4+4, un festival qui décline l’engagement artistique sous toutes ses formes

Du 4 au 12 octobre, la 24e édition du festival international 4+4 Days in Motion, soit Huit jours en mouvement, fait de Prague une véritable scène d’art contemporain.

Chant, arts plastiques, danse, audiovisuel ou encore stand-up : plus de soixante artistes issus de tous horizons s’expriment à leur manière autour du slogan « Nobody has anything » - que l’on pourrait traduire par « Personne n’a quoi que ce soit » en français. Pour la coorganisatrice du festival Markéta Černá, ce thème fait allusion aux problèmes sociaux ainsi qu’aux changements économiques et environnementaux actuels, tout en reflétant la grande diversité des performances proposées. Si leurs provenances géographiques et artistiques sont diverses, les artistes internationaux qui se produisent cette semaine aux théâtres Archa et PONEC ainsi qu’au centre Dox ont pour point commun leur engagement.

Samedi soir, le provoquant performer Jeremy Wade a ouvert les festivités avec son œuvre « The clearing », qui mêlent à la fois chants, démonstrations physiques et récits. Il y a exprimé ses inquiétudes pour l’avenir, l’environnement ou encore le manque d’empathie et de solidarité envers autrui, tout en bousculant le schéma binaire du genre.

Le lendemain, il a laissé la place à la Finlandaise Samira Elagoz et à son « Cock Cock… Who’s There ? », un docu-fiction qui a connu un véritable succès à l’international. Victime d’un viol, la jeune femme a largement abordé ce thème sans s’y limiter, abordant également féminisme, sites de rencontres ou encore le corps féminin. Des corps qui ont également inspiré le musicien français Gérald Kurdian, qui a investi la scène du théâtre Archa lundi soir pour présenter son spectacle « Hot bodies stand up »:

« Je suis très obsédé par les corps, déjà parce que je trouve que c’est un peu le parent pauvre du monde d’aujourd’hui. C’est à la fois le point de focus principal dans le sens où il faut l’habiller, le muscler, le nourrir ou le pomper, et en même temps je trouve qu’il est un peu mal aimé. On ne sait pas le toucher, on ne sait pas vraiment bien se nourrir au sens énergétique du terme, et puis on nie les émotions, l’affect, les choses qui ne peuvent être vécues que par le corps ».

Sous forme de stand-up musical à la fois humoristique, absurde et militant, Gérald Kurdian a entrepris de réapprendre au public l’art d’éprouver comme il l’explique au micro de Radio Prague International :

« Je me situe dans les luttes sex-positives, c'est-à-dire dans ces militances qui veulent que les corps se réapproprient leurs désirs. Je trouve que le monde est fait de normes qui contraignent plus qu’elles ne permettent aux gens d’éprouver, de toucher, d’approcher ce qui pourrait leur faire du bien. »

« Eprouver ou faire éprouver » ; c’est ce à quoi se sont adonnés, mardi, le Finlandais Niv Sheinfeld et l’Egyptien Oren Laor, qui comptent parmi les meilleurs danseurs contemporains du monde. Sur la scène du Théâtre Ponec et à travers leur spectacle « La troisième Danse », ils ont réfléchi en mouvement sur l’amour, l’immortalité et le besoin de reconnaissance.

Pour finir en beauté, le chorégraphe belge Louis Vanhaverbeke a été salué par un formidable standing ovation jeudi soir au terme de sa performance « Mikado Remix », complètement décalée.

« Souscrire à une identité ne doit pas me faire obéir », c’est ce que chante ici le sound-maker. A l’aide de barrières en métal et de boîtes en plastique fonctionnant comme des samplers, Louis Vanhaverbeke questionne la normalité et les normes jusqu’à quitter la scène à vélo pour se perdre dans les rues de Prague. Il explique ne pas rechercher la simplicité et prendre plaisir à la contourner :

« L’objet central ici, ce sont vraiment les barrières en métal, car pour moi elles parlent de beaucoup de choses autour de nous et dans la société. Est-ce que l’on a vraiment besoin de barrières ? Je pense que oui, mais à quel niveau ? J’utilise les barrières pour m’enfermer dans un carré, comme une cage, mais c’est aussi une métaphore pour le corps, qui est peut-être aussi une cage. Il y a aussi les boîtes, car comme le dit l’artiste serbe Marina Abramović, ‘le corps, c’est comme un container avec toutes les émotions dedans’- J’aime bien cette métaphore. »

Dans le cadre du festival 4+4, le Palais Delfours présente une exposition regroupant les œuvres et performances d’un grand nombre d’artistes, et propose par ailleurs des ateliers divers. Comme l’a expliqué Markéta Černá, « chaque année, une exposition a lieu dans un lieu vide ou abandonné dans le centre de Prague, que nous investissons avec l’art. Cette année encore, c’est le Palais Desfours qui est mis à l’honneur. Donc, en plus de faire découvrir certains des meilleurs artistes contemporains du moment, le festival fait revivre des lieux magnifiques mais oubliés du centre de Prague. »

D’autres artistes internationaux sont au programme jusqu’à samedi, comme le danseur contemporain Sorour Darabi, Silke Huysmans et Hannes Dereere avec leur pièce de théâtre documentaire Mining Stories, le danseur et chorégraphe Trajal Harrell, ou encore la Sud-Africaine Ntando Cele, qui traitera de l’apartheid sous forme de stand-up.