Martin, volontaire à la Maison tchèque aux JO de Londres (2e partie)

Vavřinec Hradilek, photo: Maison tchèque

Suite de l’interview avec Martin Tušl, étudiant tchèque en France et volontaire à la Maison tchèque lors des Jeux olympiques à Londres. Dans la première partie diffusée la semaine dernière, Martin avait évoqué ses motivations, son travail à la Maison tchèque mais aussi le regard qu’il portait de l’intérieur sur l’organisation de ces Jeux. Avec un bilan de dix médailles, dont quatre d’or, sur lesquelles nous revenons dans la seconde partie de cette rubrique, la République tchèque est rentrée de Grande-Bretagne l’été dernier avec un des meilleurs bilans de son histoire. Nous avons donc demandé à Martin comment il avait vécu ces performances nationales :

Photo: Maison tchèque
« Bien sûr, avec ce bilan très positif de dix médailles, l’expérience a été encore plus intense. Nous aussi avons été très heureux de ce succès. Je l’ai vécu très intensément avec les autres volontaires et tous les supporters. Je dirais même que j’ai été ‘choqué’ par toutes ces médailles tchèques. Personnellement, avant les Jeux, je m’attendais à un total de six ou sept. »

Il a néanmoins fallu attendre plusieurs jours après l’ouverture des Jeux pour voir un Tchèque remporter enfin une médaille. Ca s’est certes nettement amélioré durant la seconde semaine de participation, mais quelle était l’ambiance à la Maison tchèque au début dans l’attente de cette première médaille. Et ensuite, comment ont été célébrées les autres ?

Vavřinec Hradilek,  photo: Maison tchèque
« Effectivement, la plus grande célébration a probablement été celle qui a suivi l’obtention de la première médaille, l’argent du kayakiste Vavřinec Hradilek (slalom en kayak monoplace, ndlr). Mais c’est vrai aussi que les médailles se sont ensuite enchaînées assez rapidement. Je pense que la meilleure ambiance a régné pendant le concours féminin du lancer du javelot. Lors de la victoire de Barbora Špotáková, la Maison était vraiment pleine de supporters. Mais le dernier week-end de rêve, avec deux médailles d’or en pentathlon moderne et en VTT, n’était pas mal non plus. Ces victoires ont été bien fêtées aussi, y compris avec les médaillés eux-mêmes. »

Personnellement, as-tu été en contact avec ces médaillés ?

« Oui, c’était d’ailleurs une des motivations pour nous de travailler à la Maison tchèque. Cela nous a permis de rencontrer tous les sportifs et, par exemple, une médaille est passée entre mes mains. »

Cette expérience à la Maison tchèque t’a-t-elle appris ou fait découvrir quelque chose ? Cette Maison était vraiment un centre tchèque à Londres, la télévision y avait même installé son studio. Pour toi qui es étudiant, qu’est-ce que tout cela t’a apporté ?

« Oui, le fait qu’il y ait là la télévision tchèque avec tous ses présentateurs était vraiment génial. Tout le monde pouvait observer en ‘live’, comme disent les Anglais, le programme du jour. »

Si on fait abstraction des succès tchèques, quels ont été pour l’amateur de sport que tu es les autres moments forts de ces Jeux ?

« C’est très difficile de choisir. Il y en a eu tellement. Malgré tout, je retiendrais les courses d’Usain Bolt avec ses trois médailles d’or et son record du monde. Et puis peut-être aussi la finale de taekwondo avec la première médaille de l’histoire pour un sportif gabonais. Les deux finalistes étaient à égalité à l’issue des trois rounds et de la prolongation, mais le Gabonais a fait un signe très fair-play pour admettre que son adversaire italien avait été meilleur que lui. »

Dernière question : si c’était à refaire, sachant ce que tu as vécu mais aussi ce que cela t’a coûté comme on l’a évoqué par exemple avec les frais d’hébergement (cf. 1ère partie de l’interview diffusée la semaine dernière), te porterais-tu de nouveau volontaire pour de prochains JO ou d’autres manifestations d’importance de ce type ?

