Loyers « régulés » : un casse-tête juridique que les gouvernements successifs ne parviennent pas à résoudre
Le problème des loyers régulés, que nous avons déjà abordé la semaine dernière, revient souvent au coeur des débats politiques en République tchèque. Il en est souvent question lors des campagnes électorales, mais jusqu'à maintenant, aucun gouvernement, de droite comme de gauche, n'est parvenu à mener à terme une réforme que certains propriétaires et locataires appellent pourtant de leurs voeux.
Le département de sociologie de l'Académie des sciences, dans un récent rapport, a calculé que les loyers régulés permettaient aux locataires d'économiser environ cinq milliards de couronnes par an. Les auteurs de ce rapport ont pourtant précisé que les bénéficiaires du système étaient loin d'être les plus nécessiteux.
Alors que le gouvernement actuel souhaite subventionner à grands renforts de milliards la construction de logements en coopérative, nombreux sont les économistes selon lesquels cette solution n'est peut-être pas la meilleure. Pour Jan Sladek par exemple, cité par le quotidien économique Hospodarske noviny, « l'accès au logement serait davantage facilité par une baisse des impôts et la libéralisation des loyers ».
Selon l'Office tchèque des statistiques, il existe dans le pays environ un million d'appartements sous le régime d'un loyer régulé. La précédente coalition gouvernementale menée par Vladimir Spidla n'était pas parvenue à s'entendre sur la manière de résoudre les problèmes liés au système de loyers, et aucun des deux projets préparés par deux ministères différents n'avait abouti. Et lorsque le législateur tente de prendre des mesures, c'est la Cour constitutionnelle qui intervient. Libor Dellin est vice-président de l'Association tchèque des propriétaires :
« Lorsque les tentatives gouvernementales de légiférer dans le secteur passent les premières étapes du processus législatif, elles échouent au niveau de la Cour constitutionnelle. La Cour est déjà intervenue par trois fois en bloquant les réformes et ne pratique qu'à titre exceptionnel le revirement de jurisprudence. »Karel Mach, propriétaire de deux immeubles à Prague et à Brno, est quant à lui convaincu que le problème se réglera tout seul, à long-terme, en l'absence de réelle volonté politique :
"Le problème n'est pas l'absence totale de volonté, le problème est que personne ne veut rien faire avec ce problème puisque la plupart de la classe politique habite dans un appartement à loyer régulé."
Les loyers régulés sont quand même destinés en priorité à des personnes qui ne peuvent se permettre de payer un loyer au prix du marché, inabordable pour le salaire moyen tchèque?
"La raison pour laquelle les loyers sont aussi élevés à Prague est précisément le fait que ces appartements sont tenus par des gens qui n'en n'ont pas besoin. Si les gens qui gagnent entre 20000 et 40000 couronnes par mois payaient un loyer correspondant à leur revenu, il n'y aurait pas besoin d'avoir des loyers si élevés. Le marché lui-même baisserait les prix. Mais puisqu'il y a un manque de logement artificiellement maintenu par un système dans lequel les gens paient entre 600 et 1500 couronnes par mois, du coup il y a des gens qui sont prêts à payer entre 10000 et 15000 pour obtenir un appartement."Comment résoudre ce problème?
"Le problème se résoudra lui-même. Tout ce problème n'est compliqué qu'à Prague. Dans d'autres villes du pays, les loyers régulés ont équivalents aux loyers du marché, à Ostrava, à Liberec. Même à Brno, c'est déjà du simple au double seulement. Mais puisque les banques ont facilement prêté de l'argent, beaucoup de monde a acheté des appartements, et pensait les louer au prix élevé du marché. Maintenant que les taux d'intérêt sont en train de monter, il va y avoir un grand nombre de gens qui vont devoir trouver des locataires à n'importe quel prix pour pouvoir payer leurs traites. Les prix tomberont d'eux-mêmes."
Sans avoir besoin de libéraliser tous les loyers?
"Oui, et quand les prix tomberont, alors les gens bénéficiaires de loyers régulés qui sous-louaient leur appartement trois ou quatre fois le prix qu'ils paient ne pourront plus continuer sous-louer à un tel tarif. Une fois que leur appartement ne leur rapportera plus autant d'argent, alors ils abandonneront leur droit au loyer régulé. C'est la façon dont ça va se résoudre, mais ça va durer encore des années. Politiquement, rien ne sera fait, parce qu'il y a beaucoup de gens dans les ministères qui devraient mettre les choses en ordre qui habitent eux-mêmes dans des logements à loyers régulés. Ils ne vont pas travailler contre eux-mêmes..."