L'affaire, qui a vite tourné au scandale, a commencé l'année dernière par l'arrestation d'un juge de Bohême du nord, Jiri Berka. Il était, et est toujours, soupçonné d'avoir participer à des faillites frauduleuses. Le ministre de la Justice, Karel Cermak, vient de déclarer :
« Il est un peu surprenant que cette affaire prenne de telles proportions. Je ne pense pas seulement à la justice, mais aussi à la police, l'administration des faillites, les expertises. On décerne un goût italien ou sicilien, je ne le nie aucunement ». Le ministre fait allusion aux pratiques de la mafia. De quoi s'agit-il exactement ? La police accuse huit personnes d'avoir fait disparaître les biens d'une valeur de plus de 6 millions d'euros de quatre sociétés déclarées en faillite. La police soupçonne ces personnes d'avoir pu réaliser ces fraudes grâce à la complicité de fonctionnaires haut placés. Les soupçons mènent jusqu'au bureau du procureur de la République, où un fonctionnaire chargé des plaintes contre les fraudes suspectes aurait pu collaborer avec les fraudeurs en freinant les contrôles. Il n'est pas inculpé, mais figure dans une affaire de faux en écriture. Coïncidence, les enquêteurs ont découvert que les mêmes personnes figuraient dans les deux affaires. Ce qui alarme le ministre de la Justice est le fait que les personnes impliquées dans l'affaire de faillites frauduleuses ou dans celle des faux en écriture sont, ou étaient, très haut placées : un recteur d'une école supérieure, un adjoint du vice-président du gouvernement, un juge de la Cour suprême, un autre juge régional, un fonctionnaire du bureau du procureur général, un fonctionnaire de l'Office national pour la sécurité et même le chef de cet office.
L'affaire de faux en écriture est classique : les acccusés, tous hauts fonctionnaires de la Justice, recopiaient les textes de leurs collègues pour les publier sous leurs noms. Ils ont tous été révoqués. Dans l'affaire des faillites frauduleuses, les huit inculpés se sont cassé les dents sur un trop gros morceau : l'une des dernières banques 100 % tchèques, l'Union banka. La fausse faillite de cette banque, dont les milliards de biens devaient se retrouver sur les comptes des personnes intéressées, a éclaté au grand jour. Le juge qui était chargé de la liquidation n'avait pas pu continuer et avait arrêté la procédure sous la pression de l'opinion publique, des médias et clients de la banque. En effet, il avait envoyé en liquidation une institution bancaire qui, sur papier seulement, avait changé de nom et de domicile. Curieusement, le juge avait agi sur la présentation de faux en écriture ! L'enquête se poursuit et le ministre de la Justice a toutes les raisons d'en être satisfait : elle révèle que ce que l'on chuchottait était bien vrai et qu'une partie des tentacules de la « pieuvre » a été coupée.