« Mirages », le nouvel album de la musicienne et comédienne Eva Cendors

Eva Cendros, photo : Twitter d'Eva Cendors

Eva Cendors est une comédienne et musicienne tchèque installée depuis plusieurs années en France. A l’occasion de la sortie de son nouvel album intitulé « Mirages », Eva Cendors nous parle de ses inspirations, des concerts qu’elle donne en français, en anglais et en tchèque, ou encore de sa vie dans une petite commune du Val-d’Oise.

Eva Cendors,  photo : Lucie Fürstová,  ČRo
Eva Cendors, vous avez été invitée à Radio Prague en 2015, par Anna Kubišta, (cf. www.radio.cz/fr/rubrique/culture/eva-cendors-sur-les-planches-on-a-peur-de-sexposer-et-on-adore-ca-en-meme-temps). Vous aviez alors retracé votre carrière depuis le début. Qu’est ce qui a changé dans votre vie artistique depuis ?

« Je continue mon cheminement artistique qui me passionne. Il est toujours aussi imprévisible et instable. Quand nous nous sommes dit au revoir avec Anna, je lui ai : ‘Des choses se préparent, mais je n’ai pas envie d’en parler car je ne suis pas sûre’. Les artistes n’aiment pas trop parler de quelque chose qui n’est pas encore confirmé, car cela entraîne une grande déception si cela ne marche pas. »

Quels sont les projets qui se sont réalisés ?

‘Mordparta’,  photo : TV Prima
« Le premier est que j’ai eu la chance de pouvoir tourner en tant qu’actrice. J’ai pu travailler avec des acteurs tchèques pour la série policière ‘Mordparta’ qui est passée sur la chaîne Prima à partir de septembre 2016. J’ai tourné avec des acteurs connus, à la fois très sympathiques et très professionnels, tels Markéta Plánková, Vojta Kotek ou Jiří Bartoška. J’ai pu aussi réaliser un grand rêve : enregistrer mon CD. Je suis auto-produite, c’est-à-dire que je n’ai ni manager, ni label, ni producteur. C’est un choix. Aujourd’hui, même des gens connus choisissent de s’auto-produire, pour avoir une liberté énorme. J’ai choisi un studio d’enregistrement à Liberec, Resound Studio, très professionnel, avec un ingénieur son en or. J’ai pu collaborer avec des artistes tchèques, avec une hautboïste, cela a toujours été mon rêve, une violoncelliste. On me disait : ‘Si tu fais de la chanson, il faudrait de la basse, des percussions’, mais j’ai affirmé mes choix. J’ai pu travailler avec Šárka Dušková, hautboïste de la troupe du théâtre de Liberec. Aussi avec Helena Hájková et un guitariste professionnel, Karel Jiroš, qui est aussi compositeur et qui a une sensibilité qui se marie extrêmement bien avec mon univers musical. Cela m’a aussi permis de me reposer un peu. En concert, souvent je m’accompagne seule, mais pour le CD j’avais envie de quelque chose de très propre et très net, qui sonne bien. »

Que chantez-vous, quelles sont vos sources d’inspirations ?

Eva Cendros,  photo : Twitter d'Eva Cendors
« J’aime beaucoup les langues. Avant de faire du théâtre, j’ai fait du français à la fac, c’est la langue de mon cœur. Dans n’importe quelle langue dans laquelle j’écris, j’exprime quelque chose qui me touche. Pour moi, la musique et les paroles sont comme un instant que j’essaye de capter, de mettre dans une jolie phrase, dans un vers. Cela va sonner d’une certaine manière et peut-être toucher et réveiller quelque chose chez les personnes qui écoutent. Il y a des thèmes qui me touchent particulièrement, par exemple la femme. Quand on regarde l’histoire des femmes, ce n’était pas facile. J’ai une chanson qui s’appelle ‘Chanson de la femme’, dans laquelle je raconte l’histoire de la femme à travers les siècles. Aujourd’hui, au moins dans certaines parties du monde, elle a cette possibilité de se libérer, de s’ouvrir, d’affirmer son identité, de dire qui elle est. Les femmes artistes sont des femmes qui se sont affirmées. Je suis aussi assez sensible à la beauté de la nature, de la Terre. On peut aussi retrouver des textes où on entend les ruisseaux, les montagnes, le vent, les éléments. J’ai le désir de protéger la nature qui est très belle mais qu’on continue de massacrer malheureusement, au nom du profit. »

C’est le cas de la chanson « Prière pour la Terre » ?

Val d’Oise,  photo : Clicsouris,  CC BY-SA 3.0
« Absolument. Il y a des gens qui disent qu’elle est didactique. Je ne trouve pas, elle est tout simplement le reflet de la réalité. (Elle récite) Quand je vois ton flanc ouvert, quand nous nous servons de tes biens, indifférents à ton destin, je suis triste et j’ai peur. Je cache mon visage et je pleure, il y a tant de souffrance sur la Terre. Coupés souvent de nos cœurs, nous ignorons que nous sommes elle. La Terre, nous sommes partie de la Terre. »

Qu’est-ce que vous aimez de la région où vous êtes installée en France ?

« J’habite au nord de Paris, à la limite entre le Val d’Oise et l’Oise. On traverse la banlieue qui n’est pas très jolie, et ensuite le train plonge dans les forêts. C’est calme, c’est magnifique, c’est vert. Il pleut beaucoup, et en même temps la qualité de vie est très bonne. On vit dans un petit village, donc il y a des relations qui se sont créées, au contraire de ce qui se passe dans les villes, où on peut ressentir un grand isolement et une grande solitude. J’aime bien cette vie dans un village où des relations, des projets se tissent, tout en gardant la proximité de la capitale française, qui est très importante pour une artiste. »

Vous n’avez pas une éducation musicale proprement dite. Comment devient-on chanteuse, musicienne ? Vous jouez de la guitare aussi…

Photo : Lucie Fürstová,  ČRo
« Tout à fait. J’ai une formation de comédienne à l’académie de théâtre de Prague. J’ai suivi une formation un peu alternative : déjà à l’école on nous poussait à créer nos textes, une mélodie, quelque chose, et pas seulement à répéter. C’était comme une étincelle, j’ai besoin de créer quelque chose qui n’existe pas encore, qui me touche, et qui, j’espère, va toucher les autres aussi. En tant qu’enfant j’allais à l’école de musique tchèque où j’ai appris le solfège, la flûte traversière, pendant huit ans. J’ai une certaine base, mais je n’ai jamais appris à composer de chansons par contre. J’ai appris la guitare par moi-même aussi. Quand on a l’oreille, l’envie et la motivation, ça vient. Avant de composer, j’observais comment faisaient les autres. Je me suis dit : ‘Ils ont réussi, je peux le faire aussi’. Ensuite c’est en travaillant et en répétant qu’on devient meilleur. »

Vous chantez en français, en anglais et en tchèque. Comment choisissez-vous les langues quand vous donnez un concert ?

Eva Cendors,  photo : YouTube,  canal d’IDF1
« Il m’arrive de chanter dans les trois langues : je fais la première strophe en tchèque, la deuxième en français et la troisième en anglais. Mais il faut que je sois bien concentrée. Sinon il y a des chansons qui se sont imposées en tchèque. Peut-être car j’étais en République tchèque à ce moment-là, ou que la sensibilité de la musique voulait cela. La création est très intuitive, je me laisse guider. Parfois cela vient en anglais aussi : j’ai beaucoup d’amis internationaux et anglophones en France. J’utilise donc l’anglais assez souvent, et parfois cela ressort. »

Le public français vous demande-t-il de chanter en tchèque ?

Francis Cabrel,  photo : cajunzydecophotos,  CC BY 2.0
« Ils aiment bien. J’y vais doucement car je me dis qu’ils ne vont rien comprendre et que cela va les ennuyer. Mais je dois dire que la réaction est souvent : ‘Quand tu chantes en tchèque c’est beau, ça nous touche’. Forcément, le tchèque est ma langue maternelle donc je pense que j’y mets quelque chose de mon cœur qui transparaît dans la musique. »

Et les Tchèques aiment-ils les chansons en français ?

« Ils aiment vraiment le français. Quand je commence à chanter en français, ils disent : ‘Encore ! J’aime, je ne comprends pas mais il y a quelque chose qui me parle’. Quand je donne des concerts en République tchèque, c’est souvent en français. Je commence par une mélodie que tout le monde connaît. J’aime bien commencer par ‘Je l’aime à mourir’. Francis Cabrel est quelqu’un que j’estime énormément. Il m’a beaucoup influencée quand j’étais adolescente. Quand je suis venue pour la première fois en France, à 16 ans, pour un séjour linguistique, j’étais dans une famille française et j’étais tellement timide de communiquer que je m’enfermais. Ils me passaient des vinyles de Cabrel, j’écoutais la musique et je copiais les paroles. C’est un amour pour toute la vie je pense. Quand je commence avec ‘Je l’aime à mourir’, les gens sont gagnés. Une chanteuse tchèque, Lenka Filipová, l’a adaptée et l’interprète très bien en tchèque, donc les gens adorent cette chanson. »

Gilbert Bécaud,  photo : Public Domain
Quelles sont les autres personnalités de la musique française qui vous inspirent, que vous aimez ?

« Evidemment, j’aime beaucoup la chanson française. Il y a une poésie dans les textes, la langue qui est magnifique. Cela peut être Gilbert Bécaud, Edith Piaf, Charles Aznavour. Les classiques, mais aussi dans le milieu indépendant parisien, il y a des jeunes et des moins jeunes, pas forcément extrêmement connus mais très talentueux. Je vais citer au moins un groupe dont je suis vraiment fan, qui s’appelle Facteur Chevaux. C’est un groupe de deux hommes qui font des chansons folk. Cela sonne un peu comme Simon et Garfunkel. Je trouve qu’il y a une poésie, une beauté, une simplicité, c’est une sorte de modèle pour moi.

Les 4 et 11 août prochains, Eva Cendors sera en concert à Bečov nad Teplou et à Liberec, avant de se produire, le 28 septembre, à la salle de concert Le Connetable, à Paris.

www.evacendors.com