« Certainement. Mais ce qu’il faut savoir aussi, c’est que Londres 2012 était un projet exceptionnel en raison de cette Maison tchèque, mais surtout par le fait que Londres est proche de la République tchèque et qu’il y a plus de 50 000 Tchèques et Slovaques qui vivent là-bas. D’après ce que j’en ai entendu dire, le Comité olympique tchèque prépare déjà un projet de nouvelle Maison plus modeste pour Sotchi en 2014. Ce seront donc les Jeux d’hiver et le projet serait beaucoup moins important que celui de Londres. Mais si l’occasion se présente, j’aimerais quand même beaucoup y participer aussi de nouveau en tant que volontaire. Le problème, c’est que Sotchi est beaucoup plus loin que Londres et les billets d’avions seront plus chers. »

Et la Russie ne te fait pas peur ?

« Non ! »

Miroslava Knapková,  photo: Maison tchèque
Et puis avant l’émission spéciale de la semaine prochaine, dans laquelle nous vous proposerons des extraits de quelques-unes des plus belles interviews diffusées dans la rubrique sportive tout au long de cette année, retour sur les réactions à chaud qui avaient été celles en août dernier des quatre Tchèques sacrés champions olympiques à Londres. La première d’entre eux avait été Miroslava Knapková, vainqueur de la finale du skiff en aviron. Quatre ans après sa déception des Jeux de Pékin, où elle n’avait fini que cinquième, la rameuse tchèque, grande favorite de l’épreuve, décrochait donc enfin le Graal. Mais partie très vite dans la finale, Miroslava Knapková concédait avoir « ramé » dans la seconde moitié de la régate pour rester devant ses adversaires :

« Je n’ai pas trop fait attention à la première moitié de la course, j’ai couru comme bon me semblait sans me poser de questions. Ce n’est qu’à mi-parcours que je me suis rendu compte que j’avais beaucoup d’avance. Je me suis dit qu’il fallait tenir et conserver le même rythme, car je savais que les autres filles allaient encore produire leur effort et revenir sur moi. Je suis contente d’avoir résisté jusqu’au bout, même si tout le monde a bien vu que je commençais à manquer de forces à l’approche de la ligne. Maintenant, je crois qu’il va me falloir un petit moment avant que je réalise ce qui m’arrive. »

Barbora Špotáková,  photo: Maison tchèque
La deuxième médaille d’or a été remportée au lancer du javelot par Barbora Špotáková, l’incontestable grande vedette de la délégation tchèque à Londres. Leader de l’athlétisme tchèque ces dernières saisons, le statut de Barbora Špotáková pourrait être comparé à celui de Marie-José Pérec en France dans les années 1990, quand la sprinteuse guadeloupéenne était pratiquement la seule athlète française à monter sur les podiums des grands championnats. Déjà sacrée en 2008, Barbora Špotáková a donc conservé son titre à Londres. Elle s’est ainsi rapprochée de Marie-José Pérec, triple médaillée d’or sur 400 et 200 mètres à Barcelone et Atlanta, mais surtout de son légendaire entraîneur Jan Železný, lui aussi trois fois sacré entre 1992 et 2000. Enfin, aux côtés de Jan Železný et d’Emil Zátopek, excusez du peu, Barbora Špotáková est devenue la troisième athlète tchèque de l’histoire possédant au moins deux titres olympiques. Grande favorite avant la finale à Londres, Barbora Špotáková et sa victoire étaient attendues par tout le pays. Jamais inquiétée par ses adversaires, la nouvelle héroïne du sport tchèque reconnaissait avoir été maître de son sujet à l’issue du concours :

