Les Verts tchèques, à gauche ou à droite ?
Pour la quatrième fois consécutive, et sans surprise, Ondřej Liška a été réélu président du Parti des Verts, samedi, à Prague. Au-delà de cette élection, le congrès de la formation écologique devait permettre à ses membres de réagir ensemble à leur échec lors des élections législatives d’octobre dernier. Avec 3,19% des suffrages, soit seulement le huitième meilleur score, les Verts sont restés bien en-deçà de la barre des 5% qui leur aurait permis de faire leur retour à la Chambre des députés. Avec sa direction rétablie, le parti se prépare aux élections européennes, sénatoriales et municipales en 2014.
« J’ai proposé à nos électeurs et aux membres du parti de continuer le développement des Verts vers une formation libérale, écologiste et sociale. »
Ondřej Liška le sait bien, c’est précisément sur l’orientation politique du parti que portent les conflits internes. Au congrès, le président a été critiqué pour ne pas avoir empêché la fragmentation d’une formation marquée par les départs de plusieurs personnalités phares, notamment ceux de l’ancien président des Verts Martin Bursík et de Jan Korytář, ancien maire écologiste de la ville de Liberec (Bohême du Nord). Les deux hommes ont préféré fonder leurs propres mouvements politiques, conséquence d’un conflit idéologique qui a culminé après les élections législatives de 2006. A cette époque, le Parti des Verts avait réalisé un score de 6,29% et intégré la Chambre des députés pour la seule et unique fois de son histoire. Son aile gauche s’était alors opposée à l’engagement du parti dans la coalition de centre-droite avec le Parti civique démocrate (ODS) et les chrétiens-démocrates (KDU-ČSL). Le parti avait évité de peu la scission. Quand Ondřej Liška a succédé comme leader à Martin Bursík en 2009, une victoire de cette aile orientée plutôt à gauche avait été évoquée. Samedi, c’est contre un glissement trop marqué à gauche que Jan Ruml, ancien ministre de l’Intérieur et membre des Verts depuis 2010, a mis en garde :
« Depuis un certain temps, les partisans d’une extrême gauche qui se veut une alternative au Parti communiste se font entendre en République tchèque et je crains que ces voix puissent aussi pénétrer le Parti des Verts et y créer une sorte de base idéologique. Si cette évolution se confirme, je ne pourrai plus être membre du parti. »Les divisons internes sur l’orientation idéologique du parti ne sont cependant pas la seule cause d’un soutien relativement faible dont disposent les Verts en République tchèque. Les formations écologistes sont des composantes stables des parlements en Europe du Nord et chez nos voisins occidentaux. Aux dernières élections législatives, les Verts autrichiens ont obtenu 12% des suffrages, tandis que leurs homologues allemands ont réalisé un score de 8,5%. Des chiffres dont les Verts tchèques n’osent, aujourd’hui, même pas rêver. Selon le politologue Tomáš Lebeda, les Verts en Europe ont surtout profité de l’avènement des sujets post-matérialistes dans les années 1980, comme la protection de l’environnement, l’égalité entre les femmes et les hommes ou l’émancipation des minorités. Inversement, en République tchèque, les préoccupations matérielles dominent toujours le débat politique. De surcroît, Les Verts tchèques ne sont pas parvenus à se faire les porteurs de sujets comme l’égalité des chances ou les droits des minorités, conclut Tomáš Lebeda.
A la lumière du dernier résultat électoral, la présence des Verts à la Chambre des députés entre 2006 et 2009 semble relever de l’exception. Seule consolation, même très décevant, le score de 3,19% garantit au parti d’obtenir le financement de l’Etat et ainsi d’assurer son fonctionnement, une situation qui permet à Ondřej Liška de se concentrer sur l’avenir :« Mon ambition pour les Verts est d’obtenir deux postes de députés au Parlement européen, au moins trois sénateurs lors des élections à l’automne et de doubler le nombre de nos élus municipaux. »
Fondé en automne 1989, le parti est composé de 1 300 membres, dont un quart à Prague. Outre les six députés dont il a disposé à la suite des élections législatives de 2006, le parti possède également deux sénateurs. Aux élections municipales de 2010, les Verts ont obtenu 323 mandats. Le parti n’a encore envoyé aucun représentant à Bruxelles, ce défi incombant à son président Ondřej Liška, qui sera la tête de liste pour les élections européennes de mai prochain.