Mickaël le fromager : « Sur les marchés, ne pas parler parfaitement tchèque fait partie du folklore »

Mickaël Bernon, photo: Ondřej Tomšů

Salut à tous les tchécophiles de Radio Prague ! Il s’appelle Mickaël, vend des « smradlavé sýry » - des fromages qui puent, du pinard et plein d’autres bonnes choses de son beau pays - la France – sur les marchés de Plzeň. « Od Francouze », littéralement « Du Français », est le nom de l’entreprise qu’il a montée à son arrivée en Bohême de l’Ouest - région de bière s’il en est - pour vendre ses produits. Avec un certain succès d’ailleurs puisque Mickaël Bernon était l’invité, il y a quelque temps de cela, d’une émission de l’antenne locale à Plzeň de la Radio tchèque durant laquelle il a répondu, en tchèque s’il vous plaît !, à tout un tas de questions… Dans le cadre de notre série consacrée aux francophones qui parlent tchèque ou qui, un beau jour, pour une raison ou pour une autre se sont lancés dans l’apprentissage du tchèque, nous avons soumis Mickaël à la même torture…

Mickaël Bernon,  photo: Ondřej Tomšů
« C’est ma femme qui m’a amené en Tchéquie ! Elle est originaire de Volduchy, un village des environs de Plzeň. Nous nous connus en France et avons vécu plusieurs années là-bas, puis elle a eu envie de revenir en Tchéquie pour se rapprocher de sa famille. Elle en avait un peu marre de la France, donc je me suis dit ‘Pourquoi pas ?’. Nous avons déménagé pour notre mariage. Nous voulions nous marier dans son village, puis nous avons décidé d’y rester. Cela fait six ans maintenant... J’ai fait diverses choses avant de me lancer, il y a deux ans et demi de cela, dans la vente de produits français sur les marchés, à Plzeň principalement. Je vends du fromage, du vin et du saucisson. »

« J’avais déjà appris le tchèque avant de vivre ici parce que, dans la famille de ma femme, ses parents et ses grands-parents ne parlent que tchèque. J’ai donc surtout appris par envie et par nécessité de communiquer avec la famille et les amis de ma femme. »

Comment vous êtes-vous lancé dans cet apprentissage ?

« D’abord directement avec ma femme. Ensuite, à l’école d’ingénieur où j’ai fait mes études à Montpellier, il y avait un échange avec l’université de Prague et, dans ce cadre, une professeure proposait chaque été une semaine de cours de tchèque. Comme il n’y avait pas une foule d’intéressés à l’époque, j’ai eu la chance de bénéficier pendant deux étés d’une semaine avec deux ou trois heures quotidiennes de cours particuliers de tchèque. »

« Participer à ces cours m’a permis de bien me lancer, même si mon apprentissage a surtout consisté à rester assis pendant des heures à table avec la famille de ma femme ou avec ses amis, en essayant de comprendre ce qu’il se passait et de quoi ils parlaient.»

C’est une langue qui rebute certains étudiants, qu’en a-t-il été pour vous ?

Mickaël Bernon aux caves de savoie,  photo: Archives de Mickaël Bernon
« C’est vrai que c’est une langue compliquée. Au niveau de la grammaire je suis toujours approximatif, mais je me fais bien comprendre quand même. Je pense que la raison de l’apprentissage faisait que c’était plutôt plaisant d’apprendre à communiquer avec ma femme dans sa langue maternelle. Elle aimait bien m’apprendre des expressions. J’ai aussi peut-être une certaine facilité pour les langues parce que mes parents accueillaient des étudiants étrangers qui venaient apprendre le français à Montpellier. J’ai donc vécu avec des gens de plusieurs langues différentes et j’aimais bien apprendre quelques mots à chaque fois. J’avais déjà envie de découvrir les autres langues. Ce n’est pas comme pour quelqu’un qui a besoin d’apprendre pour le travail ou les études, c’était plaisant. J’ai appris sur le tas, au fur et à mesure. »

A la maison, vous parlez tchèque ou français ?

« C’est assez mélangé. Parfois, même au sein d’une même phrase, les langues peuvent être mélangées en fonction de ce qui vient le plus facilement. L’avantage, c’est qu’on se comprend tous les deux réciproquement dans les deux langues. Ce n’est pas le cas de tous les couples franco-tchèques que j’ai rencontrés : certains ne parlent que français ou que tchèque entre eux, tandis que d’autres parlent anglais par exemple. »

Vous travaillez dans le commerce où une maîtrise du tchèque semble indispensable. Est-ce bien le cas ?

« Je pense que oui, surtout pour moi, puisque je vends directement. Je fais les marchés, des événements, je suis directement en contact avec le public, donc il faut forcément parler tchèque. Du fait que je vends des produits français, les gens apprécient que j’aie un petit accent : que mon tchèque ne soit pas parfait fait aussi partie du folklore. »

Vous pensez que cela fait mieux vendre vos produits ?

« Presque, oui. Sans me jeter des fleurs, je pense que je commence à avoir un bon niveau de tchèque et certaines personnes ne veulent même pas croire que je suis vraiment français ou demandent qui est le Français. Parfois, des copains français viennent me donner un coup de main pour proposer du vin ou des dégustations de vin. Ils ont un peu plus d’accent, même s’ils parlent tchèque, et les gens aiment bien. »

Parler des différents types de fromages et de vins en tchèque n’est pas évident… Avez-vous donc été contraint d’apprendre un certain vocabulaire ?

Mickaël Bernon,  photo: Archives de Mickaël Bernon
« Le fromage est une passion. Avant même de me lancer dans cette activité commerciale, je discutais déjà souvent de ce thème avec des Tchèques. Je n’ai pas vraiment dû apprendre de vocabulaire particulier en démarrant mon activité. Le vocabulaire le plus difficile à intégrer est plutôt celui des questions administratives : tout ce qui concerne les divers règlements. Je fais ma comptabilité et l’administratif moi-même, donc c’est parfois un peu moins évident. »

Quand un client tchèque vous demande l’origine ou le mode de production d’un fromage ou d’un vin, vous êtes donc tout à fait capable de le lui expliquer ?

« Oui, j’organise même des soirées dégustation à l’Alliance française à Plzeň, où je propose en tchèque toutes sortes d’explications sur l’origine des fromages, leur fabrication...»

Etes-vous aussi passionné par le fromage tchèque et qu’en pensez-vous ?

« L’an dernier j’ai été invité dans une émission de Český Rozhlas à Plzeň où j’avais dit que l’eidam n’était pas un fromage… Il y a aussi en France des fromages industriels et j’en pense la même chose. Au niveau de la production locale, j’encourage beaucoup les agriculteurs locaux qui ont recommencé il y a dix ou quinze ans à faire une production de fromage fermière. Mais, à mon goût, les résultats ne sont pas à la hauteur du travail fourni, il manque une tradition fromagère, un savoir-faire. On voit souvent que les fermes où il y a du meilleur fromage sont celles où les agriculteurs sont allés suivre des enseignements en Suisse, en France ou en Autriche parfois. Il y a un manque ici sur la tradition fromagère. »

Nous reviendrons plus en détail très prochainement avec Mickaël Bernon sur cette tradition fromagère et plus généralement les fromages en République tchèque. Il sera alors question d’hermelín, de niva, de smažený sýr ou encore des petits fromages qui puent bien aussi d’Olomouc…