33 ans après le 21 août 1968
Le 21 août, les Tchèques ont commémoré le 33e anniversaire de l'invasion de la Tchécoslovaquie par les troupes de 5 pays du pacte de Varsovie. Les événements de 1968 sont, aujourd'hui déjà, une partie de l'histoire pour la génération de ceux qui ont la trentaine. Le temps passe vite, mais ces événements ne peuvent pas être oubliés. L'invasion militaire, dans la nuit du 20 au 21 août 1968, perpétrée en contradiction avec le droit international, a modifié la vie de notre pays pour de longs 20 ans. Le régime de normalisation a divisé le pays en ses serviteurs, en majorité tacite, et en opposants au régime, cruellement persécutés, y compris leurs familles. A l'échelle internationale, la Tchécoslovaquie est devenue un satellite de Moscou.
Que s'était-il passé cette nuit fatidique du 20 au 21 août 1968. Une heure avant minuit, le 20 août, les troupes de 5 pays du pacte de Varsovie, d'une force d'un demi-million de soldats, ont franchi la frontière de la Tchécoslovaquie. C'était la réponse de Moscou à la tentative d'édifier en Tchécoslovaquie le socialisme à visage humain. La courte période du processus de renouveau connu sous l'appellation de Printemps de Prague, a été enterrée sous les chars.
Toute la nuit, les avions lourds se croisaient dans le ciel de Prague. Seulement deux heures après, la nation effrayée a été informée par la Radio sur ce qui se passait. Une déclaration du parti a été lue à la Radio, qui est restée le seul moyen d'information, même pendant les journées à venir. Le bâtiment de la Radio a été occupé, mais les techniciens ont aménagé des studios au sous-sol et les émissions ont pu continuer. Mais revenons à cette nuit fatidique du 21 août: à 4 heures du matin, le 21 août, le siège du parti communiste a été investi, les membres du gouvernement et de l'Assemblée nationale internés. Ce même matin, les premières barricades ont été dressées au centre-ville. Sur la place Venceslas, plusieurs centaines de Tchèques ont essayé, par leurs corps, d'empêcher les chars d'avancer. Le bâtiment du Musée national a été la cible des tirs. Les Pragois ont cherché à discuter avec les soldats, d'expliquer la situation. En vain. Une détermination de défendre la liberté a régné dans les rues. La première journée de l'occupation, 15 personnes ont sacrifié leur vie. Les soldats soviétiques n'hésitaient pas à tirer sur les civils. Le ministère des Affaires étrangères a fait appel aux ambassades des cinq pays "frères" pour protester énergiquement, auprès de leurs gouvernements, afin qu'ils mettent fin à l'occupation illégale. En vain. Au soir, le 21 août, le représentant du KGB, Vinokurov, a confirmé à la centrale de la police secrète tchécoslovaque, la StB, que les "alliés" étaient obligés d'occuper la Tchécoslovaquie, puisque son gouvernement n'était pas en mesure de réprimer la contre-révolution.
Les 23 - 26 août, plusieurs dirigeants tchécoslovaques ont été escortés à Moscou. Ici, sous une pression psychologique et physique, ils ont été contraints de signer le protocole annulant le processus réformateur entamé en avril 1968. Rappelons que c'est Alexander Dubcek qui a avancé l'idée du socialisme à visage humain, donc un régime dirigé par le PC mais garantissant aux citoyens certaines libertés - de la presse, de la circulation, du rassemblement. Inutile de dire que cette tentative a été très mal vue par Moscou, et qu'il ne pouvait pas être question de la moindre démocratisation du socialisme. Le bloc socialiste devait rester sans changement et sous le diktat soviétique. Les entretiens de Moscou ont fini par la capitulation des dirigeants tchécoslovaques, à une exception près: Frantisek Kriegel, médecin de profession, a refusé de signer le honteux protocole sur l'abandon du processus réformateur.
A leur retour à Prague, les hommes du Printemps de Prague ont été écartés de leurs fonctions. Les événements ont commencé à se dérouler dans la mise en scène de Moscou. Le 31 août, le parti communiste tchécoslovaque a adopté le protocole de Moscou et proclamé nul le 14ème congrès du PCT d'avril 68 ayant approuvé les principes du renouveau. Des cadres fidèles à Moscou ont été nommés aux postes décisifs, y compris les médias. Par une loi du 13 septembre, la censure a été renouvelée. Le 18 octobre, le traité gouvernemental tchécoslovaco-soviétique sur le séjour temporaire des troupes du pacte de Varsovie, sur le territoire tchécoslovaque a été adopté par l'Assemblée nationale. Ce document a marqué une rupture définitive entre la direction du pays et la volonté des citoyens. La défaite du Printemps de Prague a été achevée, le 17 novembre 1968, par l'adoption de la résolution sur les tâches principales du parti pour la période à venir. Gustav Husak, exposant direct de Moscou, a été installé à la direction du pays. C'est le début de ce qu'on a pris l'habitude d'appeler la normalisation de la société.
Même si 33 ans nous séparent des événements d'août 68, il est un triste fait que les dirigeants communistes, qui en sont responsables, n'ont pas encore été jugés pour leur acte qualifié de haute trahison. Deux d'entre eux, Milous Jakes et Jozef Lenart, ont participé, à l'ambassade soviétique à Prague, aux négociations sur la création d'un gouvernement ouvrier et paysan de normalisation. Karel Hoffmann, lui, a ordonné d'arrêter les émissions radiophoniques, afin d'empêcher la propagation des points de vue des institutions légales condamnant l'intervention. Vasil Bilak, qui vit en Slovaquie, était signataire des fameuses lettres d'invitation, qui ont servi à Moscou de justification de l'invasion, comme un acte qui se fait sur invitation de Prague.