Les Tchèques se réjouissent de l’élection de François, « pape des pauvres »
A Prague, comme dans d’autres villes tchèques, l’élection du nouveau pape François a été accueillie au son des cloches. Si peu de Tchèques, hormis les représentants de l’Eglise et les journalistes, se sont déplacés pour l’occasion au Vatican, ils ont été plus nombreux à attendre chez eux, devant leur petit écran, la couleur de la fumée s’échappant de la Chapelle Sixtine. Même dans une République tchèque fortement athée, où, à en croire les statistiques, seulement 10% de la population déclare son appartenance à l’Eglise catholique, l’élection du successeur de Benoît XVI a été attentivement suivie.
« Au XXIe siècle, fier de ses technologies, de son évolution scientifique, de tout ce monde interconnecté, ce rituel presque médiéval accompagnant l’élection du pape, la présence de la Garde suisse pontificale… Tout cela créée une ambiance inimitable. Je m’excuse pour l’expression, mais c’est ‘du théâtre’. Voilà ce qui fascine les gens. C’est ce facteur humain auquel ils s’attendent. »
C’est ce facteur humain, ainsi que son humilité et sa simplicité que les Tchèques, représentants du clergé, hommes politiques, journalistes et croyants, semblent particulièrement apprécier chez l’ancien cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio. Pour le milieu ecclésiastique, la nouvelle de l’élection d’un premier pape des Amériques a été une belle surprise. Au moment de l’annonce de celle-ci, le cardinal tchèque Miloslav Vlk, 81 ans, célébrait une messe à la basilique Divino amore près de Rome. On l’écoute :
« Les gens étaient enthousiasmés par le fait que l’on ait un nouveau pape. Hélas, je ne pouvais pas leur raconter beaucoup de choses sur sa vie. Mais j’ai vu qu’ils étaient contents de son choix du nom de François, un nom qui le caractérise bien. Le pape est quelqu’un d’empathique, qui pense aux autres, sensible à la pauvreté, notamment en Argentine. C’est avant tout un pasteur et non pas un théologien, même s’il a aussi fait des études de théologie. (…) Par ailleurs, il n’a pas été favorisé par les médias. Je dirais que ce pape-là était le candidat du Saint-Esprit. » Les médias tchèques, eux, dressent le portrait d’un pape aux origines modestes, devenu prêtre relativement tard, à 32 ans, après avoir étudié la chimie, le portrait d’un ancien cardinal sans voiture et sans chauffeur qui, jusqu’à présent, habitait un petit appartement où il se faisait lui-même la cuisine. Dans les pages du quotidien Mladá fronta Dnes, le sociologue Jan Jandourek remarque toutefois que ce pape « sage et paisible » amené à redorer l’image d’une Eglise catholique minée par de nombreux scandales n’aura pas une position facile au Vatican, où il « ne connaît personne et risque d’avoir beaucoup d’ennemis ».Personnalités parmi les plus en vue et les plus respectées de l’Eglise catholique tchèque, le prêtre Tomáš Halík n’a pas caché sa joie à l’issue de l’élection de ce nouveau pontife :
« Je suis absolument ravi ! Je trouve très bien que le choix se soit porté sur un homme d’Amérique latine et surtout sur un jésuite. Parce que les jésuites constituent une élite intellectuelle parmi les catholiques, ils font partie des gens les plus érudits, les plus doués de ce monde. Ce sont aussi des gens très ouverts et c’est pour cela qu’on dit souvent d’eux des mauvaises choses. Ce que j’apprécie chez le pape, c’est son parcours universitaire brillant, son expérience en tant que chef de la Conférence épiscopale d’Argentine, et plus généralement le fait qu’il représente un continent très dynamique. Sa première intervention déjà a été spontanée, prononcée avec une petite pointe d’humour… Je pense vraiment que ce sera un bon pape. » Si sur la scène politique l’élection du pape François n’a pas suscité autant d’enthousiasme, elle a tout de même été largement saluée. Pour Karolína Peake, présidente du parti LIDEM, « l’Europe ne gouverne plus le monde, ni l’Eglise catholique ».« En Amérique latine, l’Eglise est plus active et plus forte que chez nous, ce choix me paraît donc logique », a indiqué, pour sa part, le chef de la diplomatie Karel Schwarzenberg du parti TOP 09. L’archevêque de Prague Dominik Duka, un des cardinaux électeurs, a déclaré ce jeudi que « le Nouveau monde » prenait le relais, ce qui était une évolution naturelle. Avant la tenue du conclave, le cardinal a confié aux journalistes avoir rêvé d’inviter le nouveau pape à Velehrad, où se dérouleront début juillet les célébrations du 1 150e anniversaire de l’arrivée des évangélisateurs Cyrille et Méthode dans les pays tchèques. Une invitation qui avait été acceptée avant d’être annulée par Benoît XVI et que Dominik Duka vient, effectivement, de reformuler au pape François. « Nous nous sommes entretenus en allemand », a précisé le cardinal tchèque, en faisant allusion aux liens qui pourraient unir le Saint-Père argentin et l’Europe centrale.