Affaire du voile islamique à l’école : une jeune Somalienne perd son procès

Photo illustrative: Biswarup Ganguly, CC BY 3.0

Une jeune étudiante somalienne qui réclamait des excuses et un dédommagement financier à une école pragoise pour lui avoir interdit de porter le voile musulman durant les heures de cours, a perdu son procès. Mardi, le tribunal municipal de Prague a en effet rejeté sa plainte, la première du genre en République tchèque, pays où les musulmans ne forment qu’une toute petite minorité.

Photo: ČT24
Les couloirs du tribunal municipal de Prague étaient bien remplis mardi. Près d’une centaine de personnes étaient réunies pour entendre le verdict concernant l’interdiction du port du voile islamique à l’école. Dans le public se trouvaient notamment des dizaines d’islamophobes qui portaient des banderoles sur lesquelles étaient inscrits des slogans comme « Protégeons notre culture » ou « Notre pays, nos règles ».

L’affaire qui suscite une grande attention aussi bien des médias et des politiciens que du public, remonte à septembre 2013. A l’époque, la Somalienne Ayan Jamaal Ahmednuur s’était inscrite dans une école d’infirmières située dans le Xe arrondissement de Prague. Ses études n’ont toutefois pas duré longtemps. La direction lui demandant de ne pas porter de hijab couvrant le cou et les cheveux pendant les cours conformément au règlement de l’école qui interdit le port de tout couvre-chef, la jeune fille décide alors de quitter l’établissement et de porter plainte pour discrimination.

La médiatrice de la République, Anna Šabatová, a pris la défense de la jeune étudiante, estimant que l’école l’avait discriminée dans son accès à l’éducation et que, dans le cas des filles musulmanes, le port du voile ne peut être interdit que lors des stages et heures de formation en milieu hospitalier.

Ivanka Kohoutová,  photo: ČT24
L’école s’oppose toutefois à cette idée et affirme que chaque établissement a le droit de définir ses propres normes hygiéniques et de sécurité, tout en tenant compte de la laïcité de l’éducation. Sa directrice, Ivanka Kohoutová, a répété devant le tribunal que l’étudiante, qui a obtenu le droit d’asile en Tchéquie en 2011, n’avait jamais entamé officiellement ses études, puisqu’elle n’a pas fourni à l’école les documents nécessaires, parmi lesquels notamment une copie de son permis de séjour.

Confirmant le jugement rendu en première instance en janvier par le tribunal du Xe arrondissement de Prague, le juge du tribunal municipal a rejeté la plainte de la Somalienne, l’estimant infondée. Jan Klášterka a expliqué que même si le port des symboles religieux à l’école n’est pas interdit par la législation tchèque, celle-ci ne stipule pas non plus de tolérance obligatoire :

« Il n’existe aucun droit de manifester son appartenance à une religion partout et tout le temps. Selon la logique de la plaignante, le cours de mathématiques par exemple pourrait être interrompu par la récitation de la prière ‘Notre père’. Il ne s’agit donc pas d’une forme de discrimination. Certes, le règlement de l’école interdit à la plaignante de porter le voile. Mais ce même règlement concerne aussi les autres élèves qui voudraient porter un couvre-chef. De plus, porter un couvre-chef à l’école est inconvenant en République tchèque. »

Ce verdict a été applaudi par les partisans de la directrice et les critiques de l’islam qui se sont mis à chanter l’hymne national.

Radka Korbelová Dohnalová,  photo: ČT24
L’étudiante qui réclamait des excuses de l’école et un dédommagement d’un montant de 60 000 couronnes (un peu plus de 2 000 euros) n’était pas présente au tribunal. Son avocat, Radka Korbelová Dohnalová, a toutefois indiqué vouloir s’adresser à la Cour suprême :

« Je ne suis pas d’accord avec la décision du tribunal car elle est en contradiction avec la Charte des droits et libertés fondamentaux de notre pays. Mais quelle que soit mon opinion, il s’agit d’une question qui mérite d’être jugée par des instances juridiques supérieures. »

De son côté, l’avocat de l’école, Radek Suchý, s’est félicité du jugement rendu qui, selon lui, pourrait constituer un précédent pour d’autres écoles qui se posent la question de l’interdiction ou non du port du voile.