Tomas Bata
Tomas Bata, une personnalité tchèque étonnante, digne d'admiration. Le nom du fondateur d'un empire de la chaussure, connu dans le monde entier, sera pourtant un tabou pendant quarante ans !
Le métier de cordonnier dans la famille Bata, s'héritait de père en fils. Les documents les plus anciens sur les origines de la famille remontent au XVIème siècle. Le fameux Tomas Bata, est né le 3 avril 1876, à Zlin, en Moravie, région où la famille résidait depuis de longues années. L'enfant apprécie particulièrement son père Antonin et recherche constamment sa présence. Cela agace un peu le cordonnier, gêné parfois dans son travail par le fils un peu envahissant. Mais il s'habitue très vite à cet enfant qui essaye de l'imiter et pose un tas de questions plus ou moins pertinentes. Tomas n'a que cinq ans lorsqu'il apporte à son père une paire de chaussures découpées dans du bois. Antonin réussit à vendre la paire, à la grande fierté de son fils. Intelligent et habile, l'enfant se rend compte que les chaussures en bois ne sont pas très pratiques, qu'elles sont même inutilisables. Le petit Tomas se met à ramasser des déchets de cuir souple et fin de différentes couleurs. Et le voilà qu'il arrive avec une nouveauté : de minuscules chaussures de poupées ! On en revient pas !
Tomas passe la plupart de son temps dans l'ambiance insalubre de l'atelier de cordonnier. Pourtant, les exhalaisons de colle, de poix de cordonnier et d'autres éléments nocifs, ne semblent guère nuire à la santé de l'enfant. Le père Antonin prend son fils très au sérieux, alors que celui-ci n'a que dix ans. Rien d'étonnant, car Tomas est tout à fait capable de fabriquer lui-même des chaussures pour enfants et adultes. Son fils se concentre au travail, d'autant plus qu'il souffre de la perte douloureuse de sa mère. En cette période, la misère oblige la famille à se déplacer à Uherske Hradiste, également en Moravie. A l'âge de quatorze ans, Tomas devient apprenti officiel à l'atelier de son père. Les nouveautés attirent l'adolescent comme un aimant ! T. Bata découvrira que dans les usines de Prostejov, ville très proche, on confectionne leschaussures à l'aide de machines. Le jeune Bata n'hésite pas et se fait aussitôt embaucher chez Färber, producteur de chaussures en question. Expérience qui lui laissera un goût d'amertume au fond de la gorge ! Par curiosité, il tourne tellement autour des machines, que finalement, on le prend pour un espion industriel et on le licencie. T. Bata est déçu et excédé ! Même son père n'a pas l'air de le comprendre et fait la sourde oreille à toutes les propositions innovatrices de son fils qui veut tout simplement l'aider à se remettre de la crise. T. Bata part rejoindre sa soeur Anna, qu'il aime beaucoup, à Vienne. Mais c'est un inconnu qui manque d'argent, et les chaussures qu'il présente ne correspondent pas trop au goût exigent des viennois. Oui, elles sont de bonne qualité, mais pas assez sophistiquées pour la ville impériale. De plus, il travaille sans licence au risque d'une poursuite judiciaire pour concurrence déloyale. Finalement sa soeur fait part des malheurs de son frère au père Antonin qui vient le chercher, pour le ramener à la maison. Tomas est ému par l'affection que lui porte son père et ne se laisse pas décourager. Il se lance à la conquête des villes tchèques, réussit à obtenir des commandes et progressivement arrive jusqu'à Prague. L'inconvénient du jeune Bata est son manque d'instruction. Il sait à peine écrire et est incapable de rédiger un contrat, ce qui lui fait perdre beaucoup de clients. Il fera preuve d'un acharnement incroyable ! Il étudie la nuit pour compléter les lacunes d'instruction primaire. Par contre, le père Antonin refuse toujours toutes nouveautés et s'entête à produire de vieux modèles. La misère frappe encore à la porte des Batas !
Coup de théâtre ! T. Bata, son frère Antonin, âgé alors de vingt et un ans, et la soeur Anna décident de fonder leur propre entreprise de chaussure. Le père proteste et cède finalement. Il consent même à leur verser leur part d'héritage, somme modeste, mais réelle. De plus, Anna a fait quelques économies à Vienne, qu'elle place dans l'affaire. La société est fondée en 1894. Une petite maison sur la place principale qu'ils adapteront et équiperont de machines, convient parfaitement. Le père Antonin offrira quelques formes à chaussures et le trio se lance dans le commerce. Ils ont du courage, renforcé par les conseils du père Antonin, mais les débuts sont durs, très durs ! Les membres de la nouvelle firme sont trop jeunes et travaillent différemment. Ils instaurent la production en série, des horaires réguliers de six heures du matin à six heures du soir, incluant la pause déjeuner d'une heure... Ils sortent de l'ordinaire, irritent l'entourage, deviennent indésirables ! D'autant plus qu'ils n'apportent aucune innovation en modèles sur le marché. Les clients se lassent, la demande et la vente baissent. Aucun des trois n'a lanotion de la comptabilité, ce qui se reflète sur les crédits à découvert, les traites en retard...Après une année d'existence, la boîte se trouve au bord de faillite! Le frère Antonin est obligé de faire son service militaire pendant trois ans et se sera Tomas avec sa soeur Anna qui se mettront en devoir de sauver l'entreprise. Tomas commence à sombrer dans un désespoir total ! Il est au bout du rouleau ! Eurêka ! Soudain une idée jaillit dans son cerveau remarquable ! Produire des chaussures en toiles ! Idée révolutionnaire qui provoquera un mépris et la raillerie des autres cordonniers. Des chaussures en toile, du jamais vu ! Il prend le risque et c'est la réussite ! En 1897 toutes les dettes sont remboursées ! Son rêve de produire des chaussures en série bon marché et de bonne qualité, commence à se réaliser.
En début des années vingt, T. Bata dépasse la crise en réduisant les prix de 50%. Et ça marche ! Il devient un industriel célèbre, fort et imbattable ! Sa soeur Anna se marie, Antonin, le frère aîné, fait son propre chemin et Tomas commence à édifier le nouveau quartier de Zlin, une ville industrielle moderne. Rien n'y manquera : ateliers, halls de productions, magasins, crèches, écoles, stades de sport, maisons pour ouvriers. La villa de Bata avec son fameux bureau sobre, dont il ne sort que tard le soir, se trouve en pleine zone industrielle.Tomas Bata avait la passion du cuir, de la chaussure, du métier. Il a travaillé dur pendant une vingtaine d'années pour devenir l'industriel du siècle et de tous les temps. Il ne fumait pas, ne buvait pas d'alcool. C'était un obsédé du travail. Souvent il avait faim et froid, mais ne s'est jamais vraiment laissé décourager. Sa carrière a été écourtée par une mort tragique, survenue à bord d'un avion écrasé, en 1932. La dynastie continuera ! Le fils et le petit-fils, suivront les traces du célèbre et immortel Tomas Bata, originaire de Bohême.