Miloslav Topinka, lauréat du prix Jaroslav Seifert
La Fondation de la Charte 77 a décerné le Prix Jaroslav Seifert au poète Miloslav Topinka pour son recueil de poésies intitulé « Trhlina » - « Crevasse ». En recevant cette décoration, Miloslav Topinka est entré dans un cercle prestigieux. Parmi les lauréats du prix, qui porte le nom d'un des poètes tchèques les plus populaires et les plus aimés, il y a, entre autres, les romanciers Bohumil Hrabal, Milan Kundera et Ludvik Vaculik, le poète Ivan Divis, et le poète et plasticien Jiri Kolar.
C'est un poète pour lequel chaque recueil est le fruit d'une longue maturation. A l'âge de 58 ans, il n'a ainsi publié que trois livres de vers. Il a débuté en 1969 par le recueil au titre fantaisiste « Utopir », avant que, l'année suivante, son livre intitulé « Le nid de rats » soit mis au pilon. Le régime totalitaire qui s'installait alors en Tchécoslovaquie ne pouvait pas admettre l'ouvrage d'un auteur qui cherchait à débarrasser la poésie de toute idéologie. Topinka poète s'est tu pour de longues années. En 1992, il a publié une biographie d'Arthur Rimbaud et, finalement, en 2002, la maison d'édition Trigon a lancé son troisième recueil de poésies « Crevasse ».
"Je suis bien content que ce soit justement « Crevasse » qui a eu le prix, a déclaré Miloslav Topinka pour le journal Lidove noviny, crevasse dans l'espace, dans le corps et dans le langage. Ce que nous sommes habitués à appeler poésie doit changer car autrement tout perd son sens." Ajoutons que « Crevasse » est non seulement un livre mais aussi un objet d'art, et qu'on peut le situer dans le genre communément appelé livre d'artistes. Les poèmes sont présentés avec des photos, des tâches de couleurs, certaines pages sont déchirées, d'autres, trouées ou diaphanes, laissent transparaître le texte des pages suivantes. "Il ne s'agit pas d'illustrations, souligne Topinka, cela fait partie du texte, c'est sa continuation. On pense, en général, que la poésie comble un vide, (...) que nous manquons quelque chose dans notre vie, qu'il y a une crevasse. Et les gens pensent que la tâche de la poésie est de combler ce vide, fermer cette crevasse. Mais c'est le contraire, la poésie ouvre ce vide, bien que ce ne soit que pour un instant."