Les légions tchécoslovaques sur les fronts de la Première Guerre mondiale

Чехословацкий легион

Le 28 octobre, nous avons commémoré le 85e anniversaire de la fondation de la Tchécoslovaquie. "Sans les légionnaires, on n'aurait pas eu la République," a déclaré, à l'époque, le fondateur de celle-ci, Tomas Garrigue Masaryk. Pour la première fois depuis la défaite à la Montagne Blanche, en 1620, les armées tchèques combattaient, sous leurs couleurs, pour la liberté de leur patrie.

Les unités des armées étrangères tchécoslovaques, appelées les légions, se formaient de volontaires résolus à combattre l'Autriche-Hongrie, aux côtés de l'Entente, pour l'indépendance de la Tchécoslovaquie. Elles étaient formées à l'étranger, en France, en Russie et en Italie. Ils ont été près de 150 000 légionnaires à contribuer à la victoire de l'Entente dans des batailles célèbres telles celles d'Arras, de Vouziers, de Chemin de Dame, de Terron, de Piave, Doss Alte, Zborov, ou encore Bachmac.

Avant 1914, environ 1,5 million d'émigrés tchèques et 1 million de Slovaques vivaient aux Etats-Unis. En Russie, près de 70 000 compatriotes - agriculteurs en Volynie, entrepreneurs, enseignants d'écoles secondaires - étaient fixés. A Paris, il y en avait près de 2000, surtout des artistes et étudiants. Ces Tchèques de l'étranger ne perdaient pas leur temps.

Le 22 août 1914, la première compagnie de volontaires - la 3e compagnie du 1er régiment de la Légion étrangère, dite compagnie Nazdar - selon le salut des membres du mouvement Sokols - d'une force de 250 hommes, s'est constituée en France. Le même jour, une autre unité de 1000 hommes, Ceska druzina - Groupe tchèque, s'est créée à Kiev, en Ukraine. La compagnie Nazdar a été envoyée sur le front le 23 octobre 1914, dans le cadre de la division marocaine. Elle s'est fait remarquer en mai 1915 dans le combat d'Arras. Jusqu'à la fin de la guerre, 600 Tchèques ont passé par cette compagnie, dont 50 seulement ont survécu à la guerre sans blessures.

En Russie, la révolution bolchevique a retardé l'offensive sur le front est. Puisque les soldats russes quittaient massivement le front, il a été décidé que l'offensive serait menée par les unités de volontaires, dont des Tchécoslovaques. La brigade d'artillerie tchécoslovaque, forte de 3 500 volontaires et renforcée de prisonniers de guerre de l'armée austro-hongroise, est intervenue d'une manière décisive dans le déroulement de la guerre lors de la bataille de Zborov, le 2 juillet 1917. La brigade tchécoslovaque a rompu le front de l'ennemi en pénétrant au-delà de la 3e ligne de défense autrichienne et en capturant plus de 3000 soldats ennemis. L'armée russe, décomposée par la propagande bolchevique, n'a, hélas, pas su profiter du succès exceptionnel des légionnaires tchécoslovaques. Les soldats russes reculaient devant l'ennemi et les Tchécoslovaques, isolés, ne pouvaient pas continuer seuls. Masaryk, alors présent en Russie, a passé avec le gouvernement bolchevique un accord sur le déplacement du corps en France, via la Sibérie. La victoire de Zborov a justifié l'idée de la résistance tchécoslovaque étrangère. Elle a fourni à la représentation politique un argument fort pour la reconnaissance des prétentions des Tchèques et des Slovaques à la création d'un Etat et encouragé la création de légions en Italie.

Après l'entrée de l'Italie dans la guerre contre l'Autriche, en mai 1915, beaucoup de nos soldats se sont fait prisonniers de l'Italie. Après avoir appris la création d'unités tchécoslovaques en France et en Russie, ils se sont fait recruter pour la lutte contre l'Autriche. En 1916, un corps de volontaires tchécoslovaques est né au camp de prisonniers Santa Maria Capus Veter. Le régime italien n'a autorisé la création d'unités tchécoslovaques qu'après la défaite de Caporetto, en automne 1917, lorsque l'Italie avait besoin de soldats. Au début de 1918 a commencé la formation d'une division tchécoslovaque, celle-là même qui s'est fait remarquer, en juin 1918, au cours de la bataille de Piave. Une autre division et un corps d'armée tchécoslovaques se sont distingués dans la bataille de Doss Alto. Le corps de 22 000 hommes, rentré dans sa patrie en décembre 1918, a joué un rôle important lors de la libération de la Slovaquie et de la défense de celle-ci contre les Hongrois, au printemps 1919.

La toute première, mais aussi la plus petite, légion tchécoslovaque étrangère a été créée en France. Son noyau, la compagnie Nazdar déjà mentionnée, a vu le jour en août 1914. En 1917 s'y sont joints des Tchèques passés volontairement en captivité serbe et entrés dans l'armée serbe. Masaryk prévoyait, au départ, la création du centre principal de la résistance en Serbie. Lorsqu'à l'automne 1915, les Serbes ont été contraints de reculer en Albanie, sous la pression de la suprématie autrichienne, les volontaires tchécoslovaques ont été déplacés d'abord en Italie, puis en France. Au tournant de 1917-1918, nos unités en France ont été renforcées de deux transports de volontaires en provenance de Russie, soit 3000 hommes, et de plusieurs milliers de Tchèques et de Slovaques des USA. Ainsi est née la brigade tchécoslovaque du commandant le colonel Philippe, dont les 3 régiments se sont distingués lors des batailles près de Vouziers et Terron. La brigade tchécoslovaque est née dans la ville de Cognac, dont les habitants lui ont offert un drapeau. Le drapeau a été remis à la brigade par le président français, Raymond Poincaré, en personne.