Les panneaux publicitaires gâchent le tableau des routes tchèques

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Voyager en République tchèque, visiter le pays de long en large est un plaisir rare. Une douleur jouissive ou une jouissance douloureuse, c'est au choix. Les contrées de Bohême, Moravie et Silésie regorgent de trésors et de joyaux, tous d'une beauté plus pure les uns que les autres. La Tchéquie, ce sont des villes, des villages, des places, des églises, des bâtisses, un indéniable paradis architectural. Mais la Tchéquie, ce sont aussi des contrées fertiles, une terre riche, la plaine, puis encore des montagnes, des vallées, des rivières, des étangs, des forêts... oui. Oui, la Tchéquie est une douleur, grande et profonde. Elle l'est d'autant plus que pendant longtemps, la protection de l'environnement, dernier des soucis des classes politiques, a longtemps fait sourire. Et aujourd'hui, si des progrès manifestes ont été réalisés dans ce sens, trop nombreux sont encore les constats laissant à réfléchir. Comme celui de ces indénombrables panneaux publicitaires installés le long des autoroutes tchèques. Une pollution esthétique qui constitue le thème de cette République tchèque au quotidien présentée une nouvelle fois par le suppléant d'Alain Slivinsky, toujours en vacances, Guillaume Narguet.

L'autoroute D1, qui relie la Bohême à la Moravie et par-là même les deux plus grandes villes du pays, Prague et Brno, entre elles, est la plus longue et la plus fréquentée en République tchèque. Deux cent kilomètres séparent environ les deux métropoles. Selon une estimation d'un journaliste du magazine hebdomadaire Reflex qui s'est "amusé" à les compter, ce serait également au bas mot trois cent vingt panneaux publicitaires qui jalonneraient le tracé. Soit une moyenne de 1,6 panneaux par kilomètre. Toujours selon le même journaliste, le secteur le plus long vierge de toute publicité mesurerait près de deux kilomètres et se situerait au beau milieu d'une forêt. Le plus étonnant et le plus consternant, même pour celui n'ayant jamais guère prêté attention au phénomène, est qu'il suffit de passer la frontière et de se rendre en Allemagne ou en Autriche pour voir totalement disparaître, du moins du bord des autoroutes, ces monstres de couleurs et de slogans. C'est que le côté esthétique du problème, comme l'évocation de la sécurité routière, est totalement négligé en République tchèque. A la différence des pays de l'Union européenne qui respectent la convention internationale passée au sujet de l'influence exercée par l'environnement et son décor sur l'usager des voies de communication majeures servant au trafic international. Car le texte de l'accord mentionne clairement que toute réclame commerciale devrait être exclue le long des routes internationales et ce, pour des raisons évidentes d'esthétisme et de sécurité.

Les panneaux publicitaires ont commencé à poindre dans les années suivant la Révolution de 1989. Dès lors, ils se sont mis à pousser et à se développer un peu partout tel un champignon industriel. S'il a, dans un premier temps, semblé qu'il ne s'agisse que d'une étape, d'un mal indispensable à la construction et la mise en place du capitalisme, l'évolution de ces dernières années ne laisse nullement à penser que leur pullulation le long des routes puisse tendre à se réguler. Et ce, même si depuis peu, les panneaux publicitaires se font de plus en plus rares dans les centres historiques des villes. N'empêche, que ce soit au ministère des Transports et de la Communication ou à la Direction des routes et autoroutes, personne n'est aujourd'hui capable de donner le nombre exact de panneaux publicitaires installés en Tchéquie et si des chiffres, allant de vingt à vingt-cinq mille, sont avancés, ils ne proviennent que de sources non-officielles qui prennent toutefois en compte les panneaux, relativement nombreux, montés en toute illégalité le long des routes. L'installation illégale des panneaux publicitaires est l'un des autres points noirs du sujet, tant une réelle volonté politique semble manquer pour que la loi soit enfin respectée. De fait, depuis la proposition, rejetée, d'un député socialiste, à l'automne 1999, d'interdiction formelle de la pose de panneaux publicitaires sur les bords des autoroutes et des routes de 1ère catégorie, rien n'a réellement été mis en oeuvre par quelque organisme que ce soit pour tenter d'enrayer une prolifération difficilement contrôlable.

Pour les agences de publicité, la présence de panneaux publicitaires le long des routes ne présente que des avantages. Avec l'éclairage dont ils sont de plus en plus souvent équipés, les panneaux sont continuellement visibles et ne peuvent ainsi que difficilement échappés à l'attention du chauffeur du véhicule ou des passagers, de nuit comme de jour. C'est pourquoi, logiquement, sur le total de près de 500 millions d'euros investis en 2001 dans la publicité en tout genre, l'investissement effectué dans celle "à toit ouvert" était de l'ordre de trente-cinq millions d'euros, soit une augmentation de plus de 5% par rapport à l'an 2000. Une tendance qui devrait encore se confirmer dans les années à venir avec l'amélioration de l'éclairage des panneaux.

Mais bien plus encore qu'une question économique ou esthétique, les panneaux publicitaires sont avant tout source de danger pour les chauffeurs. Car comment ne pas mentionner la concentration moindre dont fait preuve le conducteur du véhicule lorsque son attention se porte sur les panneaux? La sécurité routière est un sujet bien trop délicat, en République tchèque peut-être plus qu'ailleurs, pour que cette réalité soit occultée.