L’Orchestre philharmonique tchèque souffle sa 120e bougie
Les Tchèques aiment les anniversaires « kulatá », c’est-à-dire « ronds », et ils ont été servis ce lundi soir avec le concert à la salle pragoise du Rudolfinum de l'Orchestre philharmonique tchèque, lequel célèbre les 120 ans de son existence. Le chef Jiří Bělohlávek a dirigé un concert conçu autour de différentes œuvres d'Antonín Dvořák, soit quasiment une redite du concert inaugural de l’orchestre le 4 janvier 1896 qui s’était opéré sous la houlette du plus célèbre compositeur tchèque lui-même.
A la baguette de l'Orchestre philharmonique tchèque depuis septembre 2012, Jiří Bělohlávek était tout indiqué pour diriger ce concert puisqu’il est ni plus ni moins que le titulaire depuis deux ans du prix Antonín Dvořák, laquelle distinction récompense les personnalités ayant œuvré à la diffusion de la musique tchèque et en particulier de celle de Dvořák. A quelques heures du concert anniversaire, il faisait, pour la Radio tchèque, part de son émotion :
« Nous vivons tous cet événement avec beaucoup d’émotion. Nous sommes exceptionnellement heureux de pouvoir célébrer cet anniversaire dans une aussi belle atmosphère. Je pense que nous ne sommes pas les seuls à ressentir cette émotion mais qu’elle touche aussi l’ensemble du monde de la culture tchèque car il s’agit d’un moment significatif de notre histoire. »C’est que l’histoire de l’orchestre a dès ses origines embrassé celle de la musique classique tchèque. Déjà au XIXe siècle, Bedřich Smetana souhaitait la création d’un orchestre professionnel à Prague. Le nom d’Orchestre philarmonique tchèque apparaît pour la première fois en 1894 en tant qu’ensemble alors attaché au Théâtre national. Mais il ne gagne son autonomie vis-à-vis de la prestigieuse institution qu’en 1901, suite à une grève des musiciens.
Citons quelques-uns de ses faits d’armes : dès 1902, l’orchestre signe une tournée triomphale en Angleterre ; dans les années 1920, il accompagne la technologie en inaugurant les concerts radiophoniques avec le poème symphonique de Bedřich Smetana « Má vlast » (« Ma patrie ») ; en 1939, en pleine période du protectorat, on y chante l’hymne national tchèque ; en 1969, il s’associe à la cérémonie funèbre rendant hommage à Jan Palach... Par ailleurs, non content de compter des membres illustres comme Bohuslav Martinů, il accueille également occasionnellement des compositeurs de renommée mondiale tels qu’Edvard Grieg ou bien Gustav Mahler. Et en 120 ans d’existence, sinon le répertoire qui s’est étoffé au fil des années, rien ou presque n’aurait changé si l’on en croit l’actuel directeur de l’Orchestre philarmonique tchèque David Mareček :« L’orchestre n’a pas changé dans le sens où il est tchèque. C’est aujourd’hui notre grand leitmotiv parce que nous représentons à l’étranger la culture tchèque, la musique tchèque, la nation tchèque. En revanche, s’il a changé, c’est parce que longtemps l’orchestre a accueilli seulement des hommes, les femmes n’étaient alors pas autorisées à y accéder, tout comme à Berlin ou à Vienne. Heureusement cela a changé et pour le meilleur. La concurrence pour entrer dans l’orchestre est désormais bien plus importante, ce qui profite aux auditeurs puisqu’il est évidemment toujours meilleur. »
Les moments clefs de l’histoire de l’ensemble, David Mareček les a rappelés au public ce lundi soir avant d’accueillir sur scène sous les ovations Antonín Dvořák III, qui n’est autre que le petit-fils du compositeur. Quant à l’orchestre, un riche programme l’attend en 2016 avec l’accueil d’artistes importants à l’image de la sopraniste finlandaise Karita Mattila, un voyage à Londres, l’ouverture du festival du Printemps de Prague ou encore une tournée en Chine.