Multiplexe ou petite salle de quartier ? Les Tchèques ont toujours le choix
Il y a 110 ans, les habitants de Karlovy Vary ont été les premiers Tchèques à voir des spectacles de cinéma. Le 18 octobre 1896, l'invention des frères Lumière est arrivée à Prague, pour connaître ensuite un immense succès dans toutes les villes tchèques et moraves, grâce à des cinématographes itinérants. En 1909, la capitale comptait six salles de cinéma. A présent, elle en est à 11 multiplexes disposant de plus de 20 000 places et à 13 salles mono-écran : une disproportion toujours croissante, à Prague comme dans les régions.
Le phénomène n'est pas nouveau. Il remonte à 1999, année de l'ouverture du premier multiplexe dans le pays, par la société Palace Cinemas. L'événement n'a pas eu lieu à Prague, mais dans sa rivale morave, Brno. Entre 2000 et 2003, quatorze multiplexes ont été construits à Prague, Brno et dans trois autres grandes villes : à Hradec Kralove, Ostrava et Ceske Budejovice. Après une pause de deux ans, les quatre mastodontes du marché tchèque, Palace Cinemas, Cinestar, Czech Cinemas et Villages Cinemas ont relancé leur compétition et ouvert de nouveaux complexes à Prague, Plzen ou Olomouc.
Loin du pop-corn et des grosses productions hollywoodiennes, les salles mono-écran essayent de survivre. Paris, Passage, Etoile, Blanik, Illusion... autant de cinémas pragois aux noms poétiques et au charme désuet qui ont mis la clé sous la porte. Heureusement pour le public minoritaire, il existe des exceptions. La fameuse Lucerna, par exemple, située dans le palais éponyme et décorée, son appellation oblige, de véritables lanternes. Un peu plus loin, les salles art et essai Svetozor, Mat, Aero et Evald, reliées par la ligne 9 du tramway. Elles ont adopté une stratégie similaire, basée sur une programmation soigneusement choisie et l'organisation d'événements spéciaux, axés sur les cinéma asiatique, scandinave, bollywoodien, français... Dans les régions, l'existence des salles mono-écran est souvent conditionnée par le soutien financier des municipalités. Par ailleurs, les contributions des petits exploitants aux distributeurs s'élèvent à 50% de leurs recettes, comparés aux 30 ou 40% des recettes versées par les multiplexes qui ont, eux, le privilège de présenter en premier les films fraîchement sortis. Les conséquences ? Rien que l'année dernière, les salles dites « classiques » ont été 300 dans tout le pays à fermer leurs portes.
Les multiplexes réalisent au total 71% des recettes du cinéma et 60% des entrées en République tchèque. Pari gagné ? Pas tout à fait. Souvenons-nous de la chute de 2 millions d'entrées en 2005, par rapport à l'année précédente, qui a touché l'ensemble du secteur. Le piratage des films mais aussi leur téléchargement légal sur l'Internet font également bousculer le 7e art... Quant à la révolution numérique, une nouvelle est à retenir : des salles de cinéma numériques appelées salles d-cinéma devraient ouvrir d'ici un an dans une trentaine de villes tchèques. Leur programme sera similaire à celui des multiplexes.