Le chef d'oeuvre de Molière applaudi à Prague
La première du Misanthrope de Molière dans le Club du théâtre (Cinoherni klub), à Prague, a révélé que l'oeuvre du grand dramaturge français reste étonnamment moderne.
Pas une seule ride - c'est ainsi qu'on pourrait caractériser l'impression qui se dégage de ce spectacle. Le spectateur se rend à l'évidence: les préoccupations du Grand siècle sont aussi les nôtres. Face au monde plein de supercheries et de vanité, l'homme moderne, lui aussi, est tenté par la misanthropie comme Alceste, héros de la comédie. Et qui n'a pas les défauts et les faiblesses des autres personnages de la pièce - la prétention d'Oronte, poète ridicule, l'inconstance de Célimène, jeune veuve trop coquette, l'avidité masquée par la pruderie d'Arsinoé, coquette devenue acariâtre au déclin de sa beauté? Le jeune metteur en scène, Martin Cicvak, a transposé l'action de la comédie dans notre temps. Tout se passe sur le toit d'une maison parisienne. Quelque part dans la maison, on donne une soirée très mondaine et les invités viennent, de temps en temps, sur la terrasse pour se rafraîchir. Les hommes sont en costumes élégants, les femmes en robes de soirée. Le comédien Matej Dadak incarne un Alceste qui récite les vers de Molière avec une simplicité poignante sans se priver, cependant, de grands éclats de colère et de cris pathétiques. Le rôle de Célimène, femme qui oblige tout ce petit monde à graviter autour d'elle, a été confié à l'actrice du Théâtre national slovaque, Zuzana Fialova. Sensuelle et explosive, elle parle slovaque et c'est à cause d'elle que le texte de la pièce a été traduit par le Tchèque Vladimir Mikes, mais aussi par le Slovaque Vojtech Mihalik. Ce dernier s'est chargé de la traduction des répliques de Célimène. Le public qui comprend bien le slovaque, s'habitue très vite à ce petit décalage linguistique qui ajoute au spectacle un élément légèrement troublant. Il assiste avec un intérêt croissant à la lutte désespérée et vaine d'Alceste contre la perfidie, la calomnie et le mensonge jusqu'à sa défaite finale, défaite d'un misanthrope qui ne manque pas de grandeur. Les grands moments de ce spectacle exceptionnel sont soulignés, encore, par la musique de Jean-Baptiste Lully ...