L'histoire de la famille d'entrepreneurs et d'inventeurs, Kolben

La famille Kolben en 1930

C'est dans une villa du quartier pragois de Vinohrady, non loin de la maison de la Radio, que séjourne lors de ses rares visites à Prague, Jindrich Kolben. Fixé depuis son départ en exil, en 1968, à Munich, Jindrich Kolben est récemment venu à Prague pour inaugurer une exposition retraçant l'histoire mouvementée de la célèbre dynastie d'industriels et d'inventeurs Kolben, dont les réalisations ont révolutionné, au début du XXe siècle, le monde technologique.

Emil Kolben
La gloire de la famille Kolben est née avec le fondateur de l'empire industriel Kolben, Emil, ingénieur et inventeur... Tout commence vers 1890, lors d'un séjour de cinq ans d'Emil Kolben aux Etats-Unis. Il y travaille d'abord comme assistant, puis ingénieur en chef des laboratoires de Thomas Alva Edison, inventeur notamment du microphone, du télégraphe et de la lampe électrique à incandescence... A New York, Emil Kolben fait encore connaissance avec Nikola Tesla, chercheur croate, avec lequel il participe à la découverte du transport de l'énergie électrique à grande distance.

CKD en 1899
En 1896, Emil Kolben revient à Prague pour fonder, dans le quartier de Vysocany, la première usine électrotechnique, noyau du futur empire industriel CKD Kolben - Danek. En effet, en 1921, les usines Kolben fusionnent avec les usines mécaniques tchéco-morave et, en 1927, s'y ajoute encore l'usine Danek : c'est ainsi que naît une entreprise géante : la Tchéco-Morave Kolben Danek - abrégé CKD, avec à sa tête Emil Kolben. Les produits de marque Kolben sont exportés vers le monde entier, jusqu'en Australie. Le consortium CKD produit des installations pour les centrales électriques, des turbines Kaplan. Dans les années 1930 commence la production de voitures - les Aero 50, d'avions, de locomotives, de tramways et trolleybus. En 1932, la firme participe à l'électrification de la Slovaquie.

CKD
La guerre et l'occupation de la Tchécoslovaquie frappent durement la famille Kolben. Pour leurs origines juives, 26 de ses membres deviennent les victimes de l'holocauste. La vie d'Emil Kolben se termine en juillet 1943. Son fils, Hanus, avec toute sa famille, sont déportés à Terezin, puis à Auschwitz. Le seul rescapé est le fils de Hanus, et petit-fils de Emil, Jindrich. En 1944, Jindrich est déplacé d'Auschwitz dans un camp de travaux forcés en Haute Silésie. Il décide de s'évader dans des circonstances dramatiques et dangereuses, lors du passage du front en Pologne. Affaibli et malade, il arrive à Poprad, en Slovaquie, où il entre, à l'âge de 19 ans, dans l'armée étrangère combattant sur le front de l'Est.

Après la guerre, il termine ses études, mais il a des difficultés pour trouver un emploi, car c'est le début des années cinquante, période des purges politiques. La chance m'a souri, a dit, lors du vernissage de l'exposition, Emil Kolben :

« J'ai toujours eu de la chance, dans la vie, non seulement à Terezin où j'étais emprisonné ... Après mes études, je suis resté 6 mois sans emploi. Désespéré, je suis allé à la faculté pour demander s'il n'y avait pas un boulot... Et du coup, un camarade, plus âgé, m'a demandé - vous êtes Kolben ? J'ai connu votre père, il était comme l'un de nous... c'était un ancien ouvrier chargé par le ministre de l'Industrie de faire partie d'une commission de placement des étudiants. Grâce à lui, j'ai reçu, en trois semaines, une offre des usines Walter. J'ai été très fier de pouvoir continuer la tradition familiale. Dans les usines Walter, qui se trouvaient dans le 5e arrondissement de Prague, j'ai fait la plus grande carrière de ma vie. Ma tâche était d'introduire dans la production un produit de licence russe - le turbomoteur M 05 pour les avions MIG 15. C'était une copie des moteurs Rolls-Royce que les Russes avaient acheté, au nombre de 180 exemplaires, qu'ils ont démonté, imité et envoyé les copies chez nous pour que nous les produisions ... En un an, nous avons réussi à le faire : le premier moteur a vu le jour et a pu être mis à l'essai... »

Pendant toute sa vie, Jindrich Kolben a travaillé comme constructeur de moteurs d'avion, d'abord à Prague, puis à Munich où la famille s'est exilée, après l'occupation soviétique de la Tchécoslovaquie, en 1968. Ici, il obtient un poste à la firme aérienne MBB Messerschmitt, puis à la firme de moteur incorporé au consortium DASA. L'année dernière, à l'occasion de ses 80 ans, Jindrich Kolben a obtenu la citoyenneté d'honneur de la mairie du 9e arrondissement de Vysocany, puisque c'est là que les traces de la famille Kolben sont les plus présentes. Bien que très peu de choses se soit conservé des anciennes usines fondées par le grand-père de Jindrich Kolben, un nouveau complexe urbain construit à leur place s'appelle Kolben City développement. Une station du métro et une rue de Vysocany portent également le nom de Kolben. Aujourd'hui encore, dans chaque tramway qui circule à Prague, on peut apercevoir une petite plaque métallique portant l'inscription : CKD-Kolben Danek. Ou encore, pour ne pas oublier, le funiculaire de Petrin a aussi été fabriqué dans les ateliers Kolben.