Budget européen : les Tchèques en veulent toujours autant
Les chefs d’Etat et de gouvernement des vingt-sept pays membres sont réunis à Bruxelles, ce jeudi et vendredi, pour discuter des contours du prochain budget de l’Union européenne pour la période comprise entre 2021 et 2027. La République tchèque est représentée par son Premier ministre, un Andrej Babiš qui considère les propositions formulées jusqu’à présent sont déséquilibrées et désavantageuses pour les pays dépendant des fonds de cohésion.
Un bon compromis a beau être un compromis dont personne n’est satisfait, selon Johannes Hahn, le commissaire européen au budget, ce n’est pas dans cet état d’esprit qu’Andrej Babiš, ne serait-ce que publiquement, s’est envolé pour Bruxelles.
Le Premier ministre l’a dit et répété, il souhaite que la République tchèque, qui selon lui « a besoin d’argent pour les investissements », bénéficie du même paquet de subventions que pour la période en cours 2014-2020 :
« Nous luttons surtout pour recevoir l’argent que nous sommes convaincus de pouvoir dépenser rapidement et à bon escient, tandis que les contributeurs nets proposent de transférer cet argent dans les programmes centraux où notre capacité à percevoir des subventions n’est pas aussi bonne que pour les politiques traditionnelles. »
A Prague, Andrej Babiš s’est dit convaincu que les positions des différents Etats membres étaient pour l’heure tellement éloignées les unes des autres, qu’il ne voyait pas comment un terrain d’entente pourrait être trouvé lors de ce sommet. La réalité des négociations avec ses homologues européens pourrait néanmoins pousser le chef du gouvernement tchèque à accepter de réduire la voilure, comme le pense Kateřina Šafaříková, journaliste à l’hebdomadaire Respekt et spécialiste des questions européennes :
« Le Premier ministre tchèque doit bien savoir qu’il n’est pas possible que le même montant soit accordé, d’abord parce que le Royaume-Uni, qui comptait parmi les principaux contributeurs nets au budget, n’est plus là et que le montant total du budget devrait être revu à la baisse. Par ailleurs, certains pays ont d’autres priorités : ils veulent que davantage de moyens soient consacrés par exemple aux conséquences du changement climatique, à la sécurité ou à la protection des frontières extérieurs. Inversement, la République tchèque souhaite que les mêmes montants soient destinés aux politiques traditionnelles que ce soit dans les domaines de l’agriculture ou de l’aide aux régions moins développées. »
Comme seize autres membres, la République tchèque fait partie du club dit des « Amis de la cohésion », qui sont tous favorables, à la différence notamment de pays comme le Danemark, la Suède, l’Autriche ou les Pays-Bas, à un maintien en l’état des fonds de cohésion. Cette politique régionale de l’UE a pour objectif l'harmonisation et la cohésion dans le développement des pays européens. Comme la majorité des dix pays qui ont adhéré à l’UE il y a un peu plus de quinze ans, la République tchèque est devenue dépendante des subventions provenant de ces fonds, dont elle considère le versement comme un devoir de solidarité de la part des pays plus riches. Kateřina Šafaříková explique pourquoi :« Une part prédominante des politiques tchèques pensent effectivement que les subventions européennes sont comme un droit de l’homme, si je puis dire. Qu’ils soient de droite ou de gauche, leur discours consiste à dire que nous faisons partie d’un marché unique, que les entreprises de l’Ouest avec leurs filiales profitent de la main-d’œuvre bon marché pour emporter chaque années des dividendes de plusieurs centaines de milliards de couronnes qu’ils ne réinvestissent pas en République tchèque. Ils considèrent que le devoir des pays d’Europe de l’Ouest est de nous aider. »
« Mais il est aussi amusant de remarquer qu’une très grande majorité de Tchèques, selon un récent sondage, ne savent toujours pas que pour ce qui est du budget européen, la République tchèque fait partie des pays qui en bénéficient plus qu’ils n’y contribuent. C’est triste car cela ne correspond absolument pas à la réalité. »
La proposition qu’a présentée Charles Michel, le président du Conseil européen, se base sur un budget total de 1 095 milliards d’euros et se manifeste effectivement par un recul des grandes politiques de l’Europe, qu’il s’agisse de la politique agricole commune ou de celle, donc, de cohésion. Sur ce montant, 325 milliards resteraient néanmoins consacrés à la politique régionale de développement, et la République tchèque pourrait alors voir « son » paquet de subventions - qui ont contribué pour près de 1 % à son PIB ces dernières années - réduit de près d’un quart.