Les tombes anonymes de parachutistes retrouvées au cimetière de Dablice

Jan Kubis et Jozef Gabcik

Les recherches menées pendant les douze derniers mois par l'Institut d'histoire militaire ont permis de répondre à la question qui préoccupait les historiens depuis plus de 60 ans, à savoir où se trouve le lieu du dernier repos des parachutistes Jan Kubis et Jozef Gabcik, qui, le 27 mai 1942, ont éliminé Reinhardt Heydrich, le protecteur du Reich. La réponse est la suivante : les deux héros ont été enterrés dans des fosses anonymes au cimetière de Dablice, dans le 8e arrondissement de Prague. Paradoxe de l'histoire, des dignitaires nazis contre lesquels les parachutistes combattaient, ainsi que celui qui les a trahis, Karel Curda, ont été inhumés sur ces mêmes lieux...

Jan Kubis et Jozef Gabcik
Jan Kubis et Jozef Gabcik faisaient partie d'un commando de sept hommes parachutés depuis Londres sur le territoire du Protectorat de Bohême-Moravie en décembre 1941. Leur mission était d'éliminer le protecteur du Reich. L'opération baptisée Antropoid a été accomplie le 27 mai 1942. Reinhard Heydrich, qui rentrait en voiture au Château de Prague depuis sa résidence à Brezany, a été mortellement blessé au coin de la rue V Holesovickach, dans le quartier de Liben.

La fureur des nazis a culminé après les funérailles de Heydrich à Berlin. Des centaines de Tchèques ont été arrêtés et fusillés. Les villages de Lidice et de Lezaky ont été rasés et leurs habitants exécutés ou déportés. Les auteurs de l'attentat contre le protecteur ont trouvé refuge dans la crypte de l'église orthodoxe Saint-Cyrille-et-Méthode, rue Resslova. C'est paradoxalement l'un des parachutistes, Karel Curda, qui dévoila le lieu de cachette de ses camarades aux Allemands et causa leur perte. Le 18 juin 1942, après que l'église ait été investie, les parachutistes se sont donné la mort...

Leur acte a rehaussé le prestige international de la Tchécoslovaquie en tant que pays opposant aux côtés des alliés une résistance à l'Allemagne nazie. Pendant plus de soixante ans, le lieu des tombes est toutefois resté inconnu. Comment a-t-il été finalement retrouvé ? L'historien Ales Knizek, directeur de l'Institut d'histoire militaire :

L'église orthodoxe Saint-Cyrille-et-Méthode
« C'est sur la base des dépositions des témoins et grâce aux documents d'archives. »

Pendant un an, en effet, les experts ont analysé les témoignages, examiné les documents d'archives et étudié les certificats de décès à l'Institut de médecine légale. Une aide précieuse leur a été apportée par un chercheur privé, Jaroslav Cvancara. Dans les années 1980, ce dernier a recueilli les témoignages de deux employés de l'institut: le médecin légiste, le professeur Jaromir Tesar, et l'inspecteur de police Miloslav Necasek. Tous les deux ont confirmé que les corps des parachutistes avaient été transférés ici :

« Oui, c'est exactement comme ça, dans les années 1980, j'ai eu l'occasion de rencontrer ces deux témoins qui, hélas, ne peuvent plus fournir personnellement leur témoignage puisqu'ils ne sont plus en vie... »

Un autre témoignage a été recueilli, celui de l'anthropologue Emanuel Vlcek, qui, pendant la guerre, a travaillé à l'Institut de médecine légale de Prague.

Le Cimetière de Dablice  (Foto: CTK)
Les recherches ont apporté d'autres éléments jusqu'alors ignorés : des centaines de corps ont été enterrés dans l'anonymat, durant la guerre, au cimetière de Dablice. On écoute le maire de Prague 8, Josef Nosek :

« Au cimetière de Dablice est enterré le ministre de l'Education du gouvernement de protectorat, Emanuel Moravec, tout comme des personnalités illustres de notre histoire : des parachutistes, des victimes des procès communistes ou la mère des frères Masin, Zdena Masinova, morte en prison. »

En effet, dans un coin oublié près du mur du cimetière de Dablice, les chercheurs ont identifié les tombes des parachutistes du groupe Silver A : Alfred Bartos, Josef Valcik et Jiri Potucek, envoyés depuis Londres en même temps que Jan Kubis et Jozef Gabcik, afin de collecter des renseignements. Ils ont ensuite identifié la tombe du commandant de l'opération Out Distance, Adolf Opalka, ou encore celle de Vaclav Moravek, fusillé par la Gestapo devant le Château de Prague. C'est aussi à cet endroit que repose Marie Moravcova, qui approvisionnait en nourriture les parachutistes cachés dans la crypte de l'église Saint-Cyrille-et-Méthode.

A proximité du lieu où reposent les héros de la résistance anti-hitlérienne ont également été retrouvées les tombes anonymes de criminels nazis : Harald Wiesmann, chef de la Gestapo de Kladno qui a liquidé les hommes de Lidice, Karl Daluege, successeur de Heydrich à la fonction de protecteur, ou encore Karl Hermann Frank, installé à Prague en tant que secrétaire d'Etat directement subordonné à Hitler.

D'autres énigmes de l'histoire tchèque récente pourraient encore être résolues si les archives de l'ancienne URSS étaient rendues accessibles, estime Ales Knizek, directeur de l'Institut d'histoire militaire :

« On serait alors étonner de découvrir combien de faits de notre propre histoire sont encore à révéler. »

Le vice-président du Sénat tchèque, Jiri Liska, est lui aussi impliqué dans l'affaire des tombes anonymes retrouvées. C'est lui qui a pris l'initiative d'ériger à Dablice un monument en hommage aux parachutistes et aux combattants de la Deuxième Guerre mondiale. Son inauguration, 62 ans après la fin de la guerre, est prévue pour le 28 octobre, jour de la fête nationale de la République tchèque.