Les coopératives d'épargne

Aujourd'hui nous allons raconter une histoire de coopératives d'épargne. Elles sont nombreuses, aussi, à avoir fait faillite, ces dernières années, et leurs membres attendent toujours des dédommagements. Ces coopératives s'appellent : "kampelicky" du nom de leur inventeur, M. Kempelicek. C'est tout une histoire. Ce mode d'épargne a existé au cours de la Première république, donc au début du XXe siècle, pour disparaître sous le communisme et reparaître après, dans ce qu'il y a lieu d'appeler la dérive libérale du début des années quatre-vingt-dix. Ils sont des milliers de petits épargnants, qui se sont identifiés à l'idée de renouveler les coopératives d'épargne, qui leur promettaient la sûreté et le gain. L'état actuel ? Les faillites, la déception. Mais en fait pourquoi et comment ?

Les coopératives d'épargne ne sont pas des banques. Déjà, la création de ces institutions était contradictoire. Les députés, qui ont présenté la loi concernée, et les défenseurs des coopératives ont pensé qu'il était facile de renouer avec l'ancienne tradition, et que, notamment dans des petites villes et villages, les coopératives d'épargne remplaceraient les banques, qui limitaient leurs réseaux d'agences aux régions les plus rentables et oublient les petits villages et le monde rural. Mais comme les chemins de l'enfer ne sont jamais pavés que de bonnes intentions, il n'était pas possible, hélas ! de renouer avec l'époque de la Première république, et il ne suffisait pas non plus de dire que, dans plusieurs pays, les coopératives d'épargne marchent bien et que donc ça va marcher chez nous. Dans ces pays, leur activité n'a pas été interrompue brutalement. C'est toute la différence, qu'on n'a pas vue, ou qu'on n'a pas voulu voir. L'idée qu'il existe suffisamment de spécialistes capables de gérer l'épargne des membres de la coopérative, et notamment évaluer les risques d'investissement, a été, dès le départ erronée. Il y aura donc des problèmes. Il en fallait pour mener la coopérative à la ruine.

Les problèmes rencontrés par certaines coopératives ont un dénominateur commun. Nombreuses ont été celles qui ont proposé des intérêts d'épargne très élevés, mais qu'il fallait malheureusement gagner, ce qui a poussé ces coopératives à tenter des opérations risquées qui, dans la majorité des cas, se sont soldées par des pertes. Ces coopératives vont donc se trouver à court de liquidités pour faire face à leurs engagements, et d'abord vis-à-vis de leurs membres. Insolvabilité notoire tout d'un coup donc, avec ce corollaire : qui dit insolvabilité dit défiance. Conséquence : les organismes financiers refusent de prêter et les épargnants retirent leurs dépôts. Surtout que la faillite des banques faisait pour ainsi dire rage. Quelle est cette coopérative qui peut tenir dans ces conditions ? Certains membres des coopératives d'épargne ont cru que leur relation était identique à celle des banques (client - banque) et ne savaient rien de la relation coopérative - membre où chaque membre, par l'intermédiaire d'organes élus, participe à son activité. Ce principe a été difficile à réaliser dans des grandes coopératives, ce qui s'est reflété, surtout à cause de l'insuffisance des mécanismes de contrôle, dans l'évolution défavorable des coopératives d'épargne. La première faute de parcours vient donc des coopératives elles-mêmes. Elles ont vu grand. C'est quand elles sont tombées par terre, que les charognards viendront leur faire les fonds de caisses sous le couvert de la loi. Une loi défaillante. Mais comment cela ?

Selon Jiri Spicka, directeur du département du marché financier et des banques, au Ministère des Finances de la République tchèque, le domaine des coopératives, pour des gens décidés à voler l'argent d'autrui, est un domaine de rêve. Ce domaine est coiffé par le Bureau de surveillance des coopératives d'épargne dont le directeur est nommé par le Ministre des Finances, mais, chose curieuse, les compétences et les responsabilités du Bureau de surveillance ne sont pas du ressort de ce ministère. C'est une anomalie, mais c'était comme ça, nous dit Jiri Spicka. Donc, le Bureau est pratiquement détaché de tout contrôle. Pourtant, la loi lui confère un pouvoir incroyable. Les coopératives d'épargne sont créées, selon la volonté de leurs membres, mais des membres, rappelons-le sans expérience, et souvent sans possibilité de consulter quiconque sur leurs décisions. Les responsables des coopératives n'avaient qu'une loi imparfaite pour guider leur activité, et, dans les affaires, ils se sont tenus à la règle suivante : nous devons gagner l'argent pour nos membres, coûte que coûte. Bien sûr, ces coopérative étaient regroupées dans une association : l'Association tchèque des coopératives d'épargne. Mais c'était une institution bénévole qui ne regroupait que le tiers des coopératives, et qui, de toute façon, était là pour les défendre, nullement pour se mêler de leur gestion. L'association était sociale, elle n'était pas économique. Le résultat de tout cela est une coopérative par trois fois fragile : par l'inexpérience de ses membres, l'imprudence naïve de ses gestionnaire et l'absence de protection législative.

Aux premières gestions déficitaires, le Bureau de surveillance entre en lice. C'est une institution, rappelons-le, reposant sur l'autorité de l'Etat, sans aucun contrôle, et payée par ses futures victimes, les épargnants. La décision du Bureau n'est pas susceptible de recours et, s'il cause des dommages aux coopératives, celles-ci sont remboursées par les fonds d'assurance des coopératives - donc par les coopératives elles-mêmes. Les membres du bureau de surveillance, c'est un peu les charognards pour Jiri Spicka. Il a suffi de contacter des agences médiatiques compétentes et de mettre en doute, aux yeux de l'opinion publique, la fiabilité des coopératives d'épargne, notamment en émettant des informations inquiétantes sur leur compte, pour tarir les opérations de dépôt. C'est la banqueroute. Une cascade de chutes de coopératives, entretenue par les membres eux-mêmes, qui essayaient chacun de sauver ce qu'il peut. Bref, c'était panique à bord des coopératives. Il y avait une façon de sauver les meubles : faire confiance au Bureau de surveillance. Le bureau, par son entrée dans les coopératives, va paralyser l'accès des adhérents aux informations sur leurs biens. Ensuite, ses membres étaient parfaitement compétents de choisir, de dénigrer, de dévaster publiquement et de partager les biens. C'est à se demander, si l'on n'avait pas joué, aux personnes âgées notamment, sur la corde sensible de la nostalgie, en leur rappelant, dès le retour à la démocratie, le bon vieux temps des coopératives financières, pour les conduire à vider leurs bas de laines dans les poches de leurs "bienfaiteurs". Si les choses s'étaient vraiment passées ainsi, comme c'est le cas apparemment et vraisemblablement, constatons qu'il a fallu du génie, de la patience, et un sens aigu de la programmation aux inventeurs de ce terrible piège.

Auteur: Omar Mounir
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