Limogeage du chef de la police : une volonté d’étouffer les affaires de corruption ?

Petr Lessy, photo: CTK

Le président de la police Petr Lessy a été démis de ses fonctions. Commentée en long et en large par tous les médias tchèques depuis son annonce mercredi, la décision prise par le ministre de l’Intérieur, Jan Kubice, a surtout surpris par sa soudaineté. Au-delà de la révocation d’un chef de la police qui ne faisait pas l’unanimité, ce sont surtout les véritables raisons qui se cachent derrière cette mise à l’écart qui laissent perplexes. Et ce d’autant plus que Petr Lessy a été remplacé par celui qui était jusqu’alors son adjoint et dont la compagne est une députée du Parti civique démocrate (ODS), principale formation de la coalition gouvernementale.

Jan Kubice et Petr Lessy
Ce n’est un secret pour personne, les relations entre le chef de la police et le ministre de l’Intérieur étaient tendues et conflictuelles. Elles remontent à la nomination de Petr Lessy à la tête de l’appareil policier fin 2010. Depuis plusieurs mois déjà, ce dernier se plaignait ouvertement des interventions et obstructions politiques dans le travail de la police, notamment dans des enquêtes menées sur différentes affaires de corruption.

C’est une interview accordée en septembre dernier au quotidien Právo qui a finalement été fatale à Petr Lessy. Dans cet entretien, il accusait deux de ses collègues de la région de Zlín (Moravie du Sud) d’entretenir des liens avec le crime organisé. Après avoir mené une première enquête sur ces déclarations et classé l’affaire, l’Inspection générale des corps de sécurité (GIBS) est revenu sur son jugement pour finalement accuser de calomnie et d’abus de pouvoir le désormais ex-président de la police. Deux actes d’accusation qui ont constitué une aubaine pour le ministre de l’Intérieur, lequel attendait depuis longtemps une opportunité pour pousser Petr Lessy vers la sortie. La question que beaucoup se posent désormais est donc de savoir si la GIBS n’a pas changé son fusil d’épaule sur pression des plus hautes sphères politiques. Une éventualité que ne rejette pas Petr Lessy, même s’il affirme ne pas douter :

Petr Lessy,  photo: CTK
« J’espère que ce n’est pas le cas et que l’Inspection générale des corps de sécurité est un corps indépendant. Elle n’existe que depuis le 1er janvier de cette année et ce ne serait donc pas l’idéal pour son image si elle avait agi sous l’influence d’une quelconque pression. Je crois donc en son indépendance, et l’enquête à venir le démontrera. »

Petr Lessy, qui risque jusqu’à trois ans de prison s’il est reconnu coupable, réfute bien entendu toute accusation. Mais pour le ministre de l’Intérieur, les faits qui sont reprochés à son subordonné sont trop graves pour pouvoir faire autrement que de le révoquer. Jan Kubice :

Jan Kubice,  photo: CTK
« Le fait que le président de la police soit accusé de deux délits est sans précédent. Cela ne fait plaisir à personne, ni à moi, ni à la police, ni aux Tchèques. Cette situation est tellement exceptionnelle et grave en République tchèque, et j’affirmerais même dans les pays voisins, que j’ai décidé, en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par la loi, de prendre les mesures permettant de ne pas laisser la police dans une situation instable et incertaine. »

En remplacement de Petr Lessy, Jan Kubice a aussitôt nommé Martin Červiček, jusqu’alors vice-président de la police. Une autre décision qui n’a pas laissé de surprendre et de faire hurler dans les rangs de l’opposition au gouvernement. Par l’intermédiaire de sa compagne députée, Martin Červíček semble en effet devoir être un proche du Parti civique démocrate du Premier ministre Petr Nečas et plus largement de la coalition. Dans un contexte où les affaires de corruption se multiplient, difficile donc de ne pas voir dans la révocation de Petr Lessy la volonté du pouvoir politique de reprendre en main les forces de police.