La reconstruction de la colonne mariale sur la place de la Vieille-Ville de Prague
Après la proclamation de la République tchécoslovaque indépendante, le 28 octobre 1918, l'enthousiasme de certains groupes de patriotes tchèques s'est tourné contre des symboles de la domination habsbourgeoise et ceux de la Contre-Réforme. Les colonnes mariales, un tel symbole, sont devenues les premières victimes dans beaucoup de villes, dont Prague. Parmi ces villes, Prague est, à ce jour, la seule qui n'ait pas renouvelé sa colonne mariale déboulonnée, sur la place de la Vieille-Ville. La Société pour le renouveau de la colonne est fermement convaincue que la copie fidèle de la colonne de la Vierge Immaculée sera, tôt ou tard, élevée à l'endroit où l'éminent sculpteur baroque tchèque, Jiri Bendl, l'avait érigée, en 1650. Où en sont les travaux, et quelle est l'histoire de ce monument précieux - des réponses dans cette page d'histoire.
Le principal mérite pour la remise de la colonne à sa place revient à la Société de reconstruction de la colonne mariale, fondée en 1990, alors sous la présidence du cardinal Frantisek Tomasek. Pour lui, la reconstruction de la colonne devait être un acte de réconciliation et de tolérance symbolisant le renouveau spirituel dans la situation de la liberté retrouvée. Selon le porte-parole actuel de la Société, Karel Kavicka, chancelier de l'archevêché d'Olomouc, le but de la Société est de redresser l'acte de barbarie de nos ancêtres. Pour les chrétiens, en effet, le déboulonnage de la colonne a été un outrage au culte marial, avec toutes les conséquences fatidiques pour les destinées de notre pays.
La colonne a été érigée en 1650, deux ans après l'occupation de Prague par les Suédois. Sur un piédestal entouré d'une balustrade, il y avait quatre Anges combattant des diables. La tige même, haute de 6 mètres, était couronnée, au sommet, par la statue de la Vierge Immaculée. A l'époque, c'était l'une des premières constructions baroques à Prague. Le 3 novembre 1918, quelques jours après la fondation de la Tchécoslovaquie, elle a été déboulonnée comme symbole des temps passés.
Parmi 150 membres enregistrés de la Société pour la reconstruction de la colonne, il y a des amateurs de la vielle Prague pour lesquels la colonne est un axe et un point central de toute la place. En 1993, la première pierre de la colonne a été posée sur la place de la Vielle-Ville pour marquer le lieu où elle se trouvait et où elle se trouvera, comme l'indique une inscription en 4 langues. Les travaux ont commencé en 1997. Des restaurateurs ont procédé d'après des fragments originaux conservés au Musée lapidaire de Prague. En 1998, on a terminé les premières parties du monument: l'escalier, la balustrade. Le principal travail sur une copie de la statue de la Vierge a débuté un an plus tard sous la conduite du sculpteur Petr Vana. Ce dernier a transporté le torse du musée dans son atelier et pris des moulages en plâtre. Depuis, il poursuit le travail pour en faire une copie, en grès. Les parties disparues à jamais - les bras, la hanche, l'épaule - ont été modelées d'après les photographies historiques. Il existe, heureusement, une excellente documentation sur la colonne. Petr Vana ne veut rien précipiter. Selon lui, c'est une occasion unique de pouvoir travailler sur la copie de l'oeuvre d'un éminent artiste baroque et de contribuer à ce que le monument retrouve sa place. Le sculpteur Vana s'est chargé, en plus, de la tâche extrêmement exigeante, à savoir de tailler la tige même de la colonne de 6 mètres de hauteur. Ce n'est pas plus près qu'en Inde, qu'il a trouvé le matériel convenable. L'immense pierre de taille en grès a été transportée à Prague à bord du navire des frères Forman, fils du célèbre cinéaste, comédiens ambulants, ayant transformé un ancien remorqueur en scène de théâtre. Comme on voit, la reconstruction de la colonne est donc pratiquement aussi mouvementée qu'était son déboulonnage. La Société espère que la remise de la colonne à sa place mettra le point final à cet événement douloureux de l'histoire tchèque.Pour une mise au point historique objectif, la construction d'un monument à la mémoire des 27 seigneurs tchèques exécutés sur la place de la Vieille-Ville le 21 juin 1621 est envisagée. Pour l'instant, l'événement est rappelé par des croix blanches encadrées dans le pavé près de l'hôtel de ville de la Vieille-Ville. Le monument des seigneurs tchèques, symbole de la résistance contre les Habsbourg et l'élément catholique étranger aux pays tchèques protestants, devrait constituer un contrepoint à la colonne, symbole du culte marial catholique. Sur la place de la Vieille-Ville, l'histoire tchèque se croisait. En témoigne un troisième monument, celui de Jan Hus, réformateur de l'Eglise du 15e siècle. Le monument, oeuvre de Ladislav Saloun, a été inauguré en 1915, pour le 500e anniversaire de la mort de Hus. Au moment où le monument Hus était érigé, la colonne mariale se trouvait encore sur la place. Sa proximité a incité le sculpteur à allonger la masse du monument pour répondre à la verticalité de la colonne. Une raison de plus pour que la colonne de la Vierge Immaculée retourne sur la place de la Vielle-Vielle.