Les Tchèques ont perdu leur grand philosophe
Milan Machovec, géant de la philosophie tchèque du XXe siècle, est mort, mercredi 15 janvier, à l'âge de 77 ans. Encourager le dialogue entre croyants et athées, ouvrir les portes de la philosophie à un large public, défendre la place de la femme dans la société - voilà les missions que le penseur s'était données.
Adolescent, il avait deux passions : la musique et l'histoire. Diplômé de philosophie et de philologie classique à la Faculté des lettres à Prague, Milan Machovec se fait très vite remarquer : dans les années 50, avant le dégel politique en Tchécoslovaquie, il anime, sur le sol académique, des débats orageux entre marxistes et théologiens. A l'époque du Printemps de Prague, il est déjà professeur de philosophie. Et il a des élèves brillants : un autre philosophe tchèque de renom, Vaclav Belohradsky, ou encore Jan Palach. Une protestation publique contre l'occupation du pays par les troupes du pacte de Varsovie, représente un tournant dans sa vie. Obligé de quitter l'université, Milan Machovec donne des cours privés de langues et de piano, il travaille comme organiste. Dans sa patrie, il vit en marge de la société. A l'étranger, on le reconnaît, on publie ses ouvrages. Son livre Jésus pour l'homme moderne est traduit en quinze langues. Dans les années 70, Milan Machovec donne des "conférences privées", dans les appartements de ses amis, opposants, comme lui, au régime communiste. Après la Révolution de 89, le philosophe reprend ses cours à l'Université Charles. Les séances d'examens se déroulent souvent chez lui, dans le quartier de Holesovice. Malade, en pyjama, mais toujours de bonne humeur, il discute avec les jeunes des sujets qui le préoccupent : de l'éthique, de l'écologie, des idées de Fromm, de Lorenz, de Masaryk. Un professeur, un homme hors du commun qui disait : "La vie, en tant que telle, n'a aucun sens. Elle a un sens seulement si elle est liée à une relation : envers les autres, envers soi-même."