Les ponts de Prague (5e partie)

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Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague - Ahoj vám všem, milovníkům češtiny Radia Praha ! Après les pont Mánes - Mánesův most, et Čech - Čechův most, la semaine dernière, qui faisaient suite notamment au pont Charles - Karlův most, dont les Tchèques ont célébré cet été le 650e anniversaire de la pose de la première pierre, nous allons donc poursuivre notre présentation des dix-sept ponts de Prague, pour cela toujours en remontant le cours de la Vltava, la rivière qui traverse la capitale tchèque. Et le onzième d'entre eux porte, lui aussi, un nom intéressant, puisqu'il s'agit du pont Štefánik - Štefánikův most.

Milan Rastislav Štefánik : ainsi s'appelait donc un des acteurs principaux de la création de l'Etat tchécoslovaque en octobre 1918. Même si cela n'a somme toute rien d'étonnant, notons tout de même que de tous les ponts de Prague, le pont Štefánik est le seul à porter le nom d'une personnalité slovaque ayant marqué l'histoire de la Tchécoslovaquie. Mais avant de nous intéresser au pont plus en détails, nous ne pouvons pas ne pas retracer les grandes lignes de la vie de Štefánik, un personnage qui reste mal connu en France.

Milan Rastislav  Štefánik
A la fois astronome, aviateur, général dans l'Armée de l'air française pendant la Première Guerre mondiale, homme politique et diplomate, Štefánik n'est certainement pas le seul Slovaque à avoir marqué le XXe siècle tchécoslovaque et les relations franco-tchécoslovaques, mais il est sans doute celui dont l'empreinte et l'héritage qu'il a laissés le placent aujourd'hui encore sous une lumière historique qui n'a rien perdu de son éclat, et ce malgré le temps qui passe et la poussière qui recouvre parfois les encyclopédies.

Après ses études d'astronomie, de mathématique et de philosophie à Prague, où il fait la connaissance de Tomáš Garrigue Masaryk, futur premier président de la Tchécoslovaquie, Štefánik rejoint en 1904 la France, pays qui deviendra sa deuxième patrie, pour poursuivre ses recherches en astronomie. Voyageur infatigable, il en profite pour découvrir le monde et travaille au service de la France en tant que diplomate. Quelque temps plus tard, il est chargé de la mise en place d'une chaîne de stations radiotélégraphiques reliant toutes les colonies françaises. En 1913, ses expéditions valent au Slovaque devenu citoyen français l'honneur d'être élevé au rang d'officier de la Légion d'honneur.

Puis la guerre est déclarée et Štefánik demande à être incorporé dans l'Armée française. Il participe alors notamment aux combats au-dessus d'Arras puis met sur pied une escadrille formée de volontaires tchèques et slovaques. Mais souffrant d'une grave maladie à l'estomac, il se consacre ensuite à Paris avec Masaryk et Edvard Benešà la création d'une Tchécoslovaquie libre et indépendante. C'est lui qui obtient alors du gouvernement français qu'il soutienne la cause tchéco-slovaque pour laquelle il se charge également de la mise sur pied d'une armée.

Štefánik avait compris que l'Etat dont lui, Masaryk et Beneš rêvaient ne verrait pas le jour sans une armée indépendante. Les faits, le déroulement de la guerre et les batailles menées par les légions tchèques et slovaques lui donneront raison. Finalement, en 1919, quelques mois à peine après la naissance de la Première République tchécoslovaque, il trouve la mort dans un accident d'avion et dans de troubles circonstances jamais élucidées.

Voilà donc pour Milan Rastislav Štefánik, qui a donné son nom à une multitude de lieux et établissements, parmi lesquels une rue à Paris, l'aéroport de Bratislava et ce fameux pont à Prague auquel nous revenons enfin. Construit entre 1865 et 1868, rénové en 1898, avant d'être démonté en 1946-47 puis entièrement reconstruit dans sa configuration actuelle en béton armé entre 1949 et 1951, ce pont long de 182 mètres ne s'est toutefois pas toujours appelé Šefánikův most, et ce fort logiquement puisque Štefánik est né en 1880.

Jan Šverma
A l'origine, le pont avait été baptisé pont de l'empereur François Joseph 1er - most císaře Františka Josefa I.. C'est en 1919 que le pont devient Štefánik, jusqu'en 1940 où il se transforme l'espace de cinq ans et jusqu'à la fin de la Deuxième Guerre mondiale en pont Leoš Janáček - most Leoše Janáčka, du nom du célèbre compositeur. Ensuite, le pont redevient Štefánik, mais pas pour longtemps, puisqu'en 1947, le tout nouvel ouvrage, qui remplace l'ancien, est appelé pour cinquante ans le pont Šverma - Švermův most, du nom de Jan Šverma, un des principaux représentants tchèques du communisme d'avant-guerre, mort en 1944 lors de l'insurrection slovaque contre l'occupant allemand.

Sous le régime communiste, Jan Švermaétait considéré comme un héros. C'est pourquoi une statue en son honneur fut élevée près du pont en 1969, statue qui ne fut d'ailleurs déboulonnée qu'en 1999, soit dix ans après la révolution. Notons d'ailleurs à ce propos que ce monument dédié à Jan Šverma a été la dernière statue d'un communiste supprimée à Prague. Toutefois, deux ans auparavant, en 1997 donc, le pont était redevenu Štefánik, ce qu'il est resté depuis.

C'est ainsi que se referme ce « Tchèque du bout de la langue » consacré donc au pont Štefánik. Une émission entière consacrée à un seul pont, qui en outre n'est assurément pas le plus beau de Prague et dont la construction n'a rien de remarquable, cela peut sembler beaucoup. Mais sa succession d'appellations et la vie du personnage dont le pont porte aujourd'hui le nom méritaient que l'on s'y arrête. Lors de notre prochaine émission consacrée aux ponts pragois, nous commencerons avec un pont, le douzième de notre série, qui, lui, n'a jamais changé de nom de toute son histoire. En attendant de le découvrir, portez-vous du mieux possible - mějte se co nejlíp!, portez le soleil en vous - slunce v duši, salut et à bientôt - zatím ahoj!