« Le concours en lui-même a certainement été plus simple qu’il y a quatre ans. Lorsque vous arrivez au stade, que vous lancez loin dès votre premier essai et que les autres n’y arrivent pas, tout est forcément plus simple. Mais défendre un titre, qui plus est olympique, est plus difficile dans le sens où les médias et le public attendent de vous une nouvelle victoire. C’est une pression terrible qui dure toute l’année et complique la préparation. Vous ne pouvez pas vous préparer dans le calme comme avant une première grande victoire. C’est vraiment compliqué à gérer et même à vivre. Parfois je me suis demandé quel était le sens de tout ça, si j’allais être capable d’y faire face et de répondre aux attentes. Finalement, le concours, c’est vraiment la dernière des choses. C’est presque un soulagement. Car, pour le reste, ce sont des années de travail, sans oublier toutes les obligations qu’il y a autour. »

David Svoboda,  photo: Maison tchèque
Avec deux médailles d’or, le bilan tchèque à Londres était déjà meilleur que celui de Pékin quatre ans plus tôt, où seule Barbora Špotáková était montée sur la plus haute marche du podium, toutes disciplines confondues. Mais c’était encore sans savoir ce qu’allait réserver le dernier week-end londonien, avec deux autres victoires tchèques. C’est d’abord David Svoboda qui remportait le pentathlon moderne (épreuve constituée de cinq disciplines que sont l’escrime, la natation, l’équitation, le tir au pistolet et le cross-country). En tête du début à la fin, le Tchèque a effacé la déception des Jeux de Pékin, où il avait dû abandonner une médaille d’or qui lui semblait promise dans l’épreuve d’équitation, victime d’un cheval refusant d’obéir à ses ordres :

« Si j’avais fini le concours d’obstacles à Pékin, de quelque manière que ce soit, la médaille d’or me serait certainement revenue, car j’étais bien meilleur que les autres en course, la dernière épreuve. Paradoxalement, l’expérience d’il y a quatre ans m’a beaucoup aidé. Je n’ai pas pensé au fait que j’étais aux Jeux olympiques. Je savais déjà ce que c’était de lutter pour une médaille et finalement de terminer déçu. J’étais plus libéré ici et tout s’est bien passé. »

Jaroslav Kulhavý,  photo:  Tomáš Kohout,  ČRo
Enfin, cerise sur le gâteau, la dernière médaille tchèque est revenue au cycliste Jaroslav Kulhavý, de retour au sommet le jour J et vainqueur de la course de VTT. Meilleur vététiste mondial en 2011, saison au cours de laquelle il avait tout raflé, depuis le titre de champion du monde jusqu’à celui de champion d’Europe en passant par le classement général de la Coupe du monde, le Tchèque n’avait jusqu’alors pas encore gagné la moindre course en 2012… Avant Londres, Jaroslav Kulhavý ne faisait donc plus figure du grand favori qu’il aurait été si les Jeux s’étaient tenus en 2011, lorsqu’il était imbattable ou presque. Finalement, le Tchèque a retrouvé aux Jeux le goût du succès pour ce qui restera probablement la victoire la plus marquante de sa carrière. Une victoire d’autant plus belle qu’elle a été obtenue au terme d’un duel intense et acharné avec un de ses plus grands rivaux, le Suisse Nino Schurter. Et pour Jaroslav Kulhavý, aussi savoureux soit-il, ce sacre avait aussi comme un petit goût de revanche :

« Je sais que tout le monde m’avait enterré et que beaucoup ne donnaient pas cher de ma peau. Mais les gens autour de moi ont continué à me faire confiance. C’est ce qui a fait ma force. J’ai quand même une certaine expérience et je savais ce que je faisais. C’est pourquoi cette victoire est d’autant plus formidable ! »

Formidables, les JO de Londres l’auront donc été non seulement pour Jaroslav Kulhavý mais aussi pour l’ensemble de la délégation tchèque, qui a terminé à une très honorable 19e place au classement par pays. Il aurait été quand même dommage de ne pas le rappeler.