NOD: un espace expérimental où la culture est porteuse de valeurs pour la société

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Le gouvernement tchèque annonce depuis plusieurs mois des mesures visant à réduire les dépenses de l’Etat afin de rééquilibrer les finances publiques. Ces mesures d’austérité touchent directement la culture qui est souvent considérée comme un luxe. En période de crise, le secteur culturel est en effet le premier touché par les mesures d’austérité. En 2012, la ville de Prague a ainsi baissé de près de 10% le budget de la culture par rapport à 2011.Comme se porte la culture en générale en République tchèque et en particulier en temps de crise ? Pour en parler nous avons rencontré Šárka Maroušková, responsable de la communication du centre culturel NOD( no dimension), l’une des principales scènes dite « alternative » et « expérimentale » de la capitale tchèque.

Le centre culturel NOD situé dans la vieille ville de Prague, dans la rue Dlouha, fait partie de ces lieux ouverts au public tard dans la nuit et dans lequel le visiteur ne sait jamais vraiment ce qui l’attend. Logé au premier étage d’une vieille bâtisse au dessus du club Roxy, une grande salle de théâtre et de concert qui laisse régulièrement la place à la musique électronique, le centre culturel NOD est un lieu d’inspiration industrielle qui se laisse difficilement définir. Il est pourtant, depuis sa création en 2000, l’un des endroits phares de la culture contemporaine de la capitale tchèque. Šárka Maroušková est responsable des relations publiques de NOD :

Šárka Maroušková
« NOD est un centre pour l’art qui ne suit pas le courant mainstream. C’est un centre différent, qui n’a pas peur d’expérimenter. Nous avons une section de dramaturgie, le Teatro NOD, nous avons ensuite une section qui s’intéresse aux productions artistiques et qui utilisent les nouveaux médias, enfin, nous avons une section pour les projections et pour les concerts. »

Pour fournir au public cet ensemble d’activités artistiques et de performances, le centre NOD s’appuie sur un espace singulier qui participe de son identité dans le paysage culturel Praguois.

« Les espaces ont été reconstruits au début des années 1990 grâce à l’aide de la fondation Linhart et de la municipalité de Prague 1. Prague souhaitait créer dans le centre de la ville un espace unique qui devait offrir le meilleur de l’art contemporain dans le domaine du théâtre et des arts plastiques. En ce qui concerne NOD, nous disposons de plusieurs espaces qui sont essentiels à la dramaturgie, le Teatro NOD, même s’il n’a pas une grande capacité de spectateurs, a un caractère industriel cru qui convient aux mises en scènes originales, aux pièces de théâtre au sens classique du terme ou au théâtr gestuel qui est très bien représenté en République tchèque. Nous disposons en outre d’une galerie et d’un café. Nous nous efforçons de lier ces trois espaces afin de proposer aux spectateurs une expérience culturelle. »

NOD c’est avant tout un espace. Un espace qui change de forme, qui évolue, se transforme et qui brouille les repères habituels des visiteurs. La Galerie devient café, le café à son tour devient galerie ou encore salle de concert et de projection et vice versa. Ce changement régulier de l’agencement des espaces de NOD est l’une des marques de fabrique du centre et illustre le sens des activités de l’espace considéré comme un miroir de la société :

« Ce qui nous importe, c’est de proposer de l’art vivant, toujours en mouvement et le mouvement est, à notre époque, très rapide. Ce que nous voulons c’est proposer le meilleur du contemporain… Par exemple en ce qui concerne la Galerie, notre commissaire Jiří Machalický s’efforce de présenter les productions de jeunes artistes et de les mettre en contact avec les auteurs plus classiques afin de créer une contre-position et générer une réflexion sur l’époque contemporaine. »

Si elles peuvent parfois surprendre les visiteurs et les spectateurs, les productions artistiques qu’offrent les responsables de NOD au public, entendent s’inscrire dans le contexte social actuel. Les programmateurs veulent répondre aux débats partagés par l’ensemble de la société. Comme le rappelle Šárka Maroušková, Le théâtre est aujourd’hui encore l’une des formes artistiques privilégiées de la mise en scène de ces débats contemporains

« Je souhaiterais dire que le dramaturge Adam Halaš qui est l’un des pionniers de NOD, puisqu’il est arrivé en 2000, est à la recherche perpétuelle des grands thèmes actuels de notre société et de notre culture. Les mises en scène que nous présentons en ce moment sont centrées sur la question de la justice dans le monde, sur celle de la culpabilité, de la punition et de la pénitence. Au mois d’avril par exemple, nous aurons une pièce de théâtre gestuel intitulée Manson. La mise en scène de ce spectacle est le résultat d’une coopération entre les membres du Teatr Novogo Fronta et de DOT 504 deux troupes essentielles du théâtre gestuel et expérimental en République tchèque. De cette coopération entre des danseurs de talent est née une pièce de théâtre inspirée de Charles Manson, à la fois icône de la culture pop des années 1970 et l’un des criminels les plus cruels du XXe siècle. Les auteurs questionnent à travers cette histoire la justice et la capacité de faire pénitence »

Fort de ses dix années d’existence, le centre culturel NOD vit principalement des aides publiques. Or, avec les plans d’austérité et les restrictions budgétaires qui les accompagnent, celles-ci s’amenuisent. Souvent considérée comme un luxe par les responsables politiques, les coupes budgétaires dans la culture sont importantes. La mairie de Prague a ainsi annoncé une baisse de 10% des aides financières allouées aux établissements culturels. Šárka Maroušková rappelle toutefois avec optimisme qu’avant tout, ce qui fait vivre la culture c’est le public.

« Evidemment, la baisse des aides va affecter certaines troupes, mais il me semble que la vie culturelle restera, car la culture vient avant tout des gens. Même dans les régimes totalitaires, la vie culturelle se développe, car l’intérêt de soutenir la culture ne vient pas des autorités, mais des gens en général, c’est-à-dire les spectateurs des productions artistiques. La preuve est qu’en période de crise, la culture alternative, ou plutôt ‘non mainstream’ grandit, s’épanouit et a de plus en plus de lieux ou aller. Par rapport à il y a vingt ans, les artistes ont plus de matériaux et de moyens avec lesquels travailler. Je pense aux nouveaux médias. Pour le moment les visiteurs sont surtout des jeunes gens mais nous avons pour objectif d’élargir l’audience à des visiteurs qui ont une famille, qui sont engagés dans la vie active et pour lesquels il reste peu de place pour la culture. Nous considérons qu’il y a encore un public important à qui nous pouvons nous adresser ».

Le financement de la culture se fait selon des projets financés pour quelques années dans le cadre d’un concours ouverts par le ministère de la Culture aux professionnels du secteur. Il s’agit pour les responsables de NOD de continuer de chercher les moyens d’existence malgré le caractère aléatoire et précaire des aides de l’Etat.

« L’espace culturel expérimental existera toujours et c’est à nous, visiteurs potentiels de prendre conscience que la culture alternative et expérimentale participe non seulement au développement de la culture mais également au développement de la société car la culture peut être porteuse de valeurs importantes pour la société actuelle. »