Les médecins s’insurgent contre le projet de doubler le nombre d’heures supplémentaires
Un amendement au Code du travail qui propose de doubler le nombre d’heures supplémentaires pour les médecins, en le portant à 832 heures par an, fait actuellement l’objet d’un débat au Parlement. Il a suscité un tollé au sein de la Section des jeunes médecins de la Chambre des médecins (ČLK). Si l’amendement est adopté, ils se disent prêts à cesser d’effectuer des heures supplémentaires volontaires à partir du 1er décembre prochain, une décision qui affecterait le fonctionnement des hôpitaux.
« J’assure environ quatre services de nuit supplémentaires par mois. L’après-midi, après les heures normales de travail, je prends le relais. Le service dure jusqu’au lendemain matin, je finis à 7h30. C’est une manière de gagner de l’argent en plus du contrat de travail normal et je pense que la plupart des médecins travaillant à l'hôpital apprécient cette opportunité », confie Ludmila Dvořáková, pédiatre à l’Hôpital de Kolín, en Bohême centrale.
Face à la pénurie chronique du personnel hospitalier et obligés d’assurer les soins de santé 24 heures sur 24, les établissements proposent en effet aux médecins d’effectuer des heures supplémentaires, souvent sur la base des contrats de travail temporaire : les conditions de travail en interim doivent cependant changer avec le nouveau Code du travail, pour mieux protéger les salariés, comme l’exige la législation de l’Union européenne. Pour ne pas compliquer davantage la gestion des hôpitaux, les députés ont inclus dans l’amendement la possibilité de doubler le nombre d’heures supplémentaires dites volontaires.
Si la loi autorise actuellement les médecins et les infirmières à effectuer jusqu'à 416 heures supplémentaires par an, le personnel médical pourrait dorénavant travailler deux fois plus, soit environ 16 heures de travail supplémentaires par semaine. Pour les secouristes, la charge de travail serait encore plus importante : jusqu’à 1 000 heures supplémentaires par an. Pour l’obstétricien Jan Přáda, président de la Section des jeunes médecins tchèques, ces conditions de travail sont tout simplement inacceptables :
« Il n’est pas correct de dire qu’il s’agit d’heures supplémentaires volontaires. Les jeunes médecins, en particulier, qui doivent suivre une formation post-universitaire, sont dans une situation délicate : s’ils n’acceptent pas d’effectuer des heures supplémentaires, l’employeur ne leur permet pas, par exemple, de faire des stages. Cela arrive couramment. Ensuite, dans ce système, tous les médecins subissent une pression psychologique : on leur fait remarquer que s’ils refusent de travailler davantage, quelqu’un d’autre sera obligé de faire le travail à leur place. Enfin, il existe bien sûr une pression d’ordre économique : un jeune médecin diplômé gagne environ 170 couronnes nettes par heure (7 euros). Après avoir terminé sa formation post-universitaire, il ne gagne pas plus que 240 couronnes par heure (10 euros), ce qui n’est pas tout à fait adéquat pour son travail. C’est pourquoi les médecins sont poussés à faire des heures supplémentaires. Dès que le cadre législatif le permettra, ils seront poussés à travailler toujours plus. »
Sur un total de 20 000 médecins employés dans les hôpitaux du pays, près de 4 000 ont soutenu l’appel en vue du plafonnement du temps de travail lancé par Jan Přáda et ses collègues de la Section des jeunes médecins. Une enquête réalisée par cette association auprès de 600 médecins tchèques a révélé que ces derniers effectuaient déjà un nombre d’heures supplémentaires considérable : alors que la durée du service à l’hôpital est limitée à 12 heures par la loi, les médecins travaillent couramment 26 heures d’affilée, comme certains en témoignent pour la Radio tchèque :
« Cela fait douze ans que je travaille, mais en réalité, c’est vingt ans. J’ai fait le décompte récemment… Ces huit années de travail sont de facto des heures supplémentaires. »
« Evidemment, cela représente un stress énorme et une grande fatigue mentale que l’on ressent en permanence. ll faut travailler à 100 % jour et nuit, sinon, on peut commettre des erreurs irréparables. »
« Il existe un secret de polichinelle en Tchéquie, à savoir le travail au noir dans les hôpitaux, dont on veut désormais faire une chose légitime. »
La Section des jeunes médecins appelle le Premier ministre, les ministres de la Santé et du Travail, ainsi que les syndicats du secteur de la santé à s’asseoir à la table de négociations. Après l’avoir examiné, le Sénat a renvoyé l’amendement en question à la Chambre des députés. S’il est adopté, la Chambre des médecins veut s’adresser au président de la République Petr Pavel.