L’univers musical de Martina Jankova
C’est un répertoire inhabituel que la cantatrice tchèque Martina Jankova a présenté au public pragois lors de son récital, ce lundi, dans la grande salle du Rudolfinum à Prague. Au cours de cette soirée consacrée au lied allemand, elle a rendu hommage à deux femmes ayant joué un rôle non négligeable dans l’histoire de la musique allemande du XIXe siècle - Clara Schumann, épouse de Robert Schumann, et Fanny Mendelssohn-Hensel, soeur de Felix Mendelssohn-Bartholdy.
«C’était mon intention. Quant on se penche sur le destin de ces femmes, on se rend compte combien elles ont été injustement jugées par le XIXe siècle et ses critiques et à quel point elles manquaient de possibilités de développer leur talents. Elles devaient s’occuper de leurs enfants (Clara Schumann en a eu huit), elles devaient faire de longs voyages à travers l’Europe dans des conditions extrêmement précaires et faire face à une critique musicale qui leur était défavorable rien que parce que c’étaient des femmes. Elles devaient se battre pour pouvoir vivre leur talent. Leur destin m’a beaucoup ému et je tâcherai de réserver à ces femmes plus de place dans mon répertoire parce que je veux faire quelque chose pour elles.»
Martina Jankova aime beaucoup le lied allemand, genre qui, comme elle l’affirme, convient le mieux à sa voix et à son âme. Elle admire les vers de Schiller, de Goethe, d’Eichendorff et de Heine :
«C’est mon univers et je m’y sens chez moi. C’est une poésie très profonde et Schumann et Schubert ont réussi à la mettre en musique d’une telle façon que l’émotion vous donne parfois froid dans le dos.»
Le répertoire de Martina Jankova est cependant beaucoup plus large et s’étend de Monteverdi à Stravinski. La cantatrice née en Moravie vit maintenant depuis plus de dix ans en Suisse et chante à l’opéra de Zurich mais aussi dans de grands théâtres et salles de concerts européens sous la baguette des meilleurs chefs d’orchestre dont John Eliot Gardiner, Nikolaus Harnoncourt, Marc Minkowski, Riccardo Muti, Valery Gergiev, Simon Rattle, Charles Mackeras. Ces dernières années on l’entend de plus en plus aussi en République tchèque. Elle refuse cependant d’être classée dans la catégorie des artistes tchèques qui devaient d’abord faire leur preuves à l’étranger pour s’imposer finalement dans leur pays :
« Je pense que c’est un cliché. Je n’ai pas eu des problèmes au départ de ma carrière en République tchèque. Pendant mes études j’ai déjà eu l’occasion de chanter lors d’une tournée du Théâtre national de Prague en Italie. J’ai chanté au Théâtre national et à l’Opéra d’Etat et j’ai trouvé, dès le début des portes ouvertes et des gens aimables qui étaient prêts à soutenir mon talent. Ce qui ne me convenait pas cependant, c’était le répertoire. Ma voix tend plutôt vers le lied et l’oratorio allemand. J’ai donc étudié en Suisse où j’ai eu et ai toujours le privilège de chanter dans un excellent théâtre lyrique qui est un véritable carrefour où se rencontrent de grands chanteurs et chefs internationaux. J’ai l’occasion d’observer dans un seul endroit ces grands artistes et tirer leçon de leur art. J’en suis très reconnaissante. »
Malgré ses attaches en Suisse Martina Jankova promet de chanter désormais assez souvent dans son pays. Plusieurs prestations sont prévues déjà pour cette année dont, en premier lieu, un concert de musique baroque avec l’ensemble Collegium 1704 de Vaclav Luks, mais aussi des concerts à des festivals de musique sacrée à Ostrava et à Olomouc et une soirée de gala au Théâtre national de Prague.