La première de l'Avare de Molière au Théâtre national de Prague
Après un demi-siècle d'absence, "L'Avare", la célèbre comédie de Molière, revient au répertoire du Théâtre national de Prague. La première de ce nouveau spectacle aura lieu ce mercredi.
L'histoire de ce mauvais maître et mauvais père, qui voue un véritable culte à son argent et croit que sa richesse lui donne un pouvoir absolu sur ses proches, est connue et aimée par le public tchèque. Le rôle d'Harpagon a été joué dans le passé au Théâtre national par de grands comédiens, dont Jindrich Mosna et, plus près de nous, Frantisek Filipovsky et Ladislav Pesek. Aujourd'hui cependant, le public habitué à voir Harpagon comme un personnage caricatural, un petit vieux en robe de chambre et bonnet de nuit, sera surpris. Les temps ont changé et les riches d'aujourd'hui ne ressemblent plus à ceux du temps de Molière.
Le metteur en scène, Michal Docekal, se rend compte de cette nouvelle situation qui est pour lui un défi. Il relève le défi et cherche des aspects actuels de la vieille comédie: "Pour moi, ce qui est le plus passionnant et le plus actuel dans cette pièce, c'est le conflit entre deux mondes, dit-il. D'un côté, il y le monde personnalisé par l'avare lui-même, de l'autre côté, il y le monde nouveau, le monde qui est jeune, sans limites, libre, qui consomme l'argent ramassé par l'avare. (...) Ce conflit, cet antagonisme entre cette étroitesse spirituelle, l'avarice non seulement matérielle mais aussi spirituelle, d'un côté, et la prodigalité, la consommation sans bornes de l'autre côté, me semble passionnant et actuel." C'est donc la tentative d'une nouvelle interprétation de la célèbre pièce. Le personnage principal, Harpagon, dans cette nouvelle production ne ressemblera pas à ces vieillards ridicules incarnés par les grands comédiens du passé. Pour le rôle titre, le Théâtre national a choisi Boris Rösner, acteur à la taille élancée, au regard sombre et au visage comme taillé dans la pierre. Tout semble prédestiner cet acteur au théâtre dramatique et à la tragédie. Harpagon incarné par lui sera donc bien différent de ses prédécesseurs."Mes professeurs me disaient toujours qu'on devait savoir tout jouer, se souvient-il. Mon physique et les rôles qu'on me donnait jusqu'à présent me classent dans une catégorie d'acteurs qui n'ont rien à voir avec la comédie. Mais quand on lit attentivement cette pièce, on se rend compte qu'en réalité ce n'est pas tellement ridicule. Au fond, Harpagon est un homme malheureux, qui, à la fin, ne comprend plus rien. Il ne comprend ni le monde, ni soi-même. Il le dit d'ailleurs dans son célèbre monologue. Le monde se désagrège entre ses mains, ce monde dont il a lui-même fixé les contours, le monde qu'il considère comme le seul monde possible et juste. Et il lutte en vain contre le monde extérieur et contre soi-même pour rétablir le soi-disant ordre, ordre que nous concevons comme ridicule parce que c'est un ordre mauvais."