Letní Letná : le festival de cirque revient en plein cœur de Prague
A partir de jeudi et jusqu’au 31 août, un festival de cirque contemporain unique en son genre se tient à Prague. Depuis 18 ans, des artistes de toute l’Europe investissent chaque année le parc Letná pour faire découvrir leurs productions aux Pragois et touristes de passage.
Le festival Letní Letná est le plus important de République tchèque et l’un des plus grands d’Europe. 15000 visiteurs sont attendus pour assister aux nombreux spectacles et aux activités autour du cirque contemporain. Malgré la pandémie et le pass sanitaire, plusieurs dizaines de spectacles vont se tenir durant deux semaines. En plein air ou sous un chapiteau, en tchèque ou sans paroles, pour les enfants ou les adultes : il y en a pour tous les goûts !
Depuis sa première édition en 2004, le festival rassemble de plus en plus de monde. Le cirque reste un art populaire apprécié du public. Mélange de musique, de théâtre et de jeux de lumière, les productions circassiennes présentées sont souvent impressionnantes.
Letní Letná se distingue aussi par la diversité des activités proposées : des spectacles donc mais aussi des ateliers pour apprendre à jongler ou des jeux pour occuper les enfants. Ces animations visent à mettre en lumière la scène européenne de cirque contemporain. Jiří Turek, le directeur du festival nous explique les différences du cirque contemporain avec le cirque traditionnel :
« La République tchèque a une longue tradition de cirque traditionnel, les familles de circassiens la perpétuent de génération en génération. Le cirque contemporain est né il y a une quinzaine d’années et nous avons maintenant plusieurs petites compagnies très douées. Le cirque traditionnel est souvent juste une pièce avec des chevaux, des acrobates et des clowns. Mais le nouveau cirque est différent, il ressemble plus au théâtre, il y a plus de dramaturgie et de musique. »
Après une édition 2020 limitée à cause des restrictions sanitaires, l’édition 2021 a dû encore une fois s’adapter jusqu’à la dernière minute.
« Nous pensions que le festival n’allait pas survivre à un deuxième été avec des restrictions sanitaires. Nous avons réussi l’année dernière à faire un festival même s’il était naturellement de moins grande importance que d’habitude. Et cette année, nous avons dû imaginer quatre versions différentes pour s’adapter jusqu’à la dernière minute mais c’est une réussite car nous allons présenter plus de spectacles que l’année dernière. »
Quatre spectacles français à découvrir
De nombreux artistes français sont mis à l’honneur dès jeudi. A 19h30, c’est le cirque Le Roux qui ouvrira le festival avec son spectacle ‘La nuit du cerf’, dans lequel six acrobates racontent l’histoire de leur famille. Puis à 21h, ce sera au tour de la compagnie marnaise ‘Les filles du renard pâle’ de dévoiler sa performance de funambulisme musical. Elles joueront tous les soirs jusqu’au 17 août. Johanne Humblet est la directrice artistique de la compagnie et funambule basée à Châlons-en-Champagne en France. Pour leur premier voyage en République tchèque, elle présentera le spectacle ‘Résiste’ dont elle nous explique le message :
« ‘Résiste’ a été créé en 2019, c’est le premier volet du triptyque ‘Résiste – Respire – Révolte’. ‘Respire’ est sorti cette année, ce sont des grandes traversées où on révolutionne et on innove dans le funambule à grande hauteur. ‘Révolte ou tentative de l’échec’ sortira en 2023 et ce sera un spectacle en salle. ‘Résiste’ se fait en salle et en rue et nous le faisons en extérieur à Prague. L’idée de ce spectacle est de tenir sur le fil quoi qu’il arrive. Pendant les quarante minutes de spectacle, je ne suis que sur le fil, je ne mets jamais un pied à terre, il n’y a pas de plateforme. La chanteuse accompagne pendant toute la durée du spectacle et l’idée est de tenir coûte que coûte quoi qu’il arrive. Le fil est un fil instable, c’est une structure qui a été pensée et créée pour ce spectacle donc c’est un fil qui s’incline et bouge dans tous les sens.
Malgré tous les changements de positions et d’états, on se relève toujours et on continue à avancer. Dans toutes les formes que je fais, il y a aussi cette notion de prise de risques qui est très importante pour moi parce que selon ma conception des choses, il faut prendre des risques dans la vie pour pouvoir avancer. Les risques sont toujours calculés ici, j’en prends mais, il faut tenter, essayer, persévérer pour aller vers l’inconnu : c’est ce qui est le plus beau dans la vie. Le plus grand des risques est d’aimer et pourtant on le fait tous et on avance tous avec ça malgré les souffrances. »
Le funambulisme reste une discipline qui passionne et fait peur au public. Cet art antique mêle équilibre, confiance en soi et courage. Si Johanne travaille sans longe de sécurité, elle ne se sent pas pour autant en danger quand elle monte sur son fil. La preuve : elle a déjà passé 24 heures en hauteur au festival ‘Chalon dans la rue’ en 2018. Pour cela, elle dit avoir la chance d’être très bien accompagnée, que ce soit artistiquement avec toutes les personnes dont elle s’est entourée, ou financièrement par les subventions de l’Etat français. Elle nous explique comment elle se sert de la dramaturgie pour créer ses spectacles et amener les spectateurs dans un autre univers :
« Ca éveille la curiosité et l’angoisse. Ca réveille des sentiments assez forts dans le public parce qu’il y a une vraie prise de risques visible donc cela crée la fascination. On risque la mort si on tombe donc on n’a pas le droit à l’erreur mais on ne tombe pas, c’est une question qui ne se pose pas. On reste toujours en sécurité. Le funambulisme est un art très ancestral, j’essaie de détourner ce côté glorifiant et majestueux du funambule. Evidemment que c’est quelque chose de majestueux à grande hauteur, il y a un côté très ‘processionnel’ mais j’essaie d’amener les gens ailleurs, d’amener une dramaturgie et de casser les codes, de raconter une histoire. C’est comme ça que j’arrive à amener de la matière nouvelle et des figures plus spectaculaires en termes de palpitations cardiaques. »
« Les filles du renard pâle » sont habituées à jouer à l’étranger, elles ont déjà tourné en Corée, en Autriche ou encore en Russie. Johanne Humblet :
« Je trouve ça chouette de jouer à l’étranger parce que le public ne réagit pas toujours de la même manière donc c’est intéressant de voir les réactions différentes. Ca dépend des pays mais aussi des régions ou des quartiers de France. C’est du spectacle vivant donc on s’adapte à chaque fois au public présent. Le spectacle est un parcours qu’on fait ensemble, entre les artistes et le public et on crée au fur et à mesure de l’heure de spectacle. Je suis curieuse de rencontrer le public tchèque. »
Trois autres compagnies françaises sont à retrouver au festival Letní Letná jusqu’au 31 août, mais aussi beaucoup d’artistes tchèques pour vous faire découvrir le cirque contemporain au milieu de la verdure du parc Letná à Prague.