« Notre expérience ressemble beaucoup à ce que l’Algérie est en train de vivre »
Depuis le 28 octobre, jour de la fête nationale tchèque, l’ambassade tchèque a officiellement ouvert à Bamako. Le Secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Boubacar Gouro Diall, a reçu lundi le chargé d’affaires de la nouvelle ambassade tchèque, Robert Kopecký. La Tchécoslovaquie avait brièvement ouvert une ambassade dans la capitale du Mali peu après son indépendance mais depuis sa fermeture, c’est toujours l’ambassade d’Alger qui sert de lien entre Prague et Bamako. L’occasion pour Radio Prague International de diffuser l’entretien réalisé récemment avec l’ambassadrice tchèque en poste à Alger, Lenka Pokorná :
« La situation reste très difficile à gérer. Nous avons cette préoccupation parce que notre idée est d’aider les gens sur place avant qu’ils ne deviennent des réfugiés, migrants, etc. La République tchèque a décidé d’ouvrir une ambassade, une représentation à Bamako. Cette ambassade a existé brièvement dans les années 1960 puis tout a été fermé. Maintenant, nous nous apprêtons à rouvrir l’ambassade qui sera inaugurée par mon collègue qui sera chargé d’affaires de cette mission pour commencer. »
Donc jusqu’ici c’est vous qui avez le Mali sous votre responsabilité ?
« Exactement, et ce sera comme cela jusqu’à la fin du mois de juin de l’année prochaine. Comme vous le savez, le Mali n’est pas un terrain extrêmement calme donc au bout d’une année de mission il faudra faire une évaluation et décider de la suite de cette ambassade »
Est-ce un moment particulièrement intéressant pour être en poste à Alger en tant que diplomate étrangère ?
« Je dois dire que je suis arrivée à Alger il y a environ un an, dans un pays calme où les changements récents n’étaient pas prévisibles… Donc nous avons été assez surpris par ce mouvement, d’abord des jeunes, qui a commencé à réclamer des changements fondamentaux dans la société algérienne. »
« Avec mes collègues diplomates nous observons et espérons surtout que tout va bien se terminer pour l’Algérie pour qu’elle puisse vraiment aller de l’avant. La dernière révolte démocratique était en 1988, quand le pouvoir d’un parti unique – ce que nous avons connu à Prague – s’est terminé mais cela s’est soldé par cette guerre civile contre les islamistes. Il faut rappeler que l’Algérie a été le premier pays touché par ce fléau, qui a fait des dégâts énormes en termes de vies humaines et de changements dans les modes de vie et les libertés individuelles. J’espère que cette fois ci, l’Algérie trouvera la bonne issue pour avancer à grands pas. »Tout le monde doit être dans l’expectative à Alger…
« Exactement. Mais on n’attend pas. On fait maintenant des projets de partage d’expérience de notre propre période de transition. Il y a toujours des choses à faire, dans le domaine de la culture, de la formation… »
Cette situation complique-t-elle la diplomatie, notamment la diplomatie économique chère à certains dirigeants ici à Prague ?
« Oui. Mais d’un autre côté il faut dire que la situation n’était pas rose non plus avec l’ancien système. Il y avait par exemple la règle « 49/51 », qui obligeait chaque société investissant en Algérie à avoir un partenaire algérien pour qu’il détienne 51% du capital. Maintenant il faut qu’on laisse du temps pour voir comment travailler ici. Pour le moment, ce que nous pouvons faire est de partager notre expérience historique, qui dans un certain sens ressemble beaucoup à ce qu’est en train de vivre l’Algérie. »
« Avec mes collègues hongrois et polonais, nous avons notamment organisé un séminaire économique, avec l’économiste de renom Tomáš Sedláček pour la partie tchèque. Cela a eu un grand succès et a été couvert par plusieurs médias locaux. Ce que la Tchéquie peut offrir en tant que pays qui a une expérience un peu comparable, c’est notre expérience et le partage, pas seulement des bonnes pratiques mais aussi des erreurs, que les Algériens pourraient éviter. »« Nous avons aussi invité des spécialistes du ministère algérien des Finances pour un stage à Prague. La partie algérienne est notamment intéressée par une réforme fiscale dans le passage d’une économie gérée d’une façon centrale à une économie de marché. »
« Et puis nous avons des projets dans le domaine de l’archéologie avec l’université de Constantine, parce que c’est méconnu mais l’Algérie détient le deuxième patrimoine au monde des monuments de la Rome antique. »
Quelle image a la Tchéquie aujourd’hui en Algérie ?
« Je pense que nous avons une bonne image, qui date de la Tchécoslovaquie et des spécialistes tchécoslovaques envoyés en Algérie, pays ami dans la logique politique de l’époque. Nous avons aujourd’hui un parc à Alger qui s’appelait le Jardin Marengo, du nom d’un colonel français, et qui s’appelle maintenant le Jardin de Prague. »
Est-ce plus facile d’être une diplomate d’un pays non colonisateur dans un pays comme l’Algérie ?
« Je suppose que oui, mais il faudrait poser la question aux diplomates de pays anciennement colonisateurs. La Tchéquie n’a jamais colonisé personne et pour nous c’est beaucoup plus simple… »
« Et l’Algérie a été colonisée et attaquée par tout le monde, les Phéniciens, les Romains, les Arabes, les Turcs, les Français… Comme la Tchécoslovaquie, qui a dû se défendre pendant toute son existence contre quelqu’un. »
Vous allez projeter un film sur Václav Havel à Alger ; avez-vous d’autres événements prévus à l’occasion du trentième anniversaire de la révolution de Velours ?« Oui, il y aura une exposition qui va aborder le thème de la révolution de Velours et plusieurs événements autour. Il y aura aussi une autre exposition sur les monuments tchèques gérés par l’Etat, en collaboration avec l’office national de la protection des monuments (NPÚ ) et le musée national. La gestion du patrimoine est un autre thème vers lequel j’aimerais beaucoup orienter notre travail. J’aimerais que la directrice du NPÚ vienne à Alger partager les expériences avec les collègues algériens. Car le patrimoine algérien est énorme mais pas assez mis en valeur. »