Le photographe Ladislav Sitensky : une vie dans les nuages
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, deux milliers de pilotes tchèques et slovaques s'étaient engagés dans la Royal Air Force britannique. Le photographe Ladislav Sitensky, qui vient de fêter, le 7 août, ses 84 ans, a choisi de vivre les combats à leurs côtés. Un témoignage et un destin exceptionnels...
Ce qui a fait la gloire des photographies de guerre de Ladislav Sitensky, c'est, curieusement, l'absence de la guerre. On s'attendrait à y voir les avions écrasés, la souffrance, les blessures, les larmes, la peur, le drame... mais non, les photos de Sitensky, dégagent, au contraire, une joie tenace qui résiste à tout les coups. Fils d'un diplomate pragois, passionné de l'art, le jeune Sitensky s'en va, en 1939 à Paris, pour faire des études d'architecture. Lorsque la guerre éclate, il rejoint, muni de son appareil photo, l'armée tchécoslovaque étrangère à Agde, dans le sud de la France. Un an plus tard, il débarque, en tant que membre de la 312e escadrille de chasse de la RAF en Grande-Bretagne et... photographie ses amis aviateurs : en train de fumer tranquillement leur cigarette, de plaisanter, de se reposer, de préparer les avions aux batailles... A la fin de la guerre, Sitensky a 26 ans et le prestigieux journal Sunday Times lui propose de l'engager. Nostalgique de son pays, le photographe revient à Prague, où il travaillera pour la presse et se consacrera à sa création personnelle. Il se balade, il voyage et il photographie tout ce qu'il voit : des gens célèbres et ordinaires, des montagnes, des nuages, des enterrements, des usines... Rien d'étonnant : aujourd'hui, il a à son actif un demi-million de photos et presque 100 expositions ! Comme par miracle, Sitensky échappe aux persécutions communistes, ce qui n'étaient malheureusement pas le cas de ses amis pilotes...
Dans sa vie, Ladislav Sitensky avait deux grands amours : la seconde, c'était, évidemment, la photographie. Et la première ? Son épouse française, Paulette... Les souvenirs des 55 ans de leur vie commune, le classique de la photographie tchèque les a confiés à Jaroslava Gregorova...
"Je l'ai connue à Paris, en 1937. Je faisait des photos à l'Exposition internationale pour un journal. Nous nous mariions à la fin de la guerre, dans la cathédrale de Lille. Nous avions une seule voiture pour les noces, une jeep. Ma femme et moi, nous nous entendions très bien, nous avions les mêmes goûts : on aimait voyager (nous avons visité quarante pays !), aller aux concerts, faire du sport. Mais quand même, ma femme n'était pas vraiment heureuse : la France lui manquait énormément. Sous le communisme, elle ne pouvait pays s'y rendre fréquemment. Ici, elle ne travaillait pas, elle s'occupait de nos trois enfants."