La colonne de la Vierge-Marie ne sera pas réinstallée sur la place de la Vieille-Ville

La colonne de la Vierge-Marie

Site de Prague parmi les plus fréquentés par les touristes, la place de la Vieille-Ville ne verra probablement pas son apparence modifiée dans un proche avenir par la présence d’un monument supplémentaire. Un monument qui fait toutefois partie de sa riche histoire. Symbole de l’oppression de la maison de Habsbourg et de la Contre-Réforme en Bohême durant près de trois siècles, la colonne de la Vierge-Marie ne sera en effet pas réinstallée au centre de la place, comme cela était envisagé depuis quelques années et malgré la réalisation en cours de sa réplique. La décision a été prise, jeudi, par le conseil municipal.

La colonne de la Vierge-Marie
Mais pourquoi donc réinstaller un monument historique disparu depuis près d’un siècle, symbole d’une époque révolue et humiliante pour le peuple tchèque ? C’est la question que posent à Prague les opposants au projet de la rénovation de la colonne de la Vierge-Marie. Au même titre, entre autres, que les représentants de toutes les Eglises protestantes existantes en République tchèque, l’écrivaine Lenka Procházková compte parmi eux. Et pour elle, la réponse est évidente :

« La chute de chaque régime politique haï s’accompagne de la suppression de ses symboles. La colonne de la Vierge-Marie a disparu de la place de la Vieille-ville parce que c’était la volonté du peuple tchèque, et non pas de l’administration. C’était la volonté de Pragois qui ne supportaient plus de voir cette colonne symbole du régime des Habsbourg à côté du nouveau monument dédié à Jan Hus. Ces deux monuments ne sont restés ensemble l’un à côté de l’autre que trois ans. Mais dès le sixième jour après la déclaration de souveraineté de la Première République tchécoslovaque, la colonne de la Vierge-Marie a été détruite. »

La colonne de la Vierge-Marie a été édifiée après la Guerre de Trente Ans, série de conflits armés qui a déchiré l’Europe, et notamment la Bohême, dans la première moitié du XVIIe siècle. A Prague, la population implorait la Vierge de les aider dans leur combat contre l’envahisseur suédois. Une fois celui-ci chassé et la victoire du camp catholique des Habsbourg acquise, la colonne, de style baroque et une des premières du genre dans les Pays tchèques, a été édifiée en 1650.

Ce n’est toutefois qu’à partir du XIXe siècle que le monument a commencé à être considéré comme un symbole de l’Eglise catholique, de la défaite des protestants lors de la Bataille de la Montagne-Blanche en 1620 et des répressions qui s’ensuivirent sous le régime des Habsbourg. Vice-président de la Société pour la rénovation de la colonne, Karel Kavička affirme cependant que ce sont là des considérations historiques qui n’ont plus lieu d’être :

La destruction de la colonne de la Vierge-Marie
« Nous espérons bien que la colonne retrouvera sa place originelle. Notre société a été fondée il y a vingt-sept ans de cela avec cet objectif. Nous comprenons les arguments des opposants au projet, mais nous rejetons toute volonté de politiser et d’idéologiser cette affaire. »

En novembre 1918, au lendemain de la Première Guerre mondiale et quelques jours après l’officialisation de la création du nouvel Etat tchécoslovaque sur les décombres de l’Empire austro-hongrois, la colonne, dans le voisinage duquel se trouvait depuis 1915 le monument dédié au maître Jan Hus, symbole de la réforme protestante en Bohême, a été détruite par le peuple pragois. Dans l’idée alors effectivement de ne plus jamais la revoir au milieu de la place.