« Les médecins veulent rester ici et l'argent est disponible »

Les négociations se poursuivent entre le ministère de la Santé et les représentants des milliers de médecins tchèques qui ont posé leur démission pour protester contre le niveau trop faible de leur revenu et leurs conditions de travail et formation. Jan est un jeune interne qui travaille depuis deux ans dans un des CHU de Prague.

Il a désiré garder l’anonymat car le directeur de l’hôpital a formellement interdit aux médecins de parler à la presse. Il nous a expliqué ce qui l’avait poussé à rejoindre la campagne intitulée « Merci, on s’en va ». Pour lui, le « Merci » est en trop :

« Je suis tellement mal payé et le système est tellement ‘en bordel’ qu’il n’y a même pas à remercier ! Pour 42 heures par semaine je gagne 18 000 couronnes brut, environ 14 000 couronnes net. Ce n’est pas génial pour vivre à Prague… »

Rappelons que le salaire moyen brut à Prague est d’environ 24 000 couronnes…

« Oui, il faut donc qu’on fasse des heures supplémentaires, qui sont mieux payées mais qui nous prennent évidemment du temps et de l’énergie. Par exemple cela m’arrive de commencer le lundi toute la journée, d’enchaîner avec la garde de nuit puis recommencer la journée du mardi. »

Cela fait 32 heures de suite ?

« Tout à fait. Et la loi dit normalement qu’après une garde de nuit on ne peut pas travailler. Mais ici on fait les choses différemment pour contourner la loi parce que les hôpitaux manquent de docteurs qui peuvent assurer le service normal. Donc on a deux contrats : un contrat normal pour nos 42 heures par semaine et un autre contrat pour les gardes de nuit. Du coup, c’est notre problème si on reste au boulot après notre garde de nuit… »

La faible rémunération, le nombre d’heures supplémentaires et la fatigue vous ont poussé à donner votre démission. Est-ce vraiment avec l’envie de partir à l’étranger, peut-être en France puisque vous parlez français ?

« Je peux dire que la majorité des médecins veut rester ici. Ces démissions sont un moyen de pression. Dans le système de santé tchèque, on ne peut pas faire vraiment la grève, on peut seulement organiser une grève symbolique… »

Ne regrettez-vous pas que ce mouvement n’ait pas commencé plus tôt, quand le taux de croissance tchèque était encore élevé ? Parce qu’il semble désormais - la tendance étant à la baisse des salaires - que l’opinion publique a du mal à comprendre aujourd’hui les revendications salariales assez élevées des médecins, même si tout est relatif.

« C’est ce que les gens ne comprennent pas, parce qu’ils ne veulent pas voir les informations essentielles. Nous voulons avoir plus d’argent, mais le fait est qu’il y a assez de moyens disponibles au sein même du système de santé. Le ministre de la Santé lui-même dit qu’il peut trouver 15 milliards de couronnes dans des réserves corrompues ou perdues dans le système de santé. Du coup, les gens qui ne veulent pas d’une augmentation des salaires des médecins, sont souvent des gens qui profitent bien du système corrompu de la santé.»

Savez-vous où vous serez le 1er mars prochain, date à laquelle devrait prendre effet votre démission si aucun compromis n’est trouvé ?

« Soit je serai à l’hôpital et aurai repris mon travail, soit je serai en vacances et profiterai de mon bébé qui doit naître bientôt. Je sais que nous qui avons démissionné on peut se permettre de prendre un ou deux mois sans travailler, cela ne va pas nous tuer. Mais c’est clair que sans les docteurs, les hôpitaux vont devoir faire face au chaos. »