La Maison des montres historiques vient d'ouvrir à Karlstejn
Parler de montres historiques dans une émission radiophonique, qui, hélas, nous prive de l'impression visuelle de toute leur beauté? J'ai décidé de l'essayer, après avoir visité la Maison des montres qui vient d'ouvrir, sur la zone piétonne de Karlstejn, au pied du monumental château du même nom, à 25 km à l'ouest de Prague. Cette visite m'a tellement impressionnée que je n'ai pas résisté à ne pas vous y inviter.
L'exposition des montres, installée depuis le début de l'année à Karlstejn, présente de vraies raretés. Elle propose près de 700 montres d'époques différentes, à commencer par la Renaissances et en terminant par l'Art nouveau, et provenant de tous les coins du monde: Autriche, Suisse, Allemagne, Angleterre, France, Italie, Hollande, Chine, Japon, Amérique... Montres de poche, montres-bracelet, chronomètres, réveils- matin, montres de table, de mur, de plancher, de tours, régulateurs. Elles sont l'oeuvre de maîtres réputés, tout comme d'horlogers anonymes. On peut y admirer les premiers mécanismes simples, les carillons, les pendules à coucou jusqu'aux régulateurs qui sont les appareils les plus exacts, selon lesquels on réglait le temps. En regardant ces petites oeuvres d'art on se rend compte combien de métiers fallait-il pour les fabriquer: batteur de métaux, fondeur, chaîniste... sans oublier le principal, le maître horloger qui devait tout calculer, car la montre, ce sont, avant tout, les mathématiques.
A l'origine de ce musée, il y avait une collection de Miroslav Svoboda, qui se consacre à cette passion depuis plus d'un quart de siècle. Il nous dira comment, tout a commencé:
"Après mon retour du service militaire, j'ai voulu acheter une montre ancienne pour mon nouveau logement. J'ai rendu visite à un horloger et les montres que j'y ai vues m'ont absolument impressionnées. J'ai acheté alors une montre à pendule et depuis je n'ai arrêté de collectionner les montres, voilà bientôt 27 ans. En peu de temps, j'ai eu des montres partout, et quand j'en ai réuni près de 700, je me suis dit qu'elles méritaient une place plus noble. J'ai commencé à chercher les locaux appropriés et c'est ici, à Karlstejn, que je les ai trouvés."
A la question de savoir si les montres qu'il avait à la maison, sonnaient toutes à la fois l'heure, M. Svoboda répond:
"C'est intéressant, j'aime la marche des montres, mais pas leur sonnerie. J'adore les montres dont la marche est silencieuse et absolument exacte - les dits régulateurs. Ce sont les grandes horloges de haute précision selon lesquelles on réglait, autrefois, le temps. Elles n'étaient pas destinées au public. Elles se trouvaient, par ex., aux observatoires, dans différentes institutions scientifiques. Les régulateurs ont l'air assez austères. Ils ne frappent la curiosité du visiteur que par leur grandeur. Le plus précieux est leur mécanisme qui se distingue par une précision absolue. Aujourd'hui, les montres sont réglées par le signal atomique. Quant à l'Europe centrale, il nous vient à chaque seconde de Francfort-sur-le-Main."
Pour la visite de la Maison des montres à Karlstejn, c'est Mme Jana Langerova, présidente du Club d'amis des montres historiques, qui a bien voulu nous servir de guide. Par ordre chronologique, nous commençons par les montres les plus anciennes:
"La période Renaissance est représentée par quelques montres, dont la plus ancienne date de 1588. Cette montre a une forme paysanne, ce qui ne doit cependant pas nous tromper. Jusqu'au XVIIIe siècle, les montres étaient le symbole de la richesse et la prospérité. Cette plus ancienne montre appartenait à l'Eglise. Elle n'a qu'une seule aiguille, car au temps où elle a vu le jour, le temps ne se comptaient pas par les minutes, mais par les heures."
Au fil des siècles, les techniques de mesurer le temps devenaient de plus en plus précises. Ainsi, les montres de l'époque baroque ont, sur leur cadran, la date, l'aiguille des secondes, et les phases de la Lune.
Une montre unique par ses dimensions de grande taille exposée à Karlstejn: la pendule à coucou de la région de Schwarzwald, spécialement faite pour le salon de chasse du comte Harrach. C'est un travail du XIXe siècle. Son mécanisme est déjà beaucoup plus sophistiqué. Les montres à coucou étaient faites sur commande des forestiers et de tout ceux qui aimaient les animaux des forêts, explique notre guide, Mme Langerova, en nous faisant écouter leur sonnerie:
La montre suivante mérite aussi toute notre attention. Elle a été faite par l'un des plus importants horlogers pragois, Ludvik Heinz. C'est un appareil de grande dimension destiné à la tour de l'église et bien qu'il soit caché, son maître a beaucoup veillé à la beauté de son extérieur. M. Heinz était un horloger réputé de Prague. Il a collaboré avec les grandes puissances dans le domaine des montres, telles que Omega, Schaufhausen. La Bohême n'a jamais été une puissance des montres. Beaucoup d'horlogers tchèques sont partis travailler à Vienne très réputée pour son horlogerie.
Et les montres de France ? Il y en a, bien sûr, à l'exposition de Karlstejn. Ecoutons à nouveau Mme Langerova.
"On leur a réservé un coin typique pour la France de Louis XIV. Nous avons ici des montres du XVIIe siècle sur consoles et les montres de cheminée, puis les répliques du XIXe siècle. La France se distinguait par un riche ornement des montres. Le mécanisme des montres de France est plus simple que celui d'Allemagne, mais cette dernière ne peut rivaliser la France en ce qui concerne les boîtes de montres richement ornées et incrustées d'écaille, d'âcre, d'or et de bois. L'exposition en dit long sur le goût d'autrefois. Toutes les montres exposées ici ont leur histoire. Quelques-unes continuent, depuis déjà le XVIIe siècle, à faire leur tic-tac silencieux... Chaque montre faisait partie d'un ménage, d'une famille, d'une vie humaine. Chacune de ces plus de 700 montres a son histoire, son destin."