L’Ordre du Lion blanc, la plus haute distinction tchèque

L'Ordre du Lion blanc, photo: Eva Turečková

La reine Elisabeth, François Mitterrand, Jacques Chirac, Madeleine Albright, mais également Alexander Dubček, grande figure du Printemps de Prague, ou le héros de l’aviation tchèque pendant la guerre, František Peřina… Voilà quelques-uns des titulaires mondialement connus de la plus haute distinction tchèque, l’Ordre du Lion blanc. La tradition veut qu’elle soit décernée, aux côtés d’autres distinctions, chaque 28 octobre, par le président de la République à une poignée de personnalités imminentes ayant bien mérité de l’Etat. Retraçons brièvement l’histoire de la plus importante et de la plus ancienne décoration tchèque.

L'Ordre du Lion blanc | Photo: Eva Turečková,  Radio Prague Int.
L’histoire de l’Ordre du Lion blanc remonte au début des années 1920, époque où la nouvelle législation du jeune Etat tchécoslovaque, fondé deux ans plus tôt, interdit d’attribuer et d’utiliser des titres aristocratiques. Le gouvernement met alors en place un nouveau système de décorations récompensant les mérites des personnalités… non pas tchèques ou slovaques, mais étrangères.

Directeur des Archives de la chancellerie présidentielle, Jakub Doležal explique :

« L’Ordre du Lion blanc, qui s’appelait à l’époque l’Ordre tchécoslovaque, a été décerné à partir de 1922. Mais il ne pouvait être attribué qu’à des ressortissants étrangers. Cette situation a changé en 1994, lorsqu’une nouvelle loi a permis de récompenser également des citoyens tchèques. »

L’historien Oldřich Lukš se félicite de cette décision prise par la République tchèque post-communiste :

Oldřich Lukš | Photo: Eva Turečková,  Radio Prague Int.
« Je suis content que l’Ordre du Lion blanc soit attribué aussi aux citoyens tchèques. Quand cela était seulement réservé aux étrangers, c’était un choix assez sélectif qui donnait l’impression d’une certaine exclusivité. Désormais, le Lion blanc est un ordre démocratique, attribué à tout le monde, et qui ressemble ainsi à l’Ordre de la Légion d’Honneur en France. »

Ce fameux lion blanc, le même qui figure sur le blason tchèque, est placé au milieu d’une étoile en argent et entouré de l’inscription « Pravda vítězí » : « la vérité victorieuse ». L’Ordre du Lion blanc a encore une particularité : dans certains cas, il n’est pas attribué, mais seulement prêté, comme nous l’explique Jakub Doležal :

« L’ordre est attribué aux ressortissants étrangers ; donc eux, ils ne doivent pas le rendre. Mais il est seulement prêté aux lauréats tchèques. Lorsque la personne décorée décède, sa famille est tenue de rendre l’Ordre du Lion blanc à l’Etat. »

Photo: Eva Turečková,  Radio Prague Int.
Entre 1923 et 1990, la plus haute distinction de l’Etat tchécoslovaque a été remise à environ 5 400 personnes, et parmi eux, aussi surprenant que cela puisse paraître aujourd’hui, à Benito Mussolini, décoré en 1926 ou bien à Mouammar Kadhafi. La République tchèque actuelle n’est pas aussi prodigue : depuis 1995, les présidents Václav Havel, Václav Klaus et Miloš Zeman ont remis l’Ordre du Lion blanc à un peu plus de 80 personnalités. Jakub Doležal précise :

Photo: Eva Turečková,  Radio Prague Int.
« L’Ordre du Lion blanc a été attribué aux représentants de plusieurs pays de l’espace euro-atlantique, parmi lesquelles, pour évoquer les personnalités les plus célèbres, la reine de Grande-Bretagne Elisabeth II. En 1999, à l’occasion du dixième anniversaire de la Révolution de velours, l’Ordre du Lion blanc a été attribué à François Mitterrand, à l’ancien chancelier allemand Helmut Kohl ou encore à Mikhaïl Gorbatchev. Comme je l’ai déjà dit, même les citoyens tchèques peuvent être décorés de l’Ordre du Lion blanc : cette distinction est alors attribuée notamment aux personnalités qui n’ont pas pu être décorées avant 1989, donc aux membres de la résistance, aux personnes persécutées sous les régimes nazi et communiste. »

Jakub Doležal,  photo: Eva Turečková
« Il existe, à ma connaissance, un seul cas de retrait de l’Ordre du Lion blanc. En décembre 1989, suite aux événements survenus en Roumanie, cet ordre a été retiré à Nikolae Ceausescu. C’était une décision du gouvernement tchécoslovaque qui, après la démission du président Gustáv Husák, exerçait les pouvoirs présidentiels. Avant Noël, le 23 décembre 1989, le gouvernement a donc décidé de retirer à Nikolae Ceausescu la distinction qui lui avait été attribuée, je crois, deux ans plus tôt. »

« Je suis fier de nos concitoyens qui, par le passé, ont su faire face aux régimes totalitaires. » Ces propos de Václav Havel expliquent, d’une certaine manière, pourquoi il a été le plus généreux des présidents tchèques en termes d’attribution des décorations d’Etat : au total 422 personnalités ont reçu de sa part l’Ordre du Lion blanc, ainsi que les trois autres distinctions remises à l’occasion de la fête du 28 octobre, à savoir l’Ordre T. G. Masaryk, la Médaille du mérite et la Médaille de la bravoure.