Les dirigeants du mouvement ANO dans le viseur de la justice
La police demande à la Chambre des députés la levée de l’immunité parlementaire de deux de ses membres, Andrej Babiš, l’ancien ministre des Finances, et Jaroslav Faltýnek. Il s’agit de pouvoir déclencher des poursuites judiciaires à l’encontre de ces deux hommes, respectivement président et vice-président du mouvement ANO, la deuxième plus importante formation de la coalition gouvernementale, dans une affaire de fraude aux subventions européennes.
Afin de pouvoir comprendre cette affaire complexe, il faut remonter en 2009. Cinq ans avant de devenir officiellement propriété du groupe Agrofert, lequel appartient au milliardaire d’origine slovaque Andrej Babiš, la ferme ultra-moderne a pu bénéficier de subventions européennes pour un montant de 50 millions de couronnes (près de 1,85 millions d’euros), des subventions destinées à soutenir les PME et le tourisme. Or, cette ferme aurait en fait déjà appartenu à Agrofert jusqu’en 2008 avant que sa propriété ne soit transférée vers des actionnaires anonymes. Cela aurait permis de dissimuler le nom des propriétaires réels des titres financiers et donc de l’établissement agricole,, une pratique désormais interdite en République tchèque. Tout cela a conduit la police tchèque et même l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) à ouvrir une enquête afin de déterminer s’il ne s’agissait pas là d’une conduite frauduleuse avec pour but d’obtenir des subventions auxquelles la ferme n’aurait pas eu le droit autrement.
L’affaire, et surtout les explications laborieuses de l’ancien ministre des Finances, lequel a notamment affirmé que la ferme appartenait au moment de l’acquisition des subventions à ses deux enfants adultes et à son beau-frère, ont suscité de nombreuses controverses au sein de la coalition gouvernementale.
Ce jeudi, la police tchèque a envoyé au président de la Chambre des députés, Jan Hamáček, une demande de levée de l’immunité parlementaire d’Andrej Babiš, afin de pouvoir entamer contre lui des poursuites judiciaires. L’ancien ministre des Finances, qui nie une quelconque faute de sa part, y voit un effort d’influencer les élections législatives qui se tiendront en octobre prochain et dont son mouvement est, selon les différents sondages, le grand favori :« Cela est le résultat d’une campagne bien réfléchie qui date de 2016 déjà et qui a pour objectif de me criminaliser. Il s’agit de la dernière tentative désespérée de mes adversaires de m’évincer de la politique. »
« Cette subvention qui date de près de dix ans, a été par le passé contrôlé déjà par les présidents de la région de Bohême centrale, Petr Bendl et David Rath, et par le ministre des Finances de l’époque, Miroslav Kalousek. Il n’y avait aucun manquement, comme en témoignaient les différents audits. Toute cette affaire est donc un non-sens. Je suis allé au commissariat le 23 juillet dernier et j’ai été rassuré de voir que je figurais dans cette affaire en tant que témoin. Je ne comprends donc pas pourquoi la police demande maintenant à la Chambre des députés la levée de mon immunité. »
La demande de levée de l’immunité concerne également son collègue au sein du mouvement ANO, le député Jaroslav Faltýnek, ancien membre de la direction d’Agrofert, que la police soupçonne, à sa grande surprise dit-il, d’être également impliqué dans l’affaire. De même qu’Andrej Babiš, Jaroslav Faltýnek estime qu’il s’agit là d’un « jeu politique » et d’une « brimade de la part de la police », qui ont pour objectif de « décontenancer les sympathisants du mouvement ANO en vue des législatives » :
« J’ai été une fois convoqué par la police pour témoigner. Je n’ai pas du tout compris ce qu’ils voulaient de moi. En tant qu’ancien membre de la direction d’Agrofert, je ne sais rien sur cette subvention destinée à la ferme du nid de cigognes. »
La levée ou non de l’immunité des deux hommes sera abordée tout d’abord par le comité parlementaire des immunités le 18 août prochain, avant d’être discutée par l’ensemble des députés début septembre. Il ne devrait toutefois s’agir que d’une formalité, comme le confirment les différentes déclarations des membres de la Chambre des députés, mais aussi le code du mouvement ANO qui invite tout membre à ne pas profiter de cette immunité. Jaroslav Faltýnek et Andrej Babiš ont d’ailleurs tous les deux confirmé, qu’ils n’essaieraient pas d’empêcher l’institution à donner suite à la demande de la police.