mais en va-t-il de même pour les handicapés mentaux ?
« Non. Pour pouvoir participer aux compétitions, il y a des critères à respecter qui sont donc un coefficient intellectuel inférieur à 70 et des troubles du comportement par rapport à la vie sociale qui sont avérés et vérifiés par différents tests. Ensuite, tous les athlètes font partie de la même catégorie. Quant aux différences de performances évoquées, il faut savoir qu'il s'agit d'un mouvement qui débute et que certains pays sont très en avance. Dans ces pays-là, les sportifs sont reconnus comme de véritables sportifs qui sont dans des centres d'entraînement avec des entraînements quotidiens ou au moins très réguliers, alors qu'en France, par exemple, nous touchons les jeunes à travers les séances d'éducation physique dans les établissements et des intégrations dans des clubs dits « normaux » ou plus précisément « valides ». Ce sont des jeunes qui sont à deux voire trois entraînements, dans le meilleur des cas, par semaine. En fait, en France, nous ne sommes pas encore reconnus par le ministère de la Jeunesse et des Sports comme étant un sport paralympique. C'est en bonne voie mais nous n'y sommes pas encore, et du coup, nos jeunes n'ont pas le statut de sportif de haut niveau et s'entraînent finalement avec les moyens du bord. »
-Les sportifs handicapés mentaux ne participent donc pas aux Jeux paralympiques ?
« C'est le grand débat actuellement, car les sportifs avec une déficience intellectuelle ont été exclus des Jeux paralympiques en 2000. Nous tentons d'y revenir avec notamment la mise en place de nouveaux critères d'éligibilité. Pour l'instant, nous en sommes au stade des pourparlers avec le Comité international paralympique (CIP) pour que nous soyons réintégrés au mouvement paralympique. C'est pour cela que nous sommes reconnus par le CIP mais nous ne participons pas aux Jeux paralympiques. Les sourds sont dans la même situation que nous, les déficients intellectuels, et ont leurs propres Jeux. »
-Comment se passe la préparation d'un handicapé mental ? Est-elle différente de celle d'un sportif valide ?
« Notre souci à la fédération est également de favoriser l'intégration. Tous les sportifs qui ont été sélectionnés et sont présents à Prague sont dans des clubs de la Fédération française d'athlétisme. Ils suivent donc des entraînements le plus régulièrement possible et ensuite, la fédération met en place des regroupements et des stages de préparation. »
-Quels sont les bienfaits de la pratique du sport dans la vie de ces personnes-là ?
« Tout d'abord, c'est comme pour vous et moi, le fait de pratiquer un sport est pour eux un moyen de se maintenir en bonne santé, d'être en forme, etc. Mais au-delà de cet aspect-là, je crois que le plus important est de leur permettre d'acquérir une certaine autonomie, comme on le voit pour certains jeunes qui ont intégré le groupe France. La pratique du sport leur a donné confiance en eux, leur a permis de se dépasser et d'avoir envie d'apprendre. Par exemple, il y a des jeunes qui, il y a quatre ans, venaient avec nous et ne savaient ni lire ni écrire. Nous avons suscité chez eux l'envie d'apprendre et cela s'est vraiment ressenti au niveau scolaire. Ils sont rentrés dans des établissements et c'étaient eux qui étaient demandeurs. C'est très important, car lorsque ces personnes sont demandeurs de quelque chose, elles sont très motivées pour le faire. »
-La notion de résultat est-elle très importante ? Bien sûr, quand on participe, on a toujours envie de gagner. Mais est-ce la même chose que pour les sportifs valides ?
« C'est tout à fait la même chose ! Il y a les mêmes enjeux. Dans un instant, nous allons assister au 1000 mètres, la dernière épreuve du pentathlon qui est très serré. Vous verrez que toutes les délégations qui sont là vont encourager leurs athlètes pour décrocher une médaille. Cela a une très grande importance non seulement pour les sportifs, mais aussi pour les fédérations puisque c'est une compétition internationale. Quant aux jeunes, ils se battent pour la médaille, c'est pour cela qu'ils viennent et non pas pour s'amuser et repartir bredouilles. Ils sont vraiment très motivés et donnent le meilleur d'eux-mêmes pour y arriver. »