Les Tchèques ne font de nouveau plus (beaucoup) d’enfants
Jamais encore ou presque, les Tchèques n’avaient fait si peu d’enfants. Avec quelque 92 000 nouveaux-nés, 2023 restera comme une des années où la natalité aura été parmi les plus faibles dans l’histoire du pays. Face à un solde naturel négatif, seule l’immigration, et plus particulièrement l’important accueil des réfugiés ukrainiens, permet encore d’éviter la baisse d’une population vieillissante.
Les chiffres, même ceux de l’Office tchèque des statistiques (ČSÚ) sont parfois menteurs à leur simple lecture. Bien que l’âge moyen de sa population soit légèremement descendu à 42,6 ans en 2022, la Tchéquie est en effet un pays vieillissant. Plus de 20 % des Tchèques sont désormais âgés de plus de 65 ans et cette part des seniors continuera à augmenter dans les prochaines décennies.
Dans les faits, seule l’importante vague migratoire en provenance d’Ukraine, composée majoritairement d’enfants et de femmes en âge de travailler, a ralenti le processus de vieillissement observé depuis le début des années 1980 et permis de compenser un solde naturel négatif, à savoir un nombre de décès plus important que celui de naissances.
La natalité a atteint un niveau parmi les plus bas de l’histoire. Selon les données des principaux hôpitaux du pays, le nombre de nouveau-nés a baissé d’environ 9 % en 2023, soit un rythme sensiblement équivalent à celui déjà de 2022. Une tendance à la baisse qui est par ailleurs appelée à se confirmer, selon Antonín Pařízek, de la clinique de gynécologie et d’obstétrique de l’Hôpital universitaire de Motol, le plus grand hôpital du pays où naissent chaque année plusieurs milliers de petits Pragois :
« Le déclin va se poursuivre, oui. D’ici deux à trois ans, le taux de natalité sera même le plus faible des trente dernières années. Il n’y aura alors plus qu’environ 80 000 naissances par an. »
Les chiffres exacts pour 2023 ne seront publiés par ČSÚ qu’au printemps prochain. Toutefois, les données communiquées par les grandes maternités du pays suggèrent d’ores et déjà que seules 92 000 naissances devraient être recensées pour 2023, soit le total le plus bas des deux dernières décennies. C’est 9 000 de moins qu’en 2022. Il faut remonter à la première moitié des années 1990, celles qui avaient suivi la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie, pour trouver trace d’une baisse aussi importante.
Parmi les grandes villes du pays, seule Prague est un peu moins touchée que les autres par ce phénomène. Mais ce constat s’explique par le fait que les habitants de la capitale sont nombreux à reporter la fondation d’une famille à un âge plus avancé et que les Pragoises donnent naissance à leur premier enfant plus tard qu’ailleurs en Tchéquie. Selon le démographe Ondřej Nývlt, de l’École supérieure d’économie de Prague, cette baisse est manifeste dans toutes les classes d’âge :
« Il est clair que la situation défavorable sur le marché du logement aura et a certainement un impact sur le report de la naissance des enfants. La deuxième raison n’est pas propre à la Tchéquie, elle vaut pour l’ensemble des pays européens : en période de pandémie, il y a eu moins de naissances, et les jeunes depuis passent plus de temps loin de chez eux. »
Marquées par une forte baisse de la fécondité en Tchéquie, les années 1990 ont ensuite été suivies d’une période de croissance modérée. Mais celle-ci s’expliquait notamment par le fait qu’avant 2010, la génération plus nombreuse des années 1970 a donné naissance à des enfants. La forte baisse observée ces deux à trois dernières années constitue donc en quelque sorte un retour à la normale.