Les défis de Jan Hus
Il y a 587 ans, le 6 juillet 1415, mourait Jan Hus (Jean Hus) au bûcher à Constance. Six siècles après sa mort, il est toujours avec nous.
Il y a 587 ans, le 6 juillet 1415, mourait Jan Hus (Jean Hus) au bûcher à Constance. Six siècles après sa mort, il est toujours avec nous. Sa grande statue d'airain se dresse au milieu de la place de la Vieille-Ville à Prague, et sur le socle du monument on a gravé ses paroles: "...cherche la vérité, écoute la vérité, apprends la vérité, aime la vérité, défend la vérité jusqu'à la mort, car la vérité te sauvera..." Aujourd'hui encore, Hus continue à nous interroger, à nous rappeler que la vérité est une valeur qu'on doit défendre même au prix de sa vie. Et nous nous interrogeons aussi. Qu'est-ce qu'il reste de la vérité pour laquelle Hus a péri dans les flammes? A la fin du 20ème siècle, dans une société permissive, démocratique et en majorité laïque, pouvons-nous considérer la vérité de Hus comme la nôtre? Il n'est pas facile de répondre à toutes ces questions. On ne peut pas séparer complètement les pensées purement théologiques de Hus de ses idées plus générales concernant la vie de la société et la morale qui ont eu un énorme retentissement dans son époque. Certaines idées de ce réformateur nous semblent aujourd'hui inadmissibles. D'autre part, Hus reste un problème toujours brûlant pour l'Eglise catholique qui revise, au cours de ces dernières années, son attitude vis-à-vis de ce prêtre qu'elle a condamné pour hérésie. Pour illustrer cette évolution et les divergences de vue sur ce grand personnage historique, j'ai invité au studio un prêtre catholique et un pasteur protestant et nous avons tâché ensemble de cerner l'impact de Hus sur la société dans le passé et de nos jours et de suivre aussi l'évolution des attitudes de la société face à cet homme dont la mort a marqué un tournant dans l'histoire européenne.
Tout d'abord quelques faits historiques. La vie et l'oeuvre de Hus sont, entre autres, une sorte de réaction à l'effondrement de l'autorité suprême de l'Eglise et du système féodal. Dans cette Europe où toutes les autorités vacillent, dans l'Eglise divisée par le schisme, c'est-à-dire l'existence simultanée de deux papes, et traversant une profonde crise, Hus poursuit passionnément la recherche d'une autorité spirituelle inébranlable. Recteur de l'Université, confesseur de la reine, prédicateur célèbre, Hus jouit à la charnière du 14ème et du 15ème siècles d'un renom tout à fait exceptionnel. Bien qu'il poursuive la tradition du mouvement critique qui se forme dans l'Eglise en Bohême depuis une trentaine d'années, il donne à sa critique un ton nouveau et aussi une solide base théorique. Il sent que l'Eglise corrompue ne peut pas servir d'exemple au peuple, que le clergé vicieux n'a pas le droit d'exiger que les laïcs mènent une vie vertueuse. Disciple de John Wyclif de l'Université d'Oxford, il prêche non seulement contre le trafic des indulgences - la simonie - mais il est logiquement du côté de Wyclif dans la querelle philosophique entre les nominalistes et les réalistes qui marque profondément la théologie du Moyen Age. Pour Hus, les choses ne sont pas mauvaises, parce que Dieu les défend, mais Dieu les défend parcequ'elles sont mauvaises. Et même si Dieu disparaissait, éternellement le bien demeurerait le bien et le mal le mal. Cette attitude philosophique donne donc à Hus aussi une base spirituelle solide pour son attitude morale et pour la critique du clergé qui n'est plus, à ses yeux, une caste intouchable et privilégiée, mais est réduite au rôle de serviteur. Sa doctrine se propage rapidement et provoque une violente réaction du clergé. Lorsque l'Eglise convoque, en 1414, le Concile de Constance pour sortir de la crise et pour mettre fin au schisme, Hus accepte de s'y rendre. L'empereur Sigismond lui promet de le soustraire au danger qu'une telle entreprise représente pour l'homme considéré comme hérétique et lui délivre un sauf conduit qui doit le protéger. A Constance, Hus, qui veut défendre ses idées, se heurte à un mur d'incompréhension. Il refuse d'abjurer les idées qu'il sait justes et qu'il défend depuis de longues années. En abjurant, il sauverait sa vie, mais il perdrait son âme. L'empereur Sigismond lui enlève sa protection et Hus, dépouillé de ses privilèges de clerc, est remis à la justice séculaire et condamné à mourir par le feu. "Dieu m'est témoin," dit-il "que ce que ces faux témoins ont inventé en me l'attribuant, je ne l'ai ni enseigné, ni prêché. Je n'ai voulu surtout qu'une seule chose par mes paroles, par mes écrits, j'ai enseigné, j'ai prêché la vérité de l'Evangile d'après les écrits et la doctrine des saints docteurs. C'est pourquoi aujourd'hui je meurs joyeux."
Jan Hus est un personnage historique, mais aussi une légende. On peut dire que depuis le 15ème siècle, chaque époque, chaque siècle de l'histoire des pays de la couronne tchèque était confronté avec l'oeuvre, la mort, et la légende de Hus et que les attitudes vis-à-vis de Hus évoluaient avec la société.