Michaela Klevisová, une Tchèque inspirée de l’école britannique du roman policier
« Il n’est pas difficile pour moi de me mettre dans la peau des autres », dit Michaela Klevisová, auteure d’une série de romans policiers que les lecteurs et la critique classent parmi les meilleures œuvres tchèques de ce genre parues au cours de la dernière décennie. Lauréate à deux reprises du prix Jiří Marek décerné au meilleur roman policier tchèque de l’année, Michaela Klevisová continue à écrire. Elle est déjà l’auteure de quatre romans et de trois livres de contes, et ses nouveaux ouvrages sont impatiemment attendus par ses lecteurs. Elle s’est imposée sur la scène littéraire en 2007 en publiant le roman intitulé « Kroky vraha » (Les pas de l’assassin).
Le lecteur, ce détective qui ne risque rien
Le roman policier est probablement le genre littéraire le plus populaire. Les lecteurs en raffolent et ne se soucient guère des critiques qui relèguent le genre policier à la périphérie de la littérature. Les lecteurs tchèques préfèrent les romans policiers britanniques, américains et scandinaves à la production de leur pays, mais les ouvrages de Michaela Klevisová font partie des exceptions. C’est ainsi qu’elle définit les principaux éléments qui font l’attrait du genre policier :« Je pense que c’est une excellente relaxation. D’abord, c’est le suspense, nous sommes curieux de savoir quel sera le dénouement. Nous pouvons engager dans ce processus notre curiosité, notre sens de la logique, nous pouvons devenir détectives tout en ne risquant rien. Nous pouvons avoir peur, mais cette peur ne nous concerne pas personnellement… »
Phyllis Dorothy James, un modèle insurpassable
Michaela Klevisová est la fille de l’écrivain Vladimír Klevis, une origine qui a sans doute joué un rôle dans sa vocation. La future romancière est née en 1976 à Prague et, après des études de journalisme à l’Université Charles, elle a commencé à collaborer avec des revues et des journaux, dont Cosmopolitan et Hospodářské noviny. Ses récits de voyage sont publiés par le magazine Travel Digest et elle collabore aussi à la rédaction de scénarios d’une série télévisée. Michaela Klevisová aime beaucoup le roman policier britannique qui constitue une forte impulsion pour sa propre création littéraire :
« J’ai commencé à écrire parce que j’étais inspirée de l’auteure britannique Phyllis Dorothy James. J’ai lu tous ses livres et, après les avoir lus, j’ai été navrée de constater que personne n’écrivait plus de la même façon. Et comme personne n’écrivait de la même façon, je me suis dit que cela pourrait être moi-même. Du coup, je me suis mis à écrire, et la rédaction de mon premier livre a pris trois ans et demi. C’était très long. Je ne savais pas encore comment m’y prendre, je n’avais pas encore l’habitude d’écrire. Et au bout de ces trois ans et demi, je me suis adressée à une éditrice qui publiait les romans de Phyllis Dorothy James, mon auteure préférée et modèle insurpassable, et je lui ai envoyé mon texte par e-mail. Et elle m’a répondu en moins de vingt-quatre heures en disant qu’elle avait lu mon roman toute la nuit et qu’elle allait le publier en dehors du programme éditorial. Mon livre est donc paru deux ou trois mois après. »Le nœud de secrets, de mensonges, d'intrigues et de crimes
C'est dans un quartier résidentiel situé à la périphérie de Prague que Markéta Klevisová a situé l'intrigue de son roman « Les pas de l’assassin ». Elle nous amène dans une villa mal entretenue et perdue au milieu d'un jardin négligé qui ressemble à une forêt vierge. C'est le paradis pour une douzaine de chats qui partagent la vie de la maîtresse de la maison Julie Kellerová. Journaliste et historienne de l'art, Julie semble aimer sa solitude et préférer la compagnie des chats à celle des hommes, mais le lecteur apprend progressivement qu'elle n'est pas seule au monde. Elle est mère de deux enfants déjà adultes qu'elle voit rarement. Sa fille Klára travaille dans une agence de voyage et son fils Michal vit en France. La cinquantaine bien sonnée, Julie ne manque pas de charme et n'a pas renoncé à l'amour, car elle reçoit de temps en temps les visites nocturnes d'un cinéaste renommé. Après son divorce avec un mari trop possessif, Julie est satisfaite de sa vie, appréciant sa solitude et sa liberté, jusqu’à ce que les choses se gâtent.Un jour, une joggeuse trouve dans un parc forestier non loin de sa maison une jeune femme assassinée et cette découverte déclenche toute une série d'événements qui bouleverseront la vie de Julie, de ses proches et de ses voisins. La police enquête dans sa maison et c'est ainsi que Julie fait connaissance de l'inspecteur de police Josef Bergman, homme intelligent et astucieux qui n'est pas insensible à son charme. Ce sera à ce policier ingénieux de démêler cette affaire compliquée, de défaire ce grand nœud de secrets, de mensonges, d'intrigues et de crimes.
Les secrets de la méthode
Michaela Klevisová n’est pas de ces romanciers qui considèrent leur méthode littéraire comme un secret d’auteur. Elle ne cache pas la façon dont elle procède et révèle le point de départ et les différentes étapes de la gestation de ses ouvrages :« La première chose est de trouver le milieu dans lequel le crime sera commis. C’est dans ce milieu que surgissent les personnages du roman. Cela arrive presque tout seul parce que, dans la majorité des cas, j’écris sur les milieux que je connais, qui me sont familiers. Et ce n’est que lorsque j’ai le milieu et les personnages que je me demande ce qui pourrait se passer. Je décide lequel de ces personnages sera la victime et puis je cherche l’assassin. J’ai le choix entre quatre, parfois cinq alternatives. Et puis je commence à écrire en me disant que pratiquement tous mes personnages pourraient être des assassins potentiels. Cependant, quand l’intrigue démarre, je commence à y voir plus clair à partir du troisième ou quatrième chapitre parce que je trouve le personnage le plus propice au crime. Je laisse alors tomber tous les autres assassins potentiels et j’adapte l’intrigue dans ce sens. »
La dimension psychologique de l’intrigue policière
Le roman « Les pas de l’assassin » est situé dans un quartier où les vieilles maisons voisinent avec des villas modernes et dont les habitants forment une petite société très diversifiée qui est décrite avec maints détails. L’auteur nous fait progressivement pénétrer dans l’intimité de ces personnages et nous découvrons pas à pas les spécificités de leur vie, les traits de leurs caractères, leurs soucis quotidiens, leurs conflits intérieurs et leurs passions inavouées.
Avec une habileté souveraine, la romancière guide le lecteur dans ce dédale de rapports humains où, souvent, l'apparence ne correspond pas à la réalité, où l'amour tourne facilement à la haine et où le vol et le meurtre couvent sous la grisaille quotidienne. Elle sait tenir le lecteur en haleine en dosant avec ingéniosité les petites révélations sur les vies de ses personnages, les petites surprises et les petits coups de théâtre, tout en préparant ainsi la grande révélation finale. Le roman policier n’est pas pour elle uniquement une série d’événements liés par une intrigue, mais aussi une étude psychologique. Michaela Klevisová donne au lecteur la possibilité de comprendre, d’être témoin des aspirations, des craintes et des erreurs de ses personnages et de partager pour un moment leur vie. Et c’est sans doute la meilleure des qualités de son roman :
« Cela m’amuse et depuis toujours il n’est pas difficile pour moi de me mettre dans la peau des autres, de pénétrer dans leur tête et, à partir de là, les choses commencent à se faire toutes seules. Ce qui est le plus difficile lors de la rédaction d’un roman policier, c’est d’agencer les éléments selon un plan logique. Il est beaucoup plus facile pour moi d’écrire des contes, des livres sans intrigue policière. Mais c’est moi qui a choisi ce métier, et puisque je me suis engagée, je dois me battre. »
(Le roman « Kroky vraha » (Les pas de l’assassin) de Michaela Klevisová est sorti aux éditions Motto.)