« Les Tchèques n'ont pas une idée précise de qui est Benoît XVI »
A l'occasion de la visite du pape en République tchèque, diffusion aujourd'hui d’un entretien avec le prêtre jésuite Petr Kolář, ancien membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel tchèque et également Chevalier de la Légion d’honneur.
Pourrait-on d'abord parler de quelques unes des étapes les plus importantes du pape au cours de son séjour en République tchèque, à commencer par Jezulátko, l’enfant Jésus de Prague ?
« Le pape arrive samedi vers 11h30 à l’aéroport puis se rendra à la rue Voršilská, où se trouve la nonciature, le siège du représentant du Vatican en République tchèque. Ensuite, l’enfant Jésus de Prague c’est déjà un point qui est marquant dans le sens où c’est un objet de piété populaire, dans l’église peut-être la plus visitée de Prague. Un pape qui se rend dans un lieu comme ça manifeste son attachement à cette piété populaire massive, mais en même temps il y a un petit point d’interrogation : est-ce qu’il n’y aurait pas des lieux symboliquement plus importants ? »
Alors il y a d’autres étapes importantes plus à l’Est du pays
« Il y a une messe prévue en plein-air près de l’aéroport de Brno, la deuxième ville du pays et la capitale historique d’une partie orientale du Royaume de Bohême qui a été le fief du dauphin. Cette partie de la République garde encore dix siècles plus tard sa place. Elle est dans une période de retrouvailles de son passé et les catholiques moraves sont beaucoup plus nombreux que les catholiques de Bohême. C’est un catholicisme vivant et je pense que le pape pense aussi à cela. Pas loin de Brno, il y a le fief du catholicisme slave, Velehrad, où les saints Cyrile et Méthode ont prêché et fondé la culture slave avec la première écriture slave, le slavon ».Quelle est l’image de ce pape ici par rapport à l’image de son prédecesseur ?
« Je pense que les Tchèques n’ont pas d’idée précise. Le pape polonais, c’était autre chose. D’abord il est venu dans des moments très importants. Et puis on peut le dire avec un sourire flatteur : c’était un comédien. Il savait y faire avec les foules, c’était un homme médiatique exceptionnel. Or Benoît XVI n’est pas comme ça : c’est un intellectuel, un professeur. Je l’ai connu comme archevêque à Munich lorsque j’étais étudiant. Il ne s’est pas fait beaucoup d’amis parmi le clercs à Munich, c’était conflictuel, comme toujours avec les intellectuels. Ce n’est pas comme un pape tribun du peuple qui parle un langage acceptable pour tout le monde. Donc il ne faut pas s’attendre à une émeute de la foule à cause du pape, ce sera plus sobre. »
La visite d’un pape n’est jamais officiellement politique en premier lieu, mais est-ce que cette visite peut faire avancer les choses au niveau du traité entre Prague et le Vatican ou sur le dossier des restitutions ?
« Je pense que de ce point de vue il n’y a rien à attendre. Nous sommes dans une situation tellement dramatique et délabrée politiquement que je pense qu’il n’y a pas de partenaires côté tchèque. Ils ont la tête complètement ailleurs. On pourrait même dire que le pays n’a pas le coeur à la fête. Je ne sais pas qui a préparé ce voyage mais le moment ne pouvait pas être plus mal choisi de ce point de vue. Nous n’avons pas de gouvernement valable, nous avons gâché notre présidence de l’UE, les deux grands partis se disputent plus qu’ils ne gèrent les affaires et la corruption est parmi la plus élevée en Europe. C’est une pagaille totale et il n’y a pas de partenaire. Et ceux qui sont là, le président Klaus en tête, n’ont aucune envie de lâcher quoi que ce soit à l’Eglise. »Pourtant on dit que certains députés du Parti chrétien-démocrate (KDU-CSL) avaient voté pour ce président parce qu’ils attendaient ou espéraient de lui des efforts en direction de l’Eglise...
« Ils se sont trompés deux fois. Ils se sont trompés sur Klaus et ils se sont trompés sur l’importance de leur parti. Ils sont tout juste au-dessus des 5% et je me demande s’ils seront représentés au prochain parlement. »
Lundi ce sera la Saint-Venceslas et le pape sera à Stara Boleslav
« La Saint-Venceslas, curieusement, est devenue depuis la chute du communisme une fête nationale. De mon point de vue chrétien c’est justifié à tous les points de vue. Pour moi ce symbole est bien choisi mais je suis étonné que le Parlement tchèque, où les chrétiens représentaient 5% ou un peu plus, ait voté cette loi faisant de la Saint-Venceslas une fête nationale. C’est une des belles surprises que j’ai eues ici dans les années 90. »