Les ondins de Prague
La Bohême est un pays d'un grand nombre d'étangs et de cours d'eaux dans lesquels vivent, depuis toujours, des créatures qui à première vue ont tout à fait l'apparence d'un être humain. Pourtant, en les regardant de plus près, on distingue des palmures entre les doigts, qui se terminent par de petites boules aux extrémités. En somme, comme les pattes d'une grenouille. Ces créatures ont de longs cheveux verts coiffés d'un grand chapeau. Elles sont habillées en habit vert et chaussées de bottes rouges, qu'ils confectionnent au clair de la Lune, perchées sur un saule. Du basque de leur habit, des gouttes d'eau dégoulinent en permanence. En tchèque, on les appelle les « vodnik (vodnici au pluriel) », ce qui serait, en français, l'équivalent au terme « l'ondin ». Le « vodnik » est un personnage existant seulement dans les légendes des pays du Nord, l'Allemagne par exemple, et méconnu en France. Les « vodnici » collectionnent les âmes des personnes noyées par accident ou qu'ils noient intentionnellement. Certains sont méchants, d'autres plutôt gentils. Les âmes des noyés sont placées dans de petits pots en terre cuite recouverts par des couvercles. Pour attirer les jeunes filles, les « vodnici » font également flotter de beaux rubans de toutes les couleurs sur la surface de l'eau des étangs. Lorsqu'une jeune fille voit le ruban, elle veut l'attraper pour le mettre dans ses cheveux. Elle se penche de plus en plus, le « vodnik » tire sur le ruban et, finalement, la fille tombe dans l'eau. A ce moment, le « vodnik » attire la jeune fille sous l'eau, la noie, puis enferme son âme dans un pot. Si elle lui plaît beaucoup, il la garde comme compagne. Une situation peu enviable, car elle ne peut jamais sortir des ondes, ni revenir dans le monde des humains, puisqu'elle est morte en réalité. Les « vodnici » se lient parfois d'amitié avec les humains. Par après, ils sortent le soir de l'eau pour fumer une pipe et discuter avec les gens. Ce genre de « vodnik » fait partie de la catégorie des « gentils ». Le « vodnik » est immortel et le seul moyen de mettre un terme à son existence est de le laisser à sec.
Dans les eaux de la Vltava, il y a plusieurs « vodnici ». Celui que je vais vous présenter aujourd'hui s'appelle Kabourek. Il est l'un des « vodnici » les plus connus de Prague. Kabourek est gentil et à un très bon coeur. Depuis deux ou trois siècles, ils habite dans les eaux d'un bras mort de la Vltava, qui se fait appeler Certovka. Le siècle passé, il sortait souvent de l'eau pour aller prendre une bière dans une des petites auberges du quartier de Kampa et pour discuter un peu avec les habitants de ce coin charmant de Prague. Il était si estimé, que les aubergistes mettaient un récipient rempli d'eau pour qu'il ne souffre pas de sécheresse.
Au fil des ans, ses amis mouraient, les auberges étaient modernisées et Kabourek ne se sentait plus à l'aise. De plus, il détestait la radio, le magnétophone, la musique moderne? Alors, il s'est terré sous l'eau et ne sort de Certovka que rarement pour demander aux passants de la bière en bouteille. Si le passant a la gentillesse de lui en donner, il le récompense par une belle anguille ou un brochet. Qui sait, peut-être, vous aurez la chance de le rencontrer un jour...
Si nous nous trouvons déjà sur l'île de Kampa dans le quartier de Mala Strana je voudrais vous présenter ce beau coin pragois où, en se promenant une fois à Prague, vous rencontrerez un ondin... L'île de Kampa est nichée entre la Vltava et la Certovka (le Chenal du Diable), bras mort de la rivière qui servait autrefois de bief à de nombreux moulins. En 1159, le roi Vladislav II attribua un large territoire, dont Kampa, à l'ordre des Chevaliers de Malte. Ils y édifièrent une commanderie fortifiée, le premier couvent de Mala Strana et de nombreuses maisons bourgeoises ; ce territoire autonome de Mala Strana s'appelait alors la Juridiction de Malte. L'île de Kampa c'est avant tout un vaste parc où non seulement les Pragois mais aussi des touristes étrangers aiment se reposer. En quittant le parc, nous arrivons sur la place Na Kampe entourée d'une pâté de fort jolies maisons, dont la maison Au tableau de la Vierge donnant sur le pont Charles. Selon une légende, le tableau de la façade dériva par lui-même jusqu'ici lors d'une inondation. Au numéro 7 s'élève la maison Au lion d'or construite en 1732 par Giuseppe Bartolommeo Scotti ; la maison Au Renard Bleu, au numéro 1, fut construite en 1605 pour le Flamand L.Steward, joallier à la cour de Rodolphe II. Le compositeur Bohuslav Martinu habitait au numéro 11 pendant ses études au Conservatoire.
La place Na Kampe débouche sur l'allée U Sovovych mlynu. A la-mi des années quatre-vingt-dix, ce bâtiment a été acheté par l'Américaine d'origine tchèque, Meda Mladkova, qui est un grand collectionneur d'eouvres d'art. Elle a promis d'ouvrir U Sovovych mlynu une galerie qui abritera sa collection d'art plastique unique, dont rêvent les galeries du monde entier. En effet, elle a oàffert à l'Etat sa collection unique de dessins et de peintures de Frantisek Kupka et de sculptures d'Otto Guttfreund. A part cela elle possède plus d'un millier d'eouvres d'artistes est-européens de la période communiste dont les oeuvres n'étaient pas appréciées par le régime d'alors.