L'industrie automobile tchèque au coeur des convoitises
C'est au mois de novembre prochain, que, comme chaque année, le rallye Paris-Dakar dévoilera son programme officiel pour 2008. L'occasion de parler aujourd'hui des camions tchèques Tatra, qui participent en bonne place à la compétition. Pas d'exploits sportifs au programme cependant, mais les frictions récentes autour du constructeur, qui illustrent une fois de plus l'intérêt solide que portent les constructeurs internationaux à l'industrie automobile tchèque.
Le fabricant de pièces détachées de voitures et camions Praga Hostivar" a refusé net l'offre de rachat faite par le producteur tchèque de camions Tatra cet été.
Le partenariat entre les deux compagnies avait connu une crise après l'annulation par Tatra d'un contrat d'environ 15 millions d'euros pour l'approvisionnement de l'armée tchèque. Tatra justifiait son choix par la mauvaise qualité de l'équipement fourni par Praga Hostivar et d'autres sociétés tchèques, soit plus de 500 camions. De leur côté, les compagnies tchèques accusaient Tatra de ne pas respecter les clauses du contrat qui stipulait que les fournisseurs ne seraient recrutés que parmi des compagnies tchèques. Celles-ci comptaient pour environ 70 % des intervenants dans le projet final.
Pour les dirigeants de Praga Hostivar, l'annulation du contrat par Tatra relevait d'une manipulation destinée à préparer le terrain à un rachat en bonne et due forme.
L'affaire avait atteint les sphères politiques avec quelques voix, parmi le Parti civique démocrate, ODS, pour demander l'annulation du contrat avec Tatra, l'accusant de léser l'intérêt des entreprises tchèques et l'activité du secteur dans le pays. Si Tatra est à l'origine tchèque, il a été racheté en 2002 par un constructeur américain. Le conflit d'intérêts n'en est justement que plus insolite.
Et ce d'autant plus que cette crise estivale rompt brutalement une idylle, de façade du moins, entre l'Etat tchèque et Tatra. Lorsqu'au début de cette année, l'un des directeurs de Tatra, Jan Vala, s'était vu remettre le prix du meilleur manager de l'année 2006, on vit divers ministres, députés et autorités militaires du pays présents à la cérémonie. Et l'on se réjouissait à l'unisson de la nouvelle gamme de véhicules lourds que Tatra devait dévoiler en mai.
Mlada Boleslav est à Skoda Auto ce que Koprivnice est à Tatra. Bien sûr, les usines automobiles représentent le premier employeur de cette ville de Moravie du Nord, qui compte près de 24 000 habitants. Début 2002, le célèbre constructeur de camions est racheté presque entièrement par le constructeur américain SDC, laissant les infrastructures de production en République tchèque. On lui reproche des coupes immédiates dans les effectifs, ce qui est vrai. En fait, depuis le début des années 1990, les réductions d'employés ont été régulières. On est passé de 16 000 employés en 1990 à environ 5 500 au début 2003. La production a également suivi la tendance et l'après-communisme sonne comme l'heure de la modestie. Avant 1989, on produisait environ 16 000 véhicules par an et ce chiffre est tombé à 1 700 après.Moins connu que le fabricant de voitures Skoda, Tatra, lui, disputait, sous le communisme, la faveur des dirigeants. Une compétition officieuse dans un système où il n'en existait pas poussait même les deux constructeurs à lancer des aventuriers à l'assaut des routes du monde. Récemment encore, la République tchèque a prêté, pour une exposition à Vienne, la Tatra 80, un modèle unique qui avait été créé en 1935 pour le président de la Première République, Tomas Garrigue Masaryk. Ce petit bijou a même été déclaré monument national !
L'après-communisme a vu la compagnie Tatra adapter de nouvelles organisations de travail, pratiquant l'externalisation des tâches. Un siège, un volant et une courroie interne peuvent provenir chacun d'une entreprise différente. Si cette méthode permet des coûts moindres de main-d'oeuvre, il crée une certaine dépendance de Tatra à l'égard de ses partenaires.
Est-ce dans ce cadre qu'il faut comprendre la volonté récente de Tatra de racheter la société de pièces détachées Praga Hostivar ? De nouvelles stratégies sont peut-être à l'oeuvre.
Tatra aux Américains, Skoda aux Allemands, le phénomène saute aux yeux : le savoir-faire traditionnel des Tchèques en matière automobile a su attiser les convoitises. Récemment encore, une société de câbles automobiles, PEKM, installé à Liberec, en Bohême du Nord, a été rachetée à hauteur de 1,5 millions d'euros par CVG, une entreprise basée aux Etats-Unis. Des débouchés de choix pour le constructeur américain puisque PEKM fournit traditionnellement des équipements pour camions et bus en Allemagne et compte parmi ses clients Mercedes et Skoda.