« Un pour tous, tous contre Babiš » : à un an des législatives, la nouvelle union du centre-droit
« Ensemble » (« Spolu », en tchèque) pour empêcher Andrej Babiš de retrouver le pouvoir et son mouvement populiste ANO et ses possibles alliés extrémistes de former un gouvernement. Comme lors des précédentes élections en 2021, les trois principaux partis de centre-droit tchèques, qui forment la majorité de l’actuelle coalition gouvernementale, ont convenu d’unir leurs forces et de présenter une liste de candidats commune pour les législatives qui se tiendront en octobre 2025.
« Nous voulons donner l’espoir aux Tchèques que le populisme, les formules vides de sens et le mensonge ne régneront pas dans ce pays. »
Il y a quatre ans presque jour pour jour, le 27 octobre 2020, à une époque où Andrej Babiš occupait toujours les fonctions de Premier ministre, c’est encore avec un masque de protection respiratoire sur le visage en pleine crise du Covid que Petr Fiala, alors dans le rôle de leader de l’opposition, avait annoncé la principale raison de la création de cette nouvelle coalition appelée SPOLU (« Ensemble », en français).
Un attelage de centre-droit à trois têtes composé de deux partis conservateurs, l’ODS (Parti démocrate civique) dirigé par Petr Fiala et TOP 09, et des chrétiens-démocrates du KDU-ČSL, une formation située un peu plus au centre de l’échiquier politique tchèque, bien qu’étant elle aussi très conservatrice sur un certain nombre de points.
L’objectif de cette alliance était alors très clair : mettre les forces en commun de trois partis promis à la défaite pour réaliser un meilleur résultat et ainsi faire en sorte d’empêcher Andrej Babiš, au pouvoir depuis 2017, de continuer à gouverner y compris après les élections de 2021.
Un objectif qui avait finalement été atteint de justesse, puisque SPOLU avait devancé d’une très courte tête ANO, permettant ainsi à Petr Fiala de former un gouvernement.
Quatre ans plus tard, cette coalition SPOLU va donc se poursuivre. Lundi 28 octobre, jour de fête nationale, les dirigeants de l’ODS, de TOP 09 et du KDU-ČSL ont en effet signé un mémorandum actant le principe d’une candidature commune dans l’optique des élections législatives qui seront organisées en octobre 2025.
Comme en 2021, et comme l’a concédé le Premier ministre Petr Fiala sans citer son nom, c’est d’abord « la menace Babiš », dont le mouvement ANO figure très largement en tête des derniers sondages, qui a contraint trois des quatre partis de l’actuelle coalition gouvernementale à s'unir de nouveau :
« Ce seront des élections tout à fait fondamentales. Les électeurs décideront s’ils veulent que notre pays soit dirigé par des forces pro-démocratiques qui ont l’ambition de continuer à faire avancer la République tchèque ou s’ils préfèrent se laisser leurrer par la propagande et les mensonges de la gauche, des populistes et de diverses autres forces radicales qui, s’ils ont la possibilité de former le gouvernement, représenteront le plus grand danger pour notre pays depuis novembre 1989 [et la fin du régime communiste]. »
Attendue compte tenu des sondages, l’annonce de cette nouvelle alliance de circonstance, entre trois partis dont la faculté de coopération a déjà été mise à l'épreuve par trois années passées ensemble au sein du gouvernement, n’a surpris aucun observateur de la scène politique tchèque, ni ses adversaires, et surtout pas le député et vice-président du mouvement ANO Karel Havlíček, très proche collaborateur d’Andrej Babiš :
« Ils n’ont aucun thème de campagne et c’est pourquoi ils jouent la carte de ‘l’anti’. Mais ce qui m’étonne, c’est que personne ne leur ait encore expliqué qu’un tel programme ne leur permettra plus de remporter les élections. »
Leader du parti TOP 09 et présidente de la Chambre des députés, Markéta Pekarová Adamová estime que l’enjeu des prochaines élections législatives va au-delà des seuls intérêts de la Tchéquie, dans une Europe centrale dont l’ancrage à l’Ouest apparaît menacé par la Hongrie de Viktor Orban et la Slovaquie de Robert Fico, deux dirigeants pour lesquels Andrej Babiš ne cache pas son estime :
« L’orientation pro-occidentale de notre pays et le fait de pouvoir y vivre en sécurité sont ce qui nous importe en priorité. Cette orientation et le maintien de la sécurité sont deux conditions indispensables pour la prospérité et la modernisation de notre pays. Et bien entendu, cette coalition nous permet de faire en sorte que les moyens financiers que nous mettons en commun soient utilisés de manière efficace et rationnelle. »
Interrogée par la Radio tchèque, la politologue Vladimíra Dvořáková souligne toutefois que, malgré la réussite du projet en 2021, la reconduite de SPOLU ne constitue certainement pas une garantie de nouveau succès en 2025 :
« Il est encore trop tôt pour dire si cette coalition est une bonne chose ou pas, même si on peut penser qu’elle est une nécessité pour les trois partis concernés, car dans l’état actuel des choses, si l’on s’en tient aux sondages, il est peu probable que TOP 09 et les chrétiens-démocrates réalisent un score supérieur à 5 % qui leur permettrait d’être représentés à la Chambre des députés. L’ODS n’a bien évidemment pas ce problème car il peut compter sur un électorat plus important et plus stable, mais si Petr Fiala veut être en mesure de former une coalition gouvernementale après les élections, il a besoin de partenaires comme TOP 09 et les chrétiens-démocrates. Du coup, même si ce type de coalition pour les élections est aussi une arme à double tranchant, car cela peut ne pas plaire à certains électeurs, dans le cas présent, encore une fois, le risque est trop grand de voir TOP 09 et les chrétiens-démocrates réaliser des scores insuffisants aux élections pour accéder au Parlement, et donc pour ensuite former un éventuel nouveau gouvernement. »