Objet de discordes, la colonne à la Vierge a été réinstallée au centre de Prague
Une réplique de la colonne mariale a été installée, jeudi après-midi, place de la Vieille-Ville à Prague. Erigée au même endroit en 1650, la colonne originale avait été détruite en 1918, peu après la création de la Tchécoslovaquie indépendante, par une foule qui voyait en elle le symbole du pouvoir habsbourgeois. Sa réinstallation au cœur de Prague, avalisée par la municipalité en janvier dernier, met fin à trente ans de polémique.
« C’est magnifique. C’est une grande satisfaction pour moi, j’ai travaillé sur cette statue une partie de ma vie. Voir aboutir un projet que j’avais en tête et que j’imaginais depuis très longtemps, c’est vraiment quelque chose d’incroyable. »
Un moment rempli d’émotion pour Petr Váňa, auteur de la réplique de la colonne à la Vierge, de même que pour le cardinal et archevêque de Prague, Dominik Duka :
« C’est un nouveau symbole qui ne fait pas tellement référence au passé, mais qui est plutôt révélateur de notre présent. Ce monument symbolise notre souhait de vivre ensemble en harmonie et en se respectant mutuellement. »
Toutefois, la colonne mariale de la place de la Vieille-Ville, entourée de nombreux mythes, semble plutôt diviser que réconcilier, étant surtout perçue comme symbole de la division entre catholiques et protestants tchèques. Elle a été érigée par l’empereur Ferdinand III sur la place de la Vieille-Ville en 1650, après la Guerre de Trente ans, en mémoire de la défense de Prague contre les troupes suédoises. A Prague, la population implorait alors la Vierge de l’aider dans son combat contre l’envahisseur. La colonne est devenue une dominante de la place, ainsi qu’un lieu de prière et de piété, jusqu’à son démantèlement en 1918.
Après la chute du régime communiste, une Association pour le renouveau de la colonne mariale a vu le jour. Commence alors une polémique entre les partisans et les opposants du projet qui organisent, chacun de leur côté, des pétitions et manifestations. Pour les défenseurs de la colonne mariale, créée par le maître de la sculpture baroque Jiří Bendl, celle-ci est avant tout le premier monument du genre construit dans les Pays tchèques, une œuvre qui met à l’honneur les défenseurs de Prague à l’époque de la Guerre de Trente ans et qui, finalement, permet de contrebalancer le fait que les églises protestantes possèdent sur la place de la Vieille-Ville leur monument dédié au réformateur Jan Hus.
« La réinstallation de la colonne de la Vierge n’est rien d’autre qu’une propagande politico-religieuse du régime des Habsbourg, d’une politique selon laquelle tout le monde était obligé de partager la même religion, sinon, il fallait quitter le pays », affirme Hana Tonzarová, prêtre de l’Eglise hussite tchécoslovaque. En effet, pour les Eglises protestantes du pays notamment, ainsi que pour d’autres opposants, la colonne de la Vierge reste un symbole d’oppression, de violence et de non-liberté religieuse.
Nombreux sont ceux qui se demandent quel est le sens de la réinstallation de cette réplique aujourd’hui à Prague : pourquoi a-t-elle suscité une telle controverse et qu’est-ce que cette polémique, au sujet d’un monument vieux de 300 ans, dit de la société tchèque actuelle ? Voici la réponse du journaliste Martin Groman :
« Je crois que finalement, cette réinstallation controversée de la colonne de la Vierge ne dit rien sur la République tchèque aujourd’hui. On ne peut pas dire qu’elle témoigne d’un plus grand intérêt des Tchèques pour la religion et la spiritualité, puisque le lieu ne servira même pas à la prière comme c’était le cas autrefois. Toute la polémique a été créée par deux groupes pragois et je ne sais pas dans quelle mesure elle intéresse les gens dans les autres villes tchèques. Il existe de nombreuses colonnes mariales partout dans le pays et aucune d’entre elles ne suscite autant d’émotions. A vrai dire, même en tant que catholique pratiquant, je ne comprends pas pourquoi. Je crois que la foi, à notre époque, devrait se manifester autrement qu’en installant des statues de saints dans des lieux publics. »