Les membres du Parlement tchèque ne jouiront plus d’une immunité à vie

Photo: Filip Jandourek, ČRo

La Chambre des députés tchèque a adopté un amendement constitutionnel réduisant l’immunité parlementaire. C’est déjà la deuxième tentative pour faire passer ce projet de loi qui s’était heurté, en février 2012, à la résistance du Sénat, Chambre haute du Parlement tchèque. 148 membres de la Chambre, qui compte en total 200 députés, ont voté pour l’amendement, cinq ont été contre. L’amendement doit maintenant être soumis au Sénat.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
La loi conserve l’immunité des députés et des sénateurs pendant leurs mandats et garantit qu’ils ne pourraient pas être livrés à la justice sans l’autorisation de l’une des deux chambres du Parlement dont ils font partie. Elle supprime par contre leur immunité à vie, c’est-à-dire la prolongation de cette immunité après la fin de leurs mandats. La représentante des initiateurs du projet Kateřina Klasnová du parti Affaires publique (VV) souligne que la loi sur l’immunité à vie est une rareté dans le contexte mondial :

Photo: ČRo
« Une certaine forme d’immunité parlementaire existe dans tous les pays. Néanmoins la République tchèque est l’unique pays où, lorsque la Chambre des députés décide de ne pas livrer un de ses membres à la justice, ce dernier jouit pour toujours de la protection contre la procédure pénale dans cette affaire concrète. C’est une rareté qui n’a pas sa pareille dans le monde et la République tchèque a été critiquée pour cela au niveau international. »

Cet avis n’est pas partagé par Daniel Korte, député du parti TOP 09, une des trois formations de la coalition gouvernementale. Il se déclare convaincu que cet amendement de la Constitution est inutile et nocif :

« A mon avis, la loi est inutile parce que, de nos jours déjà, la Chambre livre les députés à la justice sans problème. Elle le fait même avec plus de zèle qu’elle ne le devrait. Il n’est donc pas nécessaire de démolir un système qui fonctionne bien. (…) Je ne perçois pas l’immunité comme un privilège individuel du député et du sénateur. Je la considère comme un instrument de protection de l’ensemble du corps législatif, instrument qui lui permet de travailler. »

Daniel Korte,  photo: le site oficiel du parti TOP 09
Daniel Korte estime qu’après l’adoption de la loi la Chambre des députés cessera d’exposer ses membres à la procédure pénale et que les députés ayant des démêlés avec la justice feront tout pour s’éterniser dans les postes parlementaires. Cela ouvre, selon Daniel Korte, un grand espace pour la corruption au niveau individuel mais aussi au niveau des partis politiques. A son avis, les députés seront également davantage exposés à des affaires manipulées ayant pour objectif de les compromettre pour les chasser de la scène politique.

L’avis de Daniel Korte reste cependant isolée parmi les parlementaires tchèques et les opinions contraires prédominent largement. Milan Znoj, de l’Institut de politologie de l’Université Charles de Prague, salue la nouvelle loi comme un pas positif. Il souligne que l’immunité à vie est un grand privilège intolérable et mal vu par la société depuis de longues années. Si le parlement a tellement tardé à prendre cette décision, c’est que, selon Milan Znoj, les députés ne différent pas des autres humains et quand ils disposent d’un certain pouvoir, ils rechignent à s’en priver. Et le politologue d’estimer que le parlement devrait aller encore plus loin :

Milan Znoj,  photo: Centrum globálních studií
« Je pense que l’immunité parlementaire devrait être réduite encore davantage, supprimer l’immunité à vie ne suffit pas. On pourrait discuter entre autres de la suppression de l’immunité pour les parlementaires ayant commis des délits non politiques. L’immunité pourrait être réduite par exemple à des discours prononcés dans la Chambre ou au Sénat. Ce serait un projet rationnel. Je pense que la majorité des citoyens tchèques auraient sans doute même bien accueilli cette mesure radicale. »

Le politologue se déclare également optimiste en ce qui concerne l’accueil qui sera réservé à cet amendement de la Constitution au Sénat. Il lui semble évident que les partis politiques représentés au Parlement se sont déjà mis d’accord pour abolir cette loi devenue injustifiable sous sa forme actuelle.