Chapitres de l’histoire
Le 27 mai 1942, deux résistants tchèques, Josef Gabcik et Jan Kubis, ont perpétré l'attentat contre le protecteur du Reich, Reinhard Heydrich. Leur acte héroïque a démontré que les Tchèques ne s'étaient pas résignés au sort de pays occupé.
L'occupation nazie du 15 mars 1939 a privé la Tchécoslovaquie de ses territoires limitrophes - les Sudètes - annexés au IIIe Reich. Le 27 septembre 1941, le reste de la Bohême et de la Moravie a été placé sous le protectorat de Reinhard Heydrich. Sa mission aurait pu se terminer par une tragédie pour la nation tchèque si un attentat n'avait pas mis fin à ses jours. Qui était Heydrich?
Le deuxième homme le plus puissant de l'appareil policier du Reich, après Heinrich Himmler, mais surtout le plénipotentiaire pour la solution finale de la question juive européenne prévoyant la liquidation de plus de 11 millions de Juifs d'Europe. Mais encore avant la conférence de Wannsee de janvier 1942 qui l'a nommé à ce poste, Heydrich, dont on connaissait l'antisémitisme extrême, a ordonné de déménager toute la population juive du protectorat de Bohême - Moravie. Les Juifs ont été d'abord déportés dans le ghetto de Terezin, d'où un aller sans retour pour la plupart d'entre eux conduisait à Auschwitz.
Pour ce qui est de la population tchèque, le plan de Heydrich fut clair: l'espace tchèque sera germanisé sans pitié, après la guerre victorieuse, et la population incapable de s'y soumettre sera déportée en Sibérie... Au lendemain de son arrivée en fonction, le 27 septembre 1941, Heydrich a décrété l'état d'urgence et créé la cour martiale dont les verdicts étaient irrévocables. Rien qu'au cours des 4 premiers mois d'application de cette loi, 489 Tchèques ont été condamnés à mort et 1637 déportés dans des camps de concentration. Parmi les premières victimes, le Premier ministre, le général Alois Elias, et des centaines d'intellectuels et de résistants.
Le gouvernement tchécoslovaque exilé à Londres commençait à désespérer. Le cours d'informations venant du pays au Président exilé, Edvard Benes, fut coupé, le réseau clandestin partiellement détruit. Il a fallu que Benes, chef de la résistance occidentale, réagisse à la terreur croissante de la partie nazie par une terreur individuelle. La situation n'était point facile, d'autant que Benes avait reçu, deux semaines avant l'attentat, une dépêche de Prague demandant que ce ne soit pas Heydrich, cible de l'attentat, mais Emanuel Moravec. Or, le chef du service de renseignement l'aurait caché devant le président. Les préparatifs de l'attentat contre Heydrich étaient en cours et plus rien ne pouvait l'arrêter. Ils ont commencé déjà en décembre 1941. Sept parachutistes spécialement entraînés, de l'opération Antropoid, ont été parachutés à l'est de Prague. Deux d'entre eux, Josef Gabcik et Jan Kubis, ont exécuté l'attentat.
Le 27 mai 1942, à 10. 30h, ils attendaient au virage de la rue Kirchmayer, au 8e arrondissement de Prague, la voiture de Heydrich rentrant de sa résidence estivale de Panenske Brezany vers le château de Prague. Une malchance s'est attachée à l'attentat, si longuement préparé. Le pistolet-mitrailleur de Josef Gabcik, qui devait tuer Heydrich, a eu un raté. Jan Kubis n'a pas tardé à lancer une grenade contre la Mercedes de Heydrich. Ce dernier n'était apparemment que légèrement blessé par l'explosion, puisqu'il s'est lancé dans la poursuite des deux hommes. Il s'est passé au moins une demi-heure avant qu'il n'ait été transporté à l'hôpital tout proche, Na Bulovce, où il est mort quelques jours plus tard. Un témoin oculaire de l'événement, le docteur Alois Honek, s'en souvient:
"C'est moi qui ai anesthésié Heydrich... je me souviens qu'il était capable de s'asseoir lui-même, je l'ai vu sur la table d'opération, mais je ne l'ai pas entendu parler..."
Heydrich à Berlin, un transport de plus d'un millier de Juifs tchèques a quitté Prague... Une commune, Lidice, a été rasée sous prétexte d'avoir caché des parachutistes. Tous les hommes de Lidice ont été fusillés, les femmes déportées au camp de Ravensbruck. Quant aux enfants, ceux dont l'aspect physique correspondait aux critères de race nordique pure ont été placés dans des familles allemandes pour une rééducation, les autres asphyxiés dans les chambres à gaz à Chelmno, en Pologne. Encore une autre commune, Lezaky, a subi le même sort que Lidice.
Les auteurs de l'attentat, Josef Gabcik et Jan Kubis, ont réussi à s'évader des lieux et ont trouvé refuge dans la crypte de l'église orthodoxe Saint-Cyrille et Méthode où ils sont restés jusqu'au 18 juin. Après la dénonciation d'un ancien compagnon, ils ont préféré mourir que se livrer aux Allemands.
Malgré le côté tragique et le prix trop élevé que l'attentat a coûté, des historiens sont unanimes que la mort de Heydrich a apporté un soutien moral à la résistance anti-hitlérienne. Sur le plan international, l'attentat a servi la politique tchécoslovaque dans la mise en valeur de ses objectifs. Lorsque le ministre britannique des Affaires étrangères, Anthony Eden, justifiait, le 5 août 1942, la nécessité d'annuler les accords de Munich, il prenait comme argument l'héroïsme de la résistance tchèque.