Mon année pandémique en Tchéquie : « Pour se changer les idées, il faut aussi se couper des informations »
Le 1er mars marquera le premier anniversaire de l’annonce officielle du premier cas de coronavirus dépisté en Tchéquie. A cette occasion, RPI vous propose des témoignages de personnes résidant en Tchéquie, de manière provisoire ou permanente, qui reviennent sur cette année extraordinaire. Pour le deuxième épisode de cette mini-série, le photographe français Klez Brandar nous parle des ajustements qu’il a faits à sa vie, de ses projets en attente mais qu’il espère voir aboutir quand la situation sera plus favorable, mais aussi de son choix de parfois se déconnecter de l’info trop anxiogène.
Comment avez-vous vécu cette année extraordinaire ?
« Personnellement, je ne peux pas me plaindre. Déjà, je n’ai pas perdu mon travail. Psychologiquement, malgré des hauts et des bas, ça va. J’essaye de tirer des enseignements de ce changement radical et de voir les côtés positifs. Cette situation a aussi permis de se recentrer sur les choses essentielles, d’être moins égoïste et de réfléchir différemment. Ça, c’est pour le côté positif. Mais il y a les aspects négatifs évidemment : voir et entendre qu’il y a des gens autour de nous qui perdent leur emploi, qui ont le Covid, dont un membre de la famille en est mort, c’est dramatique. Ça a été et c’est encore une année bizarre, mais il faut essayer d’équilibrer notre manière de voir la situation : ne pas voir uniquement le côté négatif mais ne pas non plus prendre tout cela à la légère. »
Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous ?
« Le plus dur, c’est vraiment l’aspect social, le fait qu’on ait dû réajuster la manière dont on communique avec les autres en passant par des plateformes ou plus d’appels téléphoniques. Cela a aussi un côté agréable : on peut prendre le temps pendant un appel, on peut se reconnecter avec des membres de la famille ou des amis qui vivent loin de nous. On leur demande des nouvelles, on prend plus le temps parce qu’on a plus de temps en étant à la maison. Mais ça aussi ses limites. Dans mon cas, et c’est sans doute le cas pour beaucoup, j’ai vu beaucoup moins de gens. Personnellement, j’ai continué à voir des gens, et j’espère que vous aussi, parce que c’est impossible en tant qu’être humain ou animal de faire sans. On a besoin des autres. Et puis, il y a la perte de toutes les activités culturelles et sportives – ou presque. Là aussi, il a fallu se réajuster : comment faire du sport ? Comment on se cultive ? Comment apprendre des choses ? Etre tout le temps devant un ordinateur, ce n’est pas souhaitable, ni agréable, et d’ailleurs on n’est pas faits pour ça. Déjà que la plupart d’entre nous sommes devant un écran au travail… Tout ça a ses limites. Il faut aussi couper avec cela et rencontrer quelqu’un, faire une balade, trouver d’autres moyen. »
Comment avez-vous fait pour vous changer les idées ?
« J’ai beaucoup plus lu que de coutume. Je me suis remis à faire du footing, alors que ça faisait des années que j’avais arrêté. Avant je faisais d’autres sports. Le footing, ça permet de s’entretenir, de se vider la tête aussi, de libérer de la dopamine et de se sentir vivant. J’ai continué à voir du monde, mais beaucoup moins, et de manière distanciée : ça veut dire les voir dans la rue, à deux mètres, et discuter un peu. Pour se changer les idées, il faut aussi ne pas tout le temps regarder les chiffres du Covid. Il faut aussi qu’on apprenne à se couper de ce monde de l’image et de l’information. Parfois, je me suis volontairement coupé des réseaux sociaux ou des plateformes de communication pendant 24 ou 48 heures. J’ai juste lu un bouquin, bu un verre de vin, fait de la marche ou du footing. »
Qu'avez-vous appris ou découvert que vous ne connaissiez pas sur Prague ou la Tchéquie pendant cette période ?
« J’ai appris à redécouvrir la ville, à aimer à nouveau le centre-ville que j’avais délaissé depuis des années parce qu’il était devenu trop touristique en 2018, 2019. C’étaient des endroits que j’évitais, il y avait beaucoup trop de monde. J’ai appris à retourner dans des endroits que j’avais découverts au début de mon séjour. Je me suis aussi perdu dans des quartiers périphériques, comme je le faisais avant et comme j’aime. Ce centre-ville redécouvert a maintenant un côté très beau mais aussi un peu post-apocalyptique. Mais c’est aussi triste avec tous ces magasins fermés… J’ai appris à redécouvrir ma ville, si je puis dire qu’elle est ma ville. Je pose sur elle un regard différent. Je me dis que la Prague des années 1990 et du début des années 2000 devait être un peu comme cela. »
Quels sont vos projets une fois que la pandémie sera derrière nous ?
« J’ai pas mal de projets en cours qui dorment, vu que je fais de la photo. J’ai au moins deux ou trois expositions qui sont prêtes. J’aimerais donc les présenter, une fois la pandémie terminée. J’aimerais retrouver les amis d’avant, le lien social, la vie culturelle et sportive. La vie normale tout simplement. J’ai profité de cette année pour faire pas mal de choses dans la photo et la musique. Une fois que ce sera derrière nous, je vais continuer à faire ce que j’ai fait cette année, à faire mes projets. J’aimerais aussi, comme tout le monde sans doute, prendre des vacances, me couper de la routine, partir quelque part, rencontrer des gens d’ailleurs. Un voyage n’a pas besoin d’être très loin. Je ne sais pas si on retournera dans le monde d’avant, avec le nombre de vols qu’il y avait sans cesse. Peut-être… Mais on peut voyager en allant à une centaine de kilomètres. Voilà donc ce que j’espère pour l’avenir : continuer mes projets, les réaliser, faire des expositions, vivre, retourner à une vie normale. »